« Niveau de bénéfices jamais atteint » chez GTM, « records historiques de prises de commandes » chez Bouygues, « vrai rebond du marché intérieur » pour Eiffage, « nouvelles opportunités de croissance » chez Spie... Voilà confirmées les prévisions : l'exercice 1997 a bien marqué un retournement conjoncturel. Avec un bémol de poids : les services et l'industrie « explosent », tandis que le bâtiment se contente de « frémir », et que les travaux publics continuent de souffrir. Les patrons ne s'y trompent pas : « Nous sommes un groupe industriel diversifié », martèle aujourd'hui Martin Bouygues, pendant que Jean-Louis Brault, président de GTM, répète à l'envi que son groupe est « l'un des premiers opérateurs concessionnaires dans le monde ». Le président de Spie Jean Monville, lui, revendique le statut de spécialiste de l'électricité, et Antoine Zacharias, président de SGE, cherche des créneaux « à meilleure valeur ajoutée », sous-entendu les concessions. En somme, il n'y a plus guère qu'Eiffage pour parier exclusivement sur le BTP : Jean-François Roverato estime que le redressement de l'activité durera « au moins deux à trois ans ».
GTM triple son résultat
En 1995, le BTP représentait 50,5 % de l'activité de GTM. Cette année, il ne pèsera plus que 35,6 % du chiffre d'affaires. « Le BTP se redresse bien en valeur absolue », tient à corriger Jean-Louis Brault. « Nous n'avons pas à rougir de nos activités de construction », renchérit Jérôme Tolot, directeur général.
Le chiffre d'affaires global du premier semestre est en croissance de 9 % par rapport au premier semestre de 1997, à 23,259 milliards de francs. Le résultat net part du groupe a, quant à lui, presque triplé en passant, pour les mêmes périodes, de 25 à 72 millions de francs. « Malgré les soubresauts macro-économiques, nous poursuivons imperturbablement notre route », se réjouit Jean-Louis Brault. « Nos perspectives de fin d'exercice s'expriment par un maintien dans une fourchette de résultat net de 350 à 400 millions de francs, plutôt calée vers le haut.»
Comment expliquer ces résultats, alors que l'activité construction demeure modeste en France, et plus particulièrement en région parisienne, ainsi que dans les travaux publics ? GTM repose en fait aujourd'hui sur quatre pôles : le BTP, donc, suivi de l'industrie, puis des routes, et enfin les concessions. Premier indice : l'industrie comprend l'électricité et la mécanique - qui se portent bien - et surtout l'offshore, où la filiale ETPM est en plein essor (son carnet de commandes a fait un bond de 69,3 % sur les six premiers mois de l'année). Les gisements profonds sont très prometteurs, et les dirigeants de GTM révèlent aujourd'hui être « très courtisés » pour un mariage dans ce secteur. Moins d'un an après le divorce avec l'américain McDermott, de nouvelles alliances ne sont donc pas exclues.
Deuxième indice : la route a le vent en poupe. L'Entreprise Jean Lefebvre, qui avait déjà enregistré une augmentation de son chiffre d'affaires de près de 19 % sur l'exercice 1997, vient d'annoncer une croissance de son activité de 20 % au premier semestre de 1998, à plus de 6 milliards de francs.
Troisième piste, enfin : l'international a représenté 43,7 % du chiffre d'affaires au premier semestre, contre 42,6 % au premier semestre de 1997. Une tendance lourde, alimentée par de nouveaux gros contrats en Grande-Bretagne (voir p.6-7). Très présent dans le nord de l'Europe, GTM pourrait prochainement « grossir » en Amérique du Nord, grâce à de nouvelles acquisitions dans la route. « Les pays ..à risque'' comme l'Indonésie et la Russie ne représentent que 2,5 % de notre chiffre d'affaires, souligne Jérôme Tolot. Il s'agit de projets très bien financés, et le seul risque pour nous s'établit dans des proportions très faibles, en termes de manque à gagner si les crises financières durent. »
Spie méfiant pour 1999
Chez Spie, le ton se révèle moins euphorique. Jean Monville observe, comme ses concurrents, que 1998 a débuté dans un contexte plus favorable en France, avec notamment le redémarrage de l'investissement industriel et la reprise de la construction résidentielle, mais si l'exercice 1999 devait offrir de nouvelles opportunités de croissance, ce sera à l'échelle de l'Europe, et dans les métiers de l'électricité, des transports, des services et de l'ingénierie.
Au 30 juin dernier, la construction ne pesait plus que 33 % du chiffre d'affaires total, ce dernier atteignant 7,464 milliards de francs, soit une augmentation de 1 % par rapport au premier semestre de 1997. Fait remarquable, et inscrit dans une tendance similaire à celle des autres majors : le résultat net semestriel consolidé enregistre une forte croissance - + 35,3 % - à 49,1 millions de francs. Spie récolte donc les fruits de sa plus grande sélectivité dans les soumissions, et des restructurations de Spie Enertrans. Spie Trindel est pour sa part la meilleure « élève » des filiales du groupe, et devrait continuer à se développer en Europe, au travers de nouvelles acquisitions ou éventuellement des partenariats. Les travaux publics, enfin, se réduisent comme peu de chagrin en France, mais devraient globalement se maintenir l'année prochaine, portés par l'international.
tableau : LES MAJORS REMONTENT LA PENTE
Résultats 1997 et 1998 (en millions de francs)
Le BTP et les services ont relevé la tête chez presque tous les majors.