Le directeur général de l'Agence Qualité Construction veut mettre l'accent sur la prévention pour une qualité immédiate de réalisation des ouvrages.
Lemoniteur-expert : Combien coûte aujourd’hui la non-qualité dans la construction ?
Marc Ducourneau : Elle correspond toujours à 10% du chiffre d’affaires du secteur, soit environ 10 milliards d’euros. C’est un chiffre que l’on considère, sans certitude, comme juste déjà depuis de nombreuses années. En effet, il n’intègre pas seulement les sinistres déclarés auprès des assurances mais aussi ceux qui sont réglés directement, par exemple en reprise de chantiers en parfait achèvement ou en service après-vente. La tendance reste quand même à une amélioration constante de la qualité dans la construction.
Quels sont encore aujourd’hui les secteurs les plus sinistrés ?
Les désordres portent en majeure partie sur tout ce qui touche à l’eau : étanchéité, toitures, façades, aux fondations et aux revêtements. Selon le Tableau de bord Sycodès 2008 de l’Observatoire de la qualité de la construction, on remarque que les désordres les plus coûteux, se présentent dans les premières années de la garantie. Les coûts moyens et les plus faibles de réparation concernent le secteur résidentiel. Mais surtout, la majorité des sinistres apparaissent au stade de l’exécution. Cela ne veut pas dire qu’ils proviennent systématiquement d’une mise en oeuvre non conforme, mais ils peuvent être la conséquence, en amont, d’un mauvais choix technique ou de produit, inadapté au support. Toutefois, si le défaut au stade de l’exécution est le plus important en poids relatif, le défaut au stade de la conception est le plus important en coût relatif.
Quel impact ont les nouvelles réglementations sur la qualité ?
Les réglementations vont sans doute dans le bons sens. Le problème est de savoir si elles sont correctement appliquées, et c’est là que l’AQC et les organisations professionnelles ont un énorme travail d’informations auprès des professionnels. D’ailleurs, ce sera l’objet de notre prochaine convention quinquennale 2010-2014.
Avec les mesures prises en faveur de l’environnement qui entraînent à la fois une accélération de la mise sur le marché de nouveaux produits et une nouvelle démarche des entreprises intégrant l’efficacité énergétique du bâti, avez-vous déjà constaté de nouveaux sinistres ?
Pour l’instant, nous n’avons pas de retour de la part des experts d’assurance ; par contre en interrogeant les professionnels, ils disent rencontrer un certain nombre de difficultés de mise en oeuvre des nouvelles technologies, sources de désordres. On peut supposer qu’il s’agit d’une méconnaissance des produits, mais aussi de problèmes de coordination et de mise en oeuvre. Par exemple pour la pose de panneaux solaires, le plombier ou l’électricien sont les seuls, à pouvoir se charger des raccordements, alors qu’ils ne peuvent pas monter sur le toit. Parallèlement, nous allons voir apparaître d’autres types de sinistres, ceux qui sont liés aux performances d’économie d’énergie ; déjà nombre de maîtres d’ouvrage demandent aux entreprises de s’engager sur les performances énergétiques des travaux qu’ils réalisent et ceux liés à la santé des habitants. Un secteur embryonnaire aujourd’hui, mais qui devrait se développer.
Quelles sont les actions menées par l’AQC pour anticiper sur cette sinistralité ?
Nous voulons mener une véritable politique de prévention pour que les ouvrages soient correctement réalisés du premier coup. L’AQC n’est pas uniquement dans une démarche de correction des désordres constatés. C’est une évolution importante de l’AQC, qui intègre le curatif et préventif. Toutes nos actions vont dans ce sens : le lancement d’une enquête auprès des artisans et entrepreneurs pour mieux cerner les difficultés de mise en oeuvre des techniques constructives "développement durable" dont les résultats devraient être connus à la fin de l’année, l’édition des premières plaquettes prévention concernant les nouvelles techniques ou encore notre participation à un programme ambitieux avec les organisations professionnelles, CAPEB, FFB, COPREC Construction et le CSTB Ce programme vise à accompagner techniquement les professionnels et à analyser les règles de l’art existantes, ou même en créer de nouvelles. (voir encadré).
Vous êtes à l’initiative d’un ouvrage sur la qualité de la construction en Europe, qui dresse un état des lieux de la situation dans un certain nombre de pays. Comment se positionne la France en matière de qualité par rapport à ses voisins ?
La réponse n’est pas facile, car il n’existe pas, ailleurs, d’organisme comme l’AQC. Mais ce tour d’horizon (qui sera mis en librairie à l’automne) nous permet de mettre en lumière des situations très différentes d’un pays à l’autre, en raison du poids des habitudes et de la culture, qui déterminent les rôles et responsabilités des acteurs. On observe, dans la majorité des pays, une tendance à rechercher la réparation des sinistres dans un cadre contractuel, plutôt que de recourir à l’assurance. C’est le cas notamment en Allemagne où il n’existe pas de système d’assurance décennale comme en France ; leur seule assurance obligatoire est une responsabilité civile qui prend en compte les dégâts causés aux biens ou aux tiers. Pour les Allemands, les vices ne peuvent résulter que du non respect d’une clause du contrat, puisque ce dernier est très détaillé. la responsabilisation de l’ensemble des intervenants est gage de qualité.
Propos recueillis par Frédérique Vergne