A quelques heures du vote de la proposition de loi renforçant la lutte contre les fraudes aux aides publiques à l’Assemblée nationale, Thomas Cazenave, son rapporteur, a organisé une conférence de presse et affiché une certaine satisfaction : « Depuis son vote à l’unanimité le 27 janvier à l’Assemblée nationale, et après le vote du 2 avril au Sénat puis en commission mixte paritaire le 6 mai, le texte est passé de 4 à 36 articles et sa mise en oeuvre devrait permettre d’économiser 1,6 Md€ sur l’ensemble des dispositifs concernés (soit 20 milliards d’euros d’aides publiques par an, ndlr) ».
Un cadre pour lever la suspicion
Le député a rappelé que la proposition de loi répondait à quatre objectifs. Le premier vise à « mieux contrôler » en renforçant les moyens à disposition des administrations, notamment en élargissant l’accès au fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) et en permettant l’échange de données comme par exemple entre Tracfin et l’Anah. Le deuxième axe porte sur la « prévention » des fraudes, notamment pour lutter contre « les réseaux criminels souvent constitués d’entreprises éphémères ». L’article 3 ter précise qu’en matière de travaux rénovation énergétique, « le recours à la sous-traitance ne peux excéder deux rangs », mais c’est surtout la suspension des aides pouvant aller jusqu’à trois mois qui représente une mesure forte : «Dés qu’il y aura doute, la suspension permettra à l’administration de vérifier dans un cadre établi, a expliqué Thomas Cazenave. A côté des milliers d’artisans honnêtes, nous constatons un détournement important. Désormais, il existe un cadre pour lever la suspicion de doute et cet équilibre me semble bon ».
Le troisième axe concerne les sanctions. Désormais l’escroquerie en bande organisé devient un crime avec des peines portées à quinze ans de réclusion criminelle et 1 M€ d’amende. Les noms des entreprises fraudeuses seront également rendues publiques sur le mode du « name and shame ». Enfin, quatrième volet, le démarchage téléphonique en matière de rénovation énergétique est très encadré et sera notamment basé sur le principe d’opt-in, c’est-à-dire du consentement préalable du destinataire.
Sursis pour les acteurs de l’intermédiation
La proposition de loi avait connu il y a quelques semaines une passe d’armes entre son rapporteur et le député Jean-Pierre Vigier qui avait fait présenté un amendement conditionnant la réalisation de travaux aidés à l’obtention, notamment, de la qualification RGE pour l’entreprise réalisant la facturation : « Cet amendement qui avait exclu les plateformes et acteurs de l’intermédiation des chantiers de rénovation avait été adopté contre mon avis, rappelle Thomas Cazenave. J’avais exprimé un désaccord car des artisans RGE choisissent de travailler volontairement avec ces plateformes ». Grâce à l’intervention du Sénat et son rapporteur Olivier Rietmann, un compromis avait été trouvé, confirmé lors du passage en CMP. L’article 3 ter prévoit que « dans le cadre d’un contrat de sous-traitance régi par la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, l’entreprise principale qui réalise la facturation détient un signe de qualité dans des conditions définies par décret »…à partir du 1er janvier 2027.
Comme le souligne le rapporteur Cazenave, « un label spécifique leur permettra (aux acteurs de l’intermédiation, ndlr) d’être RGE. Je tiens à préciser que le texte défendu est relatif à la lutte contre la fraude et que ces acteurs n’ont jamais été signalés comme étant des fraudeurs. Nous avons donc trouvé un bon point d’équilibre ». Après le passage devant l’Assemblée national ce 14 mai, Le Sénat examinera en séance publique les conclusions de la commission mixte paritaire le 21 mai.