Marchés publics Le Code 2006 en 10 questions

Attendu pour le printemps, le Code 2006 des marchés publics devrait être d’application immédiate. C’est donc aujourd’hui qu’il faut s’y intéresser pour anticiper sa mise en œuvre. A partir de la dernière version connue, établie pour la réunion interministérielle du 16 janvier 2006, « Le Moniteur » recense les modifications les plus importantes qui sont attendues.

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La publication du Code des marchés publics 2006 se précise. Soumis pour avis au Conseil d’Etat depuis février dernier, le projet de décret devrait être publié au « Journal officiel » vers la fin du mois d’avril. Pour cela, il faut que la Haute Assemblée et le gouvernement parviennent à un accord sur la rédaction du texte. Toutefois, en cas de divergences, le gouvernement peut parfaitement ne pas suivre l’avis du Conseil d’Etat. Les points de désaccord possibles concernent le champ d’application du Code en matière de maîtrise d’ouvrage, la suppression de la signature électronique des offres ou encore certaines mesures prises en faveur des PME.

« Le Moniteur » a identifié les 10 questions principales que pose la réforme en cours.

Le champ d’application du Code va-t-il changer ?

Sur le plan organique, le Code 2006 n’emploie plus les termes de « personne responsable du marché ». La PRM sera tout simplement la personne qui est désignée par les arrêtés de délégation pris conformément aux dispositions qui régissent l’organisme public en cause. La personne publique, prise en sa qualité d’acheteur public, devient, en revanche, un « pouvoir adjudicateur ». Si, au niveau local, la notion de pouvoir adjudicateur devrait correspondre au périmètre de la collectivité ou de l’établissement public local, il n’en ira pas de même au niveau de l’Etat. Celui-ci pourrait en effet comporter plusieurs pouvoirs adjudicateurs, au niveau desquels la computation des besoins devrait être effectuée. Une telle interprétation est conforme au droit communautaire (v. , rec. p. 4635).

Disposition envisagée

« Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux avec des opérateurs économiques publics ou privés par les pouvoirs adjudicateurs définis à l’article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services et dont le paiement ne peut être différé » (article premier du projet).

Au plan matériel, les contrats « in house » sont toujours exclus, mais cette exclusion n’est pas applicable aux sociétés d’économie mixte (SEM). Autrement dit, les contrats entre une SEM et la collectivité dont elle dépend sont soumis au Code. Le projet tire ici les enseignements de la jurisprudence récente de la Cour de justice des Communautés européennes.

Par ailleurs, le Code 2006 continue à exclure les emprunts auprès des banques et des établissements financiers. Cette exclusion est d’une légalité quelque peu incertaine au regard des textes européens, même si le gouvernement maintient cette dérogation contre vents et marées. Toutefois, il n’est pas interdit à un pouvoir adjudicateur d’organiser une mise en concurrence, même si le Code français permet de ne pas le faire.

Le Code 2006 exclut aussi les marchés qui ont pour objet la mise à disposition ou l’exploitation de réseaux publics de télécommunications, ou la fourniture au public d’un ou plusieurs services de télécommunications. Le futur décret tire ici les conséquences de la déréglementation en la matière.

Disposition envisagée

« Les dispositions du présent Code ne sont pas applicables aux marchés (…) qui présentent les caractéristiques suivantes (…) : 5° Marchés de services financiers relatifs à l’émission, à l’achat, à la vente et au transfert de titres ou d’autres instruments financiers et des opérations d’approvisionnement en argent ou en capital des pouvoirs adjudicateurs » (article 2, 5° du projet).

La notion de « maîtrise d’ouvrage » va-t-elle ­évoluer ?

Oui. Le droit communautaire ignore la définition de la maîtrise d’ouvrage publique telle qu’elle découle de la loi MOP ( modifiée du 12 juillet 1985. Selon les directives européennes, le maître d’ouvrage est celui pour lequel l’ouvrage est réalisé, et ce « par quelque moyen que ce soit ». Autrement dit, les baux emphytéotiques et autres Vefa(1), qui échappent en France à la loi MOP, et donc au Code, n’échappent pas aux directives dans la mesure où ils permettent à un pouvoir adjudicateur de se procurer un ouvrage. En s’alignant sur le droit communautaire, le Code 2006 élargirait son champ d’application à certains montages complexes qui ne font pas, actuellement, l’objet de procédures soumises au Code.

Disposition envisagée

« Les marchés publics de travaux sont les marchés conclus avec des entrepreneurs qui ont pour objet soit l’exécution, soit conjointement la conception et l’exécution d’un ouvrage ou de travaux de bâtiment ou de génie civil répondant à des besoins précisés par le pouvoir adjudicateur » (article premier, III du projet). (NDLR : la mention « à la demande d’une personne publique exerçant la maîtrise d’ouvrage » est supprimée.)

Les grands marchés ­devront-ils être allotis ?

Non. Malgré une intense campagne de lobbying des représentants des PME et des artisans, l’allotissement devrait demeurer une simple faculté et non une obligation dans les grands marchés. Tout au plus devrait-il y avoir une incitation à allotir. Il reste que les PME peuvent aussi former des groupements d’entreprises, pour pouvoir soumissionner à armes égales avec les grands groupes.

Disposition envisagée

« Les marchés sont passés en lots séparés si ces opérations de travaux ou ces projets d’achats peuvent être divisés en ensembles cohérents, sauf si cet allotissement présente un inconvénient technique, économique ou financier » (article 10 du projet). (NDLR : est supprimée la mention prévoyant qu’« un marché unique peut cependant être conclu si le pouvoir adjudicateur justifie de l’intérêt financier ou technique de ce choix ».)

Les PME pourront-elles être avantagées comme aux USA ?

Oui et non. Aux USA, il existe un dispositif fédéral dénommé SBA ou « Small business act ». Celui-ci n’est pas conforme aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et n’a pas été repris au niveau des directives européennes. Cependant, Bercy envisage la possibilité, dans les procédures restreintes, de réserver quelques places pour les PME au stade des candidatures. Cela ne leur assurera pas un marché à coup sûr, mais évitera qu’elles ne soient écartées avant même de déposer une offre.

De plus, il est envisagé d’interdire à un pouvoir adjudicateur d’évincer un candidat qui ne présenterait pas de références appropriées à l’objet du marché. L’idée ici est d’éviter que les « jeunes pousses » (Start up) ne soient exclues de la mise en concurrence. C’est une mesure intéressante, mais qui peut être à double tranchant, en permettant aussi à des entreprises incompétentes de passer le stade des candidatures. Si l’absence de références n’est plus éliminatoire en tant que telle, elle peut le devenir en combinaison avec d’autres critères, tels que la faiblesse des moyens financiers, techniques ou humains pour exécuter le marché.

Disposition envisagée

« Le pouvoir adjudicateur peut demander aux candidats d’indiquer dans leur offre la part du marché qu’ils ont l’intention de sous-traiter à des tiers, notamment à des petites et moyennes entreprises » (article 48, II du projet). « En outre, le pouvoir adjudicateur peut, parmi les candidats admis à présenter une offre, fixer un nombre minimum de petites et moyennes entreprises, au sens de l’article 48, admises, sauf si le nombre des petites et moyennes entreprises retenues en application des critères de sélection des candidatures n’est pas suffisant » (articles 60, 65 et 162, I du projet).

« L’absence de références à de précédents marchés de même nature ne peut constituer un critère éliminatoire » (article 52, III du projet).

Pourra-t-on référencer des entreprises ?

Oui. C’est l’une des innovations majeures du Code 2006, qui transpose sur ce point la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004. Avec les accords-cadres, il sera possible à un pouvoir adjudicateur de conclure un accord-cadre avec plusieurs entreprises pour un besoin déterminé, puis de les remettre en compétition au fur et à mesure des besoins pendant un délai maximum de quatre ans. Il s’agit, en somme, d’un « super référencement » d’entreprises comme il s’en pratique dans le secteur privé.

Disposition envisagée

« Les accords-cadres sont les contrats conclus entre un des pouvoirs adjudicateurs définis à l’article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, ayant pour objet d’établir les termes régissant les marchés à passer au cours d’une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées » (article 1er, I du projet).

Pourra-t-on prendre en compte le développement durable ?

Oui. Ce sera même une quasi-obligation. La définition des besoins devra prendre en compte les préoccupations liées au développement durable, pour autant que cette prise en compte soit compatible avec l’objet même du marché. Il est évident que le marché conclu avec un cabinet d’audit financier est peu approprié à la prise en compte de ce type de contrainte… Ainsi, les questions environnementales pourront être insérées au stade de la définition des besoins, au stade de la sélection des candidatures par le biais des écolabels, au stade des offres par la mise en œuvre de critères environnementaux, et, enfin, au stade de l’exécution du marché par l’insertion de clauses spécifiques. On peut, par exemple, d’ores et déjà prévoir la limitation de la production de CO2 de telle ou telle unité industrielle ou véhicule.

Disposition envisagée

« Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour objet de répondre à ces besoins, tout en prenant en compte les préoccupations de développement durable » (article 5, I du projet).

La dématérialisation va-t-elle devenir une réalité ?

Peut-être. La dématérialisation telle qu’elle est réglementée jusqu’à ce jour est un échec. Moins de 2 % des entreprises remettent leurs « plis » par voie électronique. La peur des virus est passée par là. En revanche, le téléchargement des dossiers de consultation (DCE) est un grand succès ; mais c’est justement la partie du dispositif qui ne fait l’objet d’aucune réglementation. De là à penser qu’il y a un lien entre la réglementation et l’absence d’offres électroniques, il n’y a qu’un pas, que Bercy a franchi allègrement. Pour alléger le formalisme des réponses électroniques, le Code 2006 envisage la suppression pure et simple de la signature électronique des offres. Cela paraît a priori incroyable, mais c’est pourtant vrai. Le gouvernement devra cependant convaincre le Conseil d’Etat de la validité d’une offre non signée, ce qui n’est pas gagné d’avance.

Par ailleurs, le Code 2006 pourrait autoriser les pouvoirs adjudicateurs à imposer la dématérialisation aux entreprises à partir de 2010. Là encore, on attend avec intérêt l’avis du Conseil d’Etat.

Disposition envisagée

« Pour les marchés passés selon les procédures formalisées, l’écrit prend la forme d’un acte d’engagement dans lequel le candidat présente son offre » (article 12, I du projet). (NDLR : la mention de la signature est supprimée.)

Comment évoluent les Mapa ?

Les dispositions envisagées pour les marchés à procédure adaptée (Mapa) tirent les conséquences de la jurisprudence récente (voir notamment CE, 7 octobre 2005, « Région Nord-Pas-de-Calais »). Il est ainsi prévu de contraindre les pouvoirs adjudicateurs à localiser les opérateurs éventuels, afin de vérifier que les mesures de publicité prises sont de nature à les atteindre.

Disposition envisagée

« Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils mentionnés au I du présent article, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d’y répondre, ainsi que des circonstances de l’achat » (article 28, II du projet).

Comment évoluent les marchés négociés ?

Pour l’essentiel, le Code 2006 crée un régime de procédure négociée spécifique pour les achats en Bourse, et il permet au pouvoir adjudicateur de conclure un marché négocié sans mise en concurrence pour l’achat de fournitures à des conditions particulièrement intéressantes, auprès d’une entreprise en cessation d’activité ou en faillite. Heureuse initiative, facile à intégrer dans le Code et bénéfique pour les deniers publics…

En cas d’appel d’offres infructueux, le Code 2006 distingue les offres irrégulières et les offres inacceptables. Dans cette deuxième catégorie, il range les offres qui répondent aux besoins du pouvoir adjudicateur, mais qui dépassent l’enveloppe budgétaire allouée au marché. On ne sait pas d’où sort cette notion d’enveloppe budgétaire. Est-ce lié au budget ? Comment le soumissionnaire peut-il savoir s’il dépasse ou non l’enveloppe budgétaire ? Des précisions sur ce point seraient sans doute utiles.

Disposition envisagée

« Une offre irrégulière est une offre qui, bien que répondant au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. Une offre inacceptable est une offre qui, bien que répondant au besoin du pouvoir adjudicateur, ne respecte pas les règles relatives à la sous-traitance ou au travail illégal ou encore qui excède l’enveloppe budgétaire allouée au marché en cause » (article 35, I 1° du projet).

Faudra-t-il toujours ­rédiger un cahier des charges à l’issue du dialogue dans le dialogue compétitif ?

Non. Le Code 2006 est enfin aligné sur les dispositions européennes, qui ne prévoient pas la rédaction d’un cahier des charges à l’issue de la phase de dialogue. Chaque candidat retenu au terme du dialogue pourra donc faire une offre cohérente et complète à partir de sa propre solution. Toutefois, il faut préciser que cela ne devrait pas dispenser le pouvoir adjudicateur de prévoir dans un document les informations essentielles qu’il souhaite voir reprises dans les cahiers des charges des entreprises candidates : durée du marché, délais de paiement, etc.

Disposition envisagée

« Lorsqu’il estime que la discussion est arrivée à son terme, le pouvoir adjudicateur en informe les candidats qui ont participé à toutes les phases de la consultation. Il invite les candidats à remettre leur offre finale sur la base de la ou des solutions qu’ils ont présentées et spécifiées au cours du dialogue » (article 67, VII du projet). (NDLR : suppression de l’obligation de rédaction d’un cahier des charges par le pouvoir adjudicateur.)

Question subsidiaire : le Code 2006 fera-t-il l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ?

Certainement. Comme les précédents, le Code 2006 devrait faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat. Le doute subsiste quant à la valeur réglementaire du Code et certains considèrent, non sans arguments, que seule une loi peut encadrer la libre administration des collectivités locales, notamment en matière de contrats publics. Si le Code 2006 est sauvé sur ce point, certaines dispositions pourraient être néanmoins censurées par la Section du contentieux du Conseil d’Etat, si elle juge qu’elles sont illégales, notamment si elles ne sont pas compatibles avec les textes européens. Un tel recours n’étant pas suspensif, le Code 2006 s’appliquera de toute manière dès sa publication au « Journal officiel ».

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