L’affaire tranchée par la Cour de cassation dans un arrêt du 13 juillet est un revirement de jurisprudence. Désormais, en cas de violation du cahier des charges de lotissement, la démolition n’est plus la seule sanction applicable.
Dans cette affaire, un couple de particuliers a acheté une maison dans un lotissement. Quelques années plus tard, une société civile immobilière (SCI) est devenue propriétaire de la maison voisine. Cette dernière l’a démoli afin de reconstruire, sous la maîtrise d’œuvre d’un architecte, un bâtiment comprenant sept logements et garages. Invoquant la violation du cahier des charges du lotissement, le couple a assigné la SCI et l’architecte, afin d’obtenir, la démolition du nouveau bâtiment et des dommages et intérêts. Le différend se cristallise alors autour d’une question : l’ouvrage doit-il être démoli?
Pas de démolition automatique
Pour rappel, le cahier des charges est un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux (couleurs de volets imposées, végétation spécifique, etc.). Il diffère du règlement du lotissement, qui contient lui, des règles opposables aux autorisations d’urbanisme.
Ici, les juges d’appel, suivis par la Cour de cassation, répondent par la négative. Ils ont constaté que « si la construction violait l’article 8 du cahier des charges du lotissement dès lors qu’elle n’avait pas été implantée dans un carré de trente mètres sur trente mètres, le cahier des charges, qui n’avait pas prohibé les constructions collectives, autorisait la construction d’un édifice important sur le lot acquis par la SCI ». De plus, ils ont relevé que ce dernier n’occasionnait ni perte de vue, ni vis-à-vis au voisinage. En conséquence, en l’absence de préjudice véritable, la cour d’appel a rejeté la demande de démolitionet a sanctionné le manquement contractuel de la SCI par des dommages et intérêts.
Sanction proportionnelle
La Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel en considérant que les juges d’appel n’étaient pas tenus d’ordonner la destruction au seul motif que le cahier des charges n’avait pas été respecté. En l’espèce, la démolition est rejetée car elle est manifestement excessive par rapport au manquement contractuel. La Haute juridiction confirme alors qu’une sanction pécuniaire apparaît plus appropriée.
C’est un changement de direction pour la Cour de cassation car c'est la première fois qu'elle retient le critère de proportionnalité par rapport au préjudice subi par les requérants du fait de la violation d’un cahier des charges de lotissement.
Précédemment, sa 3ème chambre civile avait estimé que le juge des référés, peut, à la demande de tout propriétaire d’un lotissement, ordonner la démolition d’une extension, dès lors qu’elle ne respectait pas les stipulations du cahier des charges. (Cass. civ. 3e, 21 janvier 2016, 15-10566, Bull.)
En revanche, en matière d’empiètement, la Haute juridiction, avait déjà, par le passé, tranché dans le même sens. Par exemple, en décembre 2019, elle avait considéré que le juge doit rechercher si la mesure de démolition n’est pas disproportionnée par rapport à l’empiètement. (Cass. civ. 3e, 19 décembre 2019, n° 18-25113, Bull.)
Cass. civ. 3e, 13 juillet 2022, n° 21-16407, Bull.
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