Quel niveau d’information peut exiger un candidat à un appel d’offres lors de la passation et après l’attribution ? C’est la question à laquelle le Conseil d’Etat a répondu dans une décision du 2 août 2023.
Saisi par un candidat évincé, le juge des référés du tribunal administratif a annulé la procédure de passation d’un marché public de travaux au motif que l’acheteur public aurait manqué à son obligation de transparence. En particulier, il n’aurait pas suffisamment informé les candidats quant aux critères d’évaluation des offres et à la méthode de notation. La personne publique n’aurait pas non plus transmis tous les éléments nécessaires aux candidats évincés pour leur permettre d’apprécier les motifs de rejet de leur candidature.
Contestant cette décision, l’EPCI acheteur se pourvoit devant le Conseil d’Etat. En effet, dans le cadre d’un référé précontractuel, l’ordonnance rendue par le tribunal administratif ne peut faire l’objet d’un appel devant la cour administrative d’appel (CAA) mais directement d’un recours en cassation devant le Conseil d’Etat. Utile précision apportée par le rapporteur public Nicolas Labrune dans ses conclusions, la collectivité requérante ayant initialement saisi par erreur la CAA.
Transparence nécessaire pour certains sous-critères
La Haute juridiction opère un premier rappel sur les obligations des acheteurs. Ceux-ci doivent communiquer aux candidats les critères de sélection ainsi que leur pondération ou hiérarchisation. Cette information doit figurer dans les documents de consultation (article R.2152-11 du Code de la commande publique). Le Conseil d'Etat reprend ensuite les termes d’une précédente décision, rendue en 2010, dans laquelle était jugé que si l’acheteur décide de faire usage de sous-critères également pondérés ou hiérarchisés, « il doit [les] porter à la connaissance des candidats […] dès lors que, eu égard à leur nature et à l’importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection » (CE, 18 juin 2010, « Commune de Saint-Pal de Mons », n°337377, publiée au Recueil).
Le rapporteur public indique dans ses conclusions que « le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu d’informer les candidats de la méthode de notation des offres et reste libre de [la] définir comme il l’entend », conformément à une autre décision elle aussi rendue en 2010 par le Conseil d’Etat (CE, 31 mars 2010, « Collectivité territoriale de Corse », n°334279, mentionnée au Recueil). Une seule limite à cette liberté : la méthode de notation peut être jugée irrégulière si elle est « de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération » (CE, 20 novembre 2020, « Société Evancia », n°427761, mentionnée au Recueil).
Pas de sous-sous-sous critère
Appliquant ces principes, les juges rejettent l’appréciation initiale du tribunal administratif qui avait considéré qu’auraient dû être communiqués aux candidats les barèmes de notation utilisés par l’acheteur pour évaluer les sous-critères. Le Conseil d’Etat estime que ces barèmes ne sont que « des éléments d’appréciation [des] trois sous-critères, insusceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ». Il retient le raisonnement du rapporteur public pour qui « il ne faudrait pas voir des sous-sous-sous critères à chaque fois qu’une commission d’appel d’offres s’est donnée des directives d’appréciation chiffrées des sous-critères ».
Des obligations allégées
Le tribunal administratif avait aussi annulé la procédure de passation du marché au motif que l’acheteur aurait méconnu l’article R. 2181-2 du Code de la commande publique aux termes duquel tout candidat évincé à un marché public passé par la voie d’une procédure adaptée « peut obtenir les motifs de ce rejet dans un délai de quinze jours à compter de la réception de sa demande à l’acheteur ». Dans ce cas, le pouvoir adjudicateur doit lui communiquer « les caractéristiques et avantages de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire du marché ».
En l’espèce, la collectivité territoriale avait informé la société à l’origine du référé « du nom de l’attributaire du marché, du classement de son offre et de celle de l’attributaire, des notes qui lui avaient été attribuées et de celles qu’avait reçues l’offre retenue ». Insuffisant pour le tribunal administratif, qui a jugé que la collectivité territoriale aurait dû transmettre également le rapport d’analyse des offres.
Mais pour le Conseil d’Etat, au contraire, les éléments transmis étaient bien suffisants au regard des obligations posées par le CCP. A cet égard, ce sont une nouvelle fois les conclusions du rapporteur public qui apportent un éclairage. Nicolas Labrune relève que les éléments communiqués permettaient au candidat d’en déduire « les motifs de rejet de son offre et les caractéristiques et avantages de l’offre retenue ». Ainsi, il en conclut que le tribunal administratif a « exigé […] plus que ne le prévoient les textes » en imposant la transmission du rapport d’analyse des offres.