« Les promoteurs ne seront pas la variable d’ajustement », avertit Pascal Boulanger. Le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) doit échanger lundi 7 mars avec le médiateur des entreprises à propos de la guerre en Ukraine et de la conjoncture internationale qui pèsent sur le cours des matières premières.
« Les industriels répercutent la hausse des prix aux entreprises du BTP qui les répercutent sur nous, les maitres d’ouvrage, explique-t-il. Or, nous n’avons pas le droit de répercuter sur le particulier. J’ai peur que nous soyons coincés dans l’étau. »
La conférence de presse, ce jeudi 3 mars, avait pour objet le bilan 2021 de la promotion immobilière. Et il est mauvais. Les logements collectifs autorisés ont baissé de -6,7% en 2021 par rapport à 2019, « année de référence qui n’avait pas été bonne », rappelle le président de la fédération de 660 entreprises.
Contradiction avec le ZAN
Sur les 471 000 logements autorisés en 2021, les maisons individuelles progressent de 29 600 unités par rapport à 2019. L’habitat collectif recule de 8 300 unités. Observation de Marc Villand, le président de la FPI d’Ile-de-France : « Il n’y a pas eu d’effet de rattrapage ».
La deuxième année de l’ère Covid, sans élections, est également marquée par « une très forte progression de l’individuel, en pleine contradiction avec le ZAN », note-t-il. L’objectif de zéro artificialisation nette en 2050 prévue par la loi Climat vise la division par deux des espaces agricoles, naturels et forestiers consommés de 2021 à 2030, par rapport à la période de référence de 2011 à 2020. De quoi gripper la machine…
Gaspillage de surfaces constructibles
« Il faut conditionner l’application du ZAN au respect des PLU dans leur intégralité », souhaite Pascal Boulanger. Ses idées : imposer une densité minimale et instaurer un bonus-malus financier. Concrètement ? « Un maire qui gaspille 30% des m² constructibles prévus dans les PLUi, votés il y a trois ans et plus restrictifs que les précédents, paye une taxe sur les 30% », imagine-t-il. Actuellement un tiers des surfaces constructibles sont « gaspillées » par les élus, selon lui.
« Nous sommes favorables au ZAN si on accepte la ville dense », renchérit Marc Villand, suggérant de s’inspirer de Los Angeles où sont comptés « chaque m² de désartificialisation » sur des friches industrielles par exemple.
Autre indicateur inquiétant : 82 370 unités en projet, en chantier ou livrées étaient commercialisées fin 2021. Il y en avait plus de 90 000 fin 2020, plus de 100 000 fin 2019. Résultat, les prix augmentent. En 2021, avec une inflation de +1,6%, un logement collectif neuf se vendait en moyenne 3% plus cher qu’en 2020, à 4 603€ le m².
« Cela ne nous fait pas plaisir car la clientèle devient insolvable et elle se reporte sur l’ancien, souvent moins vertueux en termes environnementaux, juge Marc Villand. Par expérience, quand il y a plus d’offres, les prix sont plus sages. »
La TVA immobilière pour les communes
Face à la persistance de la crise de l’offre, la FPI préconise des mesures pour « faire du logement l’enjeu du prochain mandat », annonce Pascal Boulanger. Une proposition phare pour stimuler la délivrance de permis de construire ? « Qu’une partie de la TVA immobilière, en général de 20%, soit fléchée sur les communes », asséchées par la suppression progressive de la taxe d’habitation, suggère-t-il.
Les particuliers étant « à la limite de la solvabilité », Pascal Boulanger propose même de mettre fin à la TVA de 20%. « Bercy ne veut pas mais il faut se poser la question si l’Etat considère que c’est un bien de première nécessité », explique-t-il.
Volonté de construire vs transition écologique
Parmi les autres leviers plus simples à actionner, citons le retour à « un ministère du Logement de plein exercice, et pas délégué car les arbitrages ne sont pas faciles », affirme-t-il. Pendant le quinquennat Macron, Pascal Boulanger a constaté « une incompatibilité entre volonté de construire et transition écologique, alors que nous sommes acteurs de cette transition ».
Prenant le soin de les qualifier de « partenaires », Pascal Boulanger regrette que « les maires refusent de prendre le stylo, même hors période électorale ». Un exemple à l’appui, dans son entreprise éponyme : « Trois projets validés par les services d’urbanisme ont été refusés dans trois villes. Cela ne m’est jamais arrivé en une quarantaine d’années. » D'où un durcissement des rapports : « La nouvelle coutume, chez les majors et les petits, c’est d’attaquer les refus de permis. Avant on était dans le consensus aujourd’hui ce n’est plus possible, il y en a trop. »
Enfin, l’idée de se tourner vers les préfets pour stimuler la construction de logements n’est pas plus à l’ordre du jour. « Je ne sais pas si c’est une bonne idée, confie Christian Terrassoux, le président délégué de la FPI. En tout cas, c’était un souhait que les préfets se posent en médiateurs, infléchissent la politique locale, mais pour l’instant, ce n’est pas la route que prend l’Etat. »