Marchés publics des bailleurs sociaux : la CRE diffuse les bonnes pratiques pour l’achat d’énergie

Le contexte de crise énergétique rend encore plus complexe la passation des marchés publics pour l’achat d’énergie. Pour remédier à ces difficultés, la Commission de régulation de l’énergie publie seize recommandations à destination des bailleurs sociaux. Elles peuvent pour la plupart être généralisées à tous les acheteurs publics.

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comité de projet EnR
Les seize recommandations sont le fruit des échanges menés entre acheteurs et fournisseurs d'énergie.

« Faciliter les achats d’énergie dans le logement social », c’est l’objectif des seize recommandations publiées par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) le 5 octobre 2023. Si elles s’adressent en premier lieu aux bailleurs sociaux, le régulateur précise que certaines recommandations « peuvent s’appliquer à d’autres marchés publics de fourniture d’énergie (gaz et électricité), en particulier les achats des collectivités territoriales ».

Généraliser les bonnes pratiques

Le document fait suite à deux ateliers organisés en février et en avril 2023 auxquels ont participé l’Union sociale pour l’habitat (USH), différents fournisseurs d’énergie, des représentants d’entreprises locales de distribution (ELD) et des gestionnaires de réseau de distribution. Réunis à l’initiative de la CRE face aux difficultés rencontrées lors de la souscription des contrats de fourniture dans le contexte de crise énergétique et de flambée des prix, ils ont pu partager leurs contraintes et attentes respectives, et aboutir à des bonnes pratiques contractuelles à mettre en œuvre sur les futurs marchés.

Accords-cadres

Rappelons tout d’abord que les bailleurs sociaux sont soumis au Code de la commande publique (CCP) pour leurs achats. La souscription des contrats de fourniture d’énergie intervient donc à l’issue d’une procédure de mise en concurrence, menée conformément aux dispositions du CCP.

La CRE observe que l’achat d’énergie se fait le plus souvent par le biais d’accords-cadres, conclus avec un ou plusieurs fournisseurs au terme d’une procédure de mise en concurrence. Leur durée ne peut pas excéder quatre ans.  L’acheteur – l’organisme HLM directement ou un groupement d’achat - attribue ensuite des marchés subséquents aux fournisseurs titulaires de l’accord-cadre. Le fournisseur retenu est celui qui a remis la meilleure offre pour le marché subséquent, la part du prix dans l’appréciation étant généralement comprise entre 70 et 90 %.

Anticipation des procédures

Comme le relève le régulateur, « il n’y a donc pas, stricto sensu, de phase de négociations entre un bailleur social et un fournisseur d’énergie ». Cette absence peut générer des difficultés dans la compréhension mutuelle entre acheteurs et candidats. C’est pourquoi la CRE formule une première série de recommandations visant à « renforcer la coordination » des parties prenantes. D’abord en « améliorant la visibilité des fournisseurs » sur les marchés à venir. Elle invite les bailleurs sociaux à publier leurs calendriers de publications des accords-cadres.

L’objectif est de limiter le risque d’infructuosité en facilitant le travail des fournisseurs pour lesquels « la réponse [aux] appels d’offres mobilise des moyens importants ». Le régulateur dénombre en effet environ 1 500 consultations par an (accord-cadres et marchés subséquents). Les bailleurs sont incités à « donner aux fournisseurs un délai suffisant » pour y répondre.

Sourcing

Faciliter la réponse aux appels d’offres passe aussi par la communication, le plus en amont possible, des informations relatives au périmètre des accords-cadres. A cet effet, la CRE recommande de généraliser la pratique du sourcing, au cours duquel l’acheteur peut se rapprocher des différents fournisseurs pour préparer la passation du futur contrat. Ses modalités sont encadrées dans le CCP. Il peut permettre de prévoir l'allotissement le plus pertinent des accords-cadres. Un point d’attention est ainsi porté aux zones dans lesquels la distribution est assurée par des ELD (et non par Enedis ou GRDF) : la CRE note que « l’intensité concurrentielle [y] est moins forte », les fournisseurs alternatifs y étant moins présents.

Des délais restreints

Le sourcing peut aussi être un levier de pédagogie. La CRE demande aux fournisseurs « d’expliciter les conséquences, en termes de coûts pour les consommateurs, des différentes dispositions possibles en matière de fixation du prix ». Et les options sont nombreuses. Le prix peut notamment être variable, s’il évolue en fonction d’une formule d’indexation. L’acheteur peut à l’inverse demander qu’il soit fixe : dans ce cas le prix du kilowattheure est déterminé pour toute la durée du marché subséquent.

A noter qu’en cas de prix fixe, la validité des offres des fournisseurs n’est que de quelques heures - à plus forte raison dans la période actuelle de forte volatilité des prix. La CRE invite donc les bailleurs sociaux à faire preuve de réactivité et à limiter leurs délais de réponse : l’offre est remise généralement à 13 h, pour une réponse attendue avant 17 h « afin que le fournisseur puisse couvrir ses approvisionnements le jour même ».

Gare aux offres trop compétitives

En matière d’électricité, les acheteurs doivent aussi être vigilants concernant l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique), qui est un tarif d’accès à l’électricité produite par le parc nucléaire d’EDF dont peuvent bénéficier les fournisseurs alternatifs. Le volume annuel d’électricité disponible au tarif Arenh est plafonné (100 TWh en 2023). Un mécanisme de régulation est mis en œuvre lorsque les demandes d'Arenh par les fournisseurs sont supérieures à ce plafond (c’est le cas depuis 2019) : il s'agit de l’écrêtement. Le taux d’écrêtement, fixé annuellement par la CRE, correspond au volume d’électricité qui devra finalement être acheté par les fournisseurs au prix du marché, entraînant généralement un surcoût pour le client.

Le plus souvent les prix d’achat d’électricité dans les offres remises par les fournisseurs prennent en compte un taux d’écrêtement fictif. La CRE invite donc les acheteurs à la vigilance et à prévoir un partage du risque relatif à « l’écart entre le taux d’écrêtement estimé et le taux d’écrêtement réel ». A défaut, certains fournisseurs peuvent être tentés de remettre « une offre facialement très compétitive en sous-estimant le taux d’écrêtement, et en répercutant à posteriori le taux d’écrêtement » réel sur le bailleur.

Contrôler la réalité des prix proposés

Autre outil mis à disposition des collectivités territoriales et des acheteurs soumis au CCP – mais aussi des PME - par la CRE : des références de prix d’offres d’électricité pour l’année 2024. Elles « ont vocation de permettre [à ces acheteurs] de s’assurer que les offres de leurs fournisseurs sont compétitives et reflètent bien la réalité des coûts d’approvisionnement ». Ces références seront actualisées tous les mardis. Les premières ont été publiées le 11 octobre 2023 sur le site internet de la CRE. Des fourchettes de prix de référence sont également disponibles, pour prendre en compte la volatilité des prix durant la semaine.

La CRE a également publié le 14 septembre 2023 un « guide de bonnes pratiques à destination des consommateurs professionnels, privés et publics ».

Préparer l’après Arenh

Autre point de vigilance concernant l’Arenh : l’incertitude quant à sa pérennité au-delà du 31 décembre 2025. Il est recommandé d’intégrer dans les accords-cadres concernés des précisions sur la prise en compte par les titulaires « d’un éventuel nouveau dispositif dans leur réponse aux marchés subséquents portant livraisons d’énergie en 2026 et au-delà ».

En outre, dans une communication à destination de tous les acheteurs soumis au CCP, publiée sur son site internet le 11 octobre 2023, la CRE invite également les acheteurs « à souscrire ou renouveler leur offre d’électricité avant la clôture du guichet Arenh […] afin d’être certain de bénéficier de l’Arenh dans leur prix ». Le bénéfice de l’Arenh pour les fournisseurs est accordé par la CRE à la fin de l’année N-1 pour les livraisons de l’année N. Pour les droits à l’Arenh en 2024, la clôture du guichet est fixée au 21 novembre 2023.

Attention aux clauses exorbitantes

La CRE attire aussi l’attention des acheteurs soumis au CCP sur toutes les clauses qui peuvent paraître « parfois dissuasives pour les fournisseurs, et peuvent les inciter à introduire des primes de risques élevées, voire les pousser à ne pas répondre ». Le régulateur visent notamment les clauses qui excluent toute indemnisation du fournisseur en cas de résiliation du marché pour un motif d’intérêt général, ou encore les pénalités disproportionnées.

Egalement dans le viseur de la CRE, les dispositifs de flexibilité pour les contrats multi-sites. Le taux de flexibilité, qui permet à l’acheteur de retirer ou d’ajouter des sites en cours d’exécution du contrat, doit être fixé de la façon la plus adaptée aux besoins de l’acheteur. La CRE relève que dans le contexte de hausse des prix, une flexibilité mal évaluée génère un risque de surcoût : le fournisseur devant « acheter ou revendre des volumes d’énergie en assumant entièrement le risque-prix ». Aux yeux de la CRE, le taux de flexibilité de 10 %, très largement répandu avant la crise énergétique, semble désormais inapproprié.

Enfin, la CRE recommande de fixer le plafond de l’accord-cadre, au-delà duquel l’acheteur ne peut plus attribuer de marché subséquent, en fonction d’un volume et non d’un prix. Cette pratique, permise par le CCP, semble davantage adaptée à la flambée et à la volatilité des prix de l’énergie.

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