Marchés publics Annoncé pour mars, le Code 2006 sera d’application immédiate

La réforme 2006, qui était attendue pour janvier devrait aboutir en mars prochain. Invité à Toulouse du Club Marchés Sud-Ouest du Moniteur, Jérôme Grand d’Esnon, directeur des affaires juridiques de Bercy et auteur de la réforme, s’est prêté de bonne grâce au jeu des questions devant plus de 250 personnes. Il a livré en exclusivité ses commentaires sur le projet. Explications.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
PHOTO - RGL GRANDENOM.eps

Le directeur des affaires juridiques de Bercy, Jérôme Grand d’Esnon, le dit lui-même, il n’a pas la « langue de bois ». Invité du Club Marchés Sud-Ouest du Moniteur, il a présenté le projet de réforme du Code et a répondu aux nombreuses questions de l’auditoire.

Calendrier de la réforme

La réforme du Code des marchés publics était attendue au plus tard pour le 31 janvier 2006. Toutefois, la rédaction du projet a pris du retard, et c’est sans doute en mars 2006 que le décret sera publié au « Journal officiel ». Le directeur des affaires juridiques explique ce léger retard en rappelant qu’il a voulu, dès l’origine, associer les praticiens à la rédaction du projet. A cet effet, il a ouvert un forum en ligne et a enregistré plus de 250 contributions. Pour tenir compte de toutes les remarques, souvent pertinentes, il a fallu corriger et affiner plusieurs articles du futur Code ; cela a pris un peu de temps. Jérôme Grand d’Esnon considère que le délai du 31 janvier 2006, imposé par la directive européenne de mars 2004, ne pose aucun problème, dans la mesure où celle-ci est déjà transposée à 80 % dans le Code actuel.

Précision importante, le futur Code sera d’application immédiate, c’est-à-dire dès sa publication au « Journal officiel ». En d’autres termes, tous les avis envoyés à la publication à compter du lendemain du jour de publication du décret devront être conformes aux nouvelles dispositions. Les acheteurs publics trouveront sans doute que cela ne leur laisse pas beaucoup de temps pour se retourner. En fait, ils pourront sans difficulté continuer à suivre les dispositions du Code 2004, mais à une seule condition : vérifier la numérotation des articles, qui risque d’être quelque peu différente, même si tout a été fait pour éviter cet écueil.

Au-delà du calendrier, la réforme se divise en trois volets : un volet « améliorations », un volet « nouveautés » et un volet « politiques publiques » (développement durable et PME). Examinons ces trois volets.

Le volet « améliorations »

La direction des affaires juridiques de Bercy est parfaitement consciente que le texte rédigé en 2004, s’il apportait déjà de sensibles améliorations, était encore perfectible. Ecoutant les remarques des praticiens, les auteurs du texte ont essayé d’apporter des modifications dans trois domaines d’importance inégale : la suppression de la notion de « PRM », la procédure de dialogue compétitif et la dématérialisation des procédures de passation.

La suppression de la PRM

La PRM – ou personne responsable du marché – sera supprimée dès l’entrée en vigueur du prochain Code. Au premier abord, cela peut étonner. Qui va engager la procédure, la conduire et la mener à son terme s’il n’y a plus de PRM ? En fait, cette suppression vise, selon M. Grand d’Esnon, à écarter une confusion permanente entre cette notion et les dispositions qui encadrent et définissent le statut des exécutifs locaux dans les collectivités locales et dans les établissements publics. Bien évidemment, il continuera à y avoir une personne qui aura la responsabilité de la passation et de l’exécution des marchés. Mais cette personne physique, au lieu d’être identifiée comme « PRM », le sera au titre des dispositions qui régissent les délégations de compétence ou de signature propres à la personne publique concernée. Pour le dire en d’autres termes, la suppression de la notion de « PRM » n’aura aucune conséquence sur la répartition des rôles dans la passation et l’exécution des marchés. Le directeur des affaires juridiques de Bercy ajoute d’ailleurs qu’en matière de délégations de service public, il n’existe pas de « PRM » et que personne ne s’en est jamais plaint. Cela est tout à fait exact, mais méritera sans doute quelques efforts d’explication pour être bien compris.

Le dialogue compétitif

La procédure de dialogue compétitif, issue des textes communautaires et insérée dans le Code en janvier 2004, va subir un lifting. En effet, la transposition effectuée par Bercy posait aux acheteurs et aux entreprises quelques difficultés. Aussi était-elle peu utilisée, du moins jusqu’à maintenant.

Le ministère a décidé de supprimer la mention imposant la rédaction d’un cahier des charges au terme du dialogue avec les entreprises. En effet, outre le fait que cette mention ne correspondait pas au texte européen, elle présentait un certain nombre de risques. La première difficulté résidait dans la rédaction même du document. L’auteur du cahier des charges ayant connaissance des solutions proposées par les entreprises, il pouvait sans difficulté orienter les stipulations vers telle ou telle entreprise. Second risque, celui que les Anglo-Saxons appellent « cherry-picking ». Contrairement à l’hypothèse précédente, le rédacteur ne prédétermine pas une solution, mais « pioche » dans les différentes solutions concurrentes pour établir son cahier des charges. Outre la violation des droits de propriété intellectuelle, une telle rédaction présentait le risque d’aboutir à un cahier des charges inapplicable.

Conscients de cette difficulté, les auteurs de la réforme ont tenu compte des remarques et ont décidé de supprimer l’obligation faite à l’acheteur de rédiger un cahier des charges au terme du dialogue. Cela met le texte en conformité totale avec la directive communautaire, ce dont personne ne se plaindra...

Dématérialisation

La troisième grande amélioration porte sur la dématérialisation. Comme l’on sait, celle-ci comporte deux volets. Le premier concerne le téléchargement des Dossiers de consultation des entreprises (DCE) ; ce premier volet est un réel succès. Tous les acheteurs publics qui ont mis en ligne leurs DCE en témoignent : plus de 50 % des retraits se font par téléchargement. En revanche, le second volet relatif à la remise des candidatures et des offres en ligne est un échec total. Jérôme Grand d’Esnon reconnaît lui-même que, sur les grandes plateformes informatiques, le taux de réponse en ligne avoisine à peine les 1 ou 2 %, et encore.

Pour donner un coup de fouet à la dématérialisation, la direction des affaires juridiques a décidé de supprimer purement et simplement l’obligation de signer électroniquement l’offre. Jérôme Grand d’Esnon explique ce choix en rappelant qu’une entreprise peut parfaitement, à l’heure actuelle, ne pas honorer son engagement, si elle refuse de présenter ces certificats fiscaux et sociaux, dans l’hypothèse où elle serait déclarée attributaire du marché. Cela est exact, mais l’on peut tout de même se demander si, psychologiquement, la réforme sera acceptée telle quelle. Affaire à suivre, d’autant que le Conseil d’Etat pourrait peu apprécier un tel allégement du formalisme…

Le volet « nouveautés »

Le volet « nouveautés » de la réforme comporte essentiellement la transposition des dispositions de la directive concernant les « accords-cadres » et celles relatives aux systèmes d’acquisition dynamiques. Nous en reparlerons dans une prochaine édition.

Si les systèmes d’acquisition dynamiques intéresseront peu d’acheteurs, les accords-cadres devraient, en revanche, susciter un réel engouement. Il s’agit d’une technique qui s’apparente à un « super-référencement », et ce pour quatre années. Cela permettra aux personnes publiques d’accroître leur réactivité en matière d’achat public et de disposer à tout moment, et rapidement, de produits et services utiles, voire nécessaires à leur fonctionnement quotidien.

Le volet « politiques publiques »

Le troisième et dernier volet de la réforme concerne les politiques publiques, dont le nouveau Code des marchés publics devrait être le vecteur. Il s’agit essentiellement du développement durable et de l’accès des PME aux marchés, un sujet cher au ministre de l’Economie, Thierry Breton. Sur ce dernier point, et en dépit de plusieurs effets d’annonce, la version définitive du projet est quelque peu en retrait par rapport aux dispositions initialement envisagées. Concernant l’allotissement, supposé favorable aux PME, les acheteurs publics seront incités à y recourir mais n’y seront plus contraints. Les efforts de lobbying déployés par les entrepreneurs généraux n’auront pas été inutiles.

Cela dit, les PME n’ont pas tout perdu dans la bataille. En cas de procédure restreinte, Jérôme Grand d’Esnon a, en effet, annoncé que les acheteurs pourront leur réserver « des places au stade des candidatures ». Cela ne leur garantira pas, ès qualités, l’attribution d’un marché, mais leur permettra de passer le stade des candidatures en se voyant réserver 4, 5 ou 10 places pour le second tour, c’est-à-dire celui du dépôt des offres. Jérôme Grand d’Esnon a précisé que cette proposition était actuellement en discussion avec les services de la Commission européenne. Et il ne voit pas en quoi elle serait contraire aux directives ou au Traité.

S’agissant du développement durable, il sera fait « obligation » aux acheteurs de définir leurs besoins tout en prenant en compte les préoccupations liées au développement durable, pour autant que cette prise en compte soit compatible avec l’objet même du marché. Ainsi, parachevant l’évolution déjà engagée depuis plusieurs années, il sera possible aux collectivités publiques de prendre en considération les questions environnementales au stade de la définition des besoins, des candidatures (par le biais des écolabels), des offres (critère environnemental) et de l’exécution des marchés.

Refonte des CCAG pour fin 2006

Profitant des débats, Jérôme Grand d’Esnon a également annoncé qu’il entendait refondre les quatre CCAG (Cahier des clauses administratives générales) relatifs aux travaux, aux fournitures et services, aux marchés industriels et aux prestations intellectuelles avant la fin 2006. Il a également annoncé que ce travail de refonte serait entrepris avec l’aide des praticiens, là encore dans un souci de transparence. Un forum sera ouvert dans les prochains mois pour recueillir les contributions. Vu l’ampleur du travail, gageons que les nouveaux CCAG verront le jour probablement en 2007.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires