Major : la méthode de Bouygues pour voyager l'esprit léger

Potentiellement explosif, le risque éthique est pris très au sérieux par le groupe et par ses entités travaux auquel les activités à l'international les exposent particulièrement.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Réalisé par Bymaro, filiale marocaine de Bouygues Construction, l'hôpital universitaire international Mohammed-VI à Rabat doit être livré en septembre 2025.

Lutte contre la corruption, respect des droits humains… Pour le groupe Bouygues, un chantier mené à l'autre bout du monde ne soulève pas les mêmes problématiques qu'un projet télévisuel en Ile-de-France. « Les activités de travaux à l'international poussent notamment à se focaliser encore plus sur les dimensions listées dans les engagements éthiques du groupe : hébergement, non-discrimination, relations et conditions de travail, interdiction du travail forcé, illégal, des enfants… » illustre Isabelle Balestra, directrice juridique de Bouygues Construction.

Symptomatiques de la vigilance accrue des majors du BTP en la matière, les organisations mises en place par Colas, filiale route et rail de Bouygues, et par ses cousins bâtisseurs de Bouygues Construction, tendent vers un même objectif : réduire l'exposition aux risques. Pour ce faire, ces entités suivent un corpus commun que chacune est libre de mettre en musique à sa manière. « Pour schématiser, il y a les règles fondamentales, que le groupe a édictées dès 2014, et leurs décrets d'application qui relèvent des métiers et de leurs spécificités, même si nous nous assurons que le tout reste strictement cohérent », détaille Emmanuel Rollin, directeur juridique, conformité et risques du groupe Colas.

Analyser un pays avant de s'engager

Les deux entreprises de travaux s'appuient donc sur une méthode assez largement similaire pour s'assurer du bon déroulement de leurs opérations à l'étranger. Celle-ci consiste d'abord en une analyse, a priori, de tous les éléments d'intelligence économique et juridique ainsi que de conformité d'un pays. « Concrètement, nous réalisons une cartographie des risques avant d'envisager d'intervenir dans un nouveau territoire. Sommes-nous capables de créer un environnement qui garantisse au maximum le respect de nos engagements en termes d'éthique des affaires, de droits humains ou de transition écologique ? Si la réponse est négative, nous n'y allons pas », résume Isabelle Balestra.

Néanmoins, ces précautions ne dispensent pas d'une gestion du risque a posteriori. C'est pourquoi les équipes de direction locale de Colas, dont le modèle les amène à privilégier une installation pérenne pour adresser durablement les besoins du marché local, réalisent tous les deux ans une cartographie du risque pénal. « Cet outil permet d'avoir des informations pays par pays, mais aussi branche par branche. Car si nos activités route et rail peuvent être implantées au même endroit, elles n'évoluent pas pour autant sur le même segment de marché. Nous voulons une analyse de risque pratique et non théorique », détaille Emmanuel Rollin.

A ce dispositif vient s'adjoindre une hot-line mondiale permettant à chaque collaborateur d'effectuer un signalement. « Pour qu'il n'y ait aucune barrière à la remontée d'alerte, celle-ci est disponible dans les 18 langues de Colas. Chaque année les alertes recensées augmentent. Cela ne veut pas dire que le nombre de problèmes progresse, mais que les gens osent s'exprimer et adhèrent. Aujourd'hui, nous nous approchons d'un stade où le territoire sans alerte sera celui qui va attirer notre attention », poursuit le directeur juridique qui partage le même souci de transparence que son homologue de Bouygues Construction. « Nous insistons sur la communication sans nous voiler la face. Il faut accepter d'apprendre de ses erreurs selon un principe de retour d'expérience », assure ainsi cette dernière.

Sanctions et résiliations de contrats

Prévenir, sensibiliser les équipes et parties prenantes, identifier les « presqu'incidents », mais aussi… sanctionner. Après avoir mené une investigation indépendante, si les faits sont avérés, « nous appliquons un plan d'action adapté pour mettre un terme à la situation, avec des sanctions au sein de nos équipes comme des parties prenantes », résume Isabelle Balestra. Et Emmanuel Rollin de compléter pour Colas : « Tous nos contrats renvoient aujourd'hui à notre corpus de règles. En cas de violation par une partie prenante, nous pouvons les résilier. Il nous arrive de le faire, même si les outils de vérification des tiers que nous avons déployés limitent de plus en plus les cas de mise en œuvre. En tout état de cause, nous ne voulons pas qu'il y ait la moindre ambiguïté sur notre conviction concernant ces sujets. » La certitude de la sanction et sa dimension dissuasive, soit la dernière pierre d'un dispositif efficace… à défaut d'être infaillible.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !