Décryptage

Logement : OFS et BRS, l'heure du premier bilan

Grâce à la dissociation du foncier et du bâti, la loi Alur a permis, en 2014, une nouvelle forme d'accession sociale. Dix ans plus tard, le succès du dispositif est au rendez-vous.

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En décembre 2019, la Coopérative foncière Aquitaine sortait la première opération en France de logements en BRS, à Espelette (Pyrénées-Atlantiques).

En créant l'organisme foncier solidaire (OFS) il y a quasiment dix ans jour pour jour, la rendait possible la dissociation du foncier et du bâti pour pérenniser l'investissement public en faveur de l'accession sociale. L'OFS, dont l'agrément est délivré par le préfet de région, est rattaché à un organisme de logement social, une entreprise publique locale, une collectivité, une structure associative… A but non lucratif, il est capable de porter des fonciers financés notamment par des prêts Gaïa long terme de la Caisse des dépôts (CDC).

Concrètement, l'organisme consent des droits réels à des opérateurs (bailleurs HLM, promoteurs, etc.) pour construire ou réhabiliter des logements qui seront vendus à des prix inférieurs de 15 à 40 % selon les zones géographiques à ceux du marché. Sous conditions de ressources, le particulier n'acquiert que le bâti et loue - en signant un bail réel solidaire (BRS) pour une durée comprise entre 18 et 99 ans - le terrain à l'OFS via une redevance (entre 1 et 4 euros/m² par mois). Lors d'une mutation, le prix est limité, et le nouvel acheteur bénéficie, sous conditions de revenus, à son tour d'un BRS.

Un outil anti-spéculatif

Le dispositif OFS/BRS est d'abord né d'un constat : « Le maire d'une commune littorale des Pyrénées-Atlantiques a observé qu'un logement acheté 150 000 euros en prêt social location-accession (PSLA) sur son territoire dix ans plus tôt venait d'être revendu à 850 000 euros pour être occupé en résidence secondaire ! » Des exemples comme celui-ci, Imed Robbana, directeur de l'OFS Coopérative foncière Aquitaine, peut en citer à foison : « Dans ce contexte, le dispositif d'OFS avec des logements en BRS est probablement l'invention la plus importante en matière d'accession sociale pour éviter toute dérive spéculative sur les logements abordables. » Loïc Alcaras, directeur de la Foncière Haute-Savoie, abonde et détaille que « le PSLA a permis un formidable effet de levier mais, là où il sortait du parc social lors de la première revente, retirant un échelon à la politique de l'habitat des collectivités, le BRS, lui, est extrêmement vertueux puisqu'il sanctuarise les investissements publics ».

Pour autant, le dispositif a démarré lentement. Il a fallu attendre trois ans pour que soient publiés les décrets d'application et que naissent les premiers organismes, dont celui de Lille, Ville dont Audrey Linkenheld était élue en charge du logement. « C'est finalement peu pour une création législative et réglementaire, estime celle qui, comme députée du Nord, avait été rapporteure de la , à l'origine de l'amendement créant les OFS. Il a en effet fallu discuter des aides publiques directes ou indirectes avec Bercy, négocier des prêts Gaïa avec la CDC ou encore établir les conditions préférentielles en termes de financement des acquéreurs. »

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Près de 6 000 BRS en 2026

Une décennie plus tard, le bilan semble encourageant. La production d'habitations en BRS est passée de 128 entre 2017 et 2020 à 1 190 en 2023. Entre les logements en commercialisation et ceux engagés, elle devrait atteindre 2 183 en 2024, 4 189 en 2025 et près de 6 000 en 2026. Pour autant, les promoteurs, parfois maîtres d'ouvrage de ce type de logements, montrent peu d'enthousiasme : « La progression de la redevance mensuelle sur le terrain cumulée au prix facial revient à des mensualités supérieures au PSLA, prévient Laëtitia Vidal, nouvelle présidente de la FPI Toulouse Occitanie. Pourquoi discriminer un propriétaire en accession sociale en lui interdisant de réaliser une plus-value ? Le BRS restera un micro-marché qui ne remplacera pas le PSLA. »

Pourtant, localement, les projections de production ne faiblissent pas. « La Foncière solidaire du Grand Lyon bénéficie d'une enveloppe de 36 M€, explique Renaud Payre, son président, également à la tête de Foncier Solidaire France, qui regroupe la quasi- totalité des OFS. Même si notre trajectoire des 1 000 BRS par an à l'horizon 2026 ne sera pas atteinte, leur croissance est plus rapide que celle des logements libres, sans que ce soit au détriment du locatif social. »

Mieux, le BRS semble passer entre les gouttes de la crise du logement et du financement des particuliers. « Certes, les banques ont durci les conditions d'octroi des prêts, admet Imed Robbana, mais plusieurs facteurs le corroborent : une détente sur les prix du foncier en raison d'une moindre concurrence, une détente des coûts de construction et un marché congestionné face à des besoins considérables. Le dispositif a toute sa place dans la relance du secteur. » La Coopérative foncière Aquitaine prévoit ainsi la production annuelle de 400 BRS dans un périmètre allant du Pays basque à Toulouse en passant par Bordeaux. Le soutien du gouvernement pourrait même permettre de dépasser rapidement ces projections.

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