Sur le fond, pensez-vous que la refonte des CCAG va modifier le quotidien des acheteurs publics ?
Cette réforme des CCAG est intéressante sur plusieurs points. Il y a tout d’abord la partie qui fait passer ces documents dans le nouveau monde, avec la dématérialisation par exemple. Ensuite, on retrouve la volonté de les adapter à la pratique avec, notamment, la création du CCAG relatif à la maîtrise d’œuvre. Cette nouveauté était essentielle car avant on fonctionnait avec le CCAG prestations intellectuelles qui n'était pas adapté à la profession. Le nouveau CCAG maîtrise d’œuvre va faciliter la vie des acheteurs.
Enfin, je trouve qu’il y a vrai changement d’état d’esprit visant à aller vers quelque chose d'un peu plus équilibré vis-à-vis des opérateurs économiques. C’est l’occasion pour les acheteurs de se questionner sur la relation qu’ils souhaitent avoir avec leurs titulaires. Les CCAG offrent des possibilités, à eux de s’en emparer.
Au-delà des changements sur le fond, cette refonte est-elle aussi l’occasion de repenser son organisation ?
C’est en effet le cas. Il faut voir cette réforme comme une opportunité et non pas une contrainte. C'est l'opportunité de remettre à plat les documents de consultation des entreprises (DCE) et pas uniquement les cahiers des clauses administratives particulières (CCAP). Lorsque l’on questionne les entreprises, et plus particulièrement les PME, sur la difficulté d’accéder à la commande publique, une des premières raisons avancées est que les marchés publics sont une usine à gaz. Depuis des années, le gouvernement a modifié les choses : par exemple, il n’est plus nécessaire d’exiger la signature au moment de la candidature. De même, l’acheteur n’a pas besoin de demander une tonne de documents à ce stade de la procédure. Pourtant, on voit encore des règlements de consultation, qui fixent les règles du jeu de la passation, rédigés comme il y a une quinzaine d’années.
Cette refonte des CCAG doit donc être l’occasion de remettre les choses à plat. En outre, c’est l’opportunité de faire travailler les différents services internes – acheteurs et prescripteurs – ensemble pour faire le point sur l’exécution des marchés.
Vous êtes spécialiste du legal design. Cette réforme des CCAG est-elle une bonne occasion pour se lancer ?
Oui, incontestablement ! Le legal design est un mode de pensée qui place l'utilisateur au cœur de sa démarche. Appliqué aux marchés publics, il permet de rédiger des documents clairs et compréhensibles pour les personnes qui les exécutent et parfaitement adaptés à la pratique de l’acheteur. On peut par exemple le mettre en œuvre dans un premier temps pour expliquer aux prescripteurs les nouveautés de la réforme.
Ensuite, pour mettre à jour les CCAP il faut procéder par étapes. La première est de faire le point sur sa pratique d’achat, les problèmes d’exécution rencontrés.
La seconde étape consiste à faire un travail d’empathie afin d’identifier les besoins des personnes qui vont exécuter le marché.
Dans un troisième temps, il faut analyser les modifications induites par les CCAG au regard de la pratique et des difficultés rencontrées. Là encore, c’est l’occasion pour l’acheteur de se poser les questions sur ses pratiques. Par exemple, une clause relative aux pénalités peut être mal rédigée de sorte qu’il est difficile de l’appliquer.
Quatrième étape : c’est le moment de supprimer les doublons, les contradictions, les clauses inutiles, de restructurer vos CCAP selon les besoins des utilisateurs et de les actualiser.
Cinquième étape, celle de la rédaction en langage juridique clair en utilisant quand cela est possible, des outils de visualisation (tableaux, schémas…).
Et la dernière étape c’est celle du test auprès des prescripteurs : est-ce que le CCAP est clair pour eux ? Ont-ils trouvé rapidement les informations importantes pour exécuter le marché ?