"Ce projet de loi marque une nouvelle étape dans la transformation de l’action publique. Lors du Grand Débat, une demande forte de transparence, de proximité et de simplification des relations entre les citoyens et l’administration est apparue : ce projet de loi répond à ces attentes", a assuré Olivier Dussopt, le secrétaire d'État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, en ouvrant la discussion générale du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dit "Asap", en séance publique au Sénat, le 3 mars 2020.
Les débats sur ce texte n’ont pas traîné. Après son examen en commission spéciale le 26 février, les sénateurs l’ont adopté (à main levée dans un hémicycle clairsemé, un seul élu votant contre) le 5 mars à l’issue d’un jour et demi de discussions. "Il s’agit d’un texte d’accélération : j’espère qu’il arrivera très vite devant l’Assemblée nationale et que votre gouvernement tiendra compte de nos votes. Nous pourrons alors espérer une CMP conclusive", a déclaré Jean-Claude Longeot (UC, Doubs), le président de la commission spéciale, en clôture des débats.
Ce texte, passé de 50 à 85 articles lors de son examen au Sénat et désormais renvoyé à la commission des Lois de l’Assemblée nationale, vise à "accélérer la dynamique en matière de simplification et d’efficacité administrative à travers plusieurs mesures très concrètes, visant à rapprocher les Français de leurs services publics et à libérer leurs énergies", selon le gouvernement qui lui a assigné trois grands objectifs : "une administration plus simple", "une administration plus proche des Françaises et des Français" et "la promesse de démarches administratives plus efficaces et plus rapides".
"Simplicité, proximité, efficacité"
Toutefois, si les membres de la commission spéciale estiment que "simplifier l’action publique est louable", ils n’en critiquent pas moins la méthode du gouvernement qui souhaite aller vite et ne leur a laissé qu’un mois après la présentation en Conseil des ministres "pour examiner un texte hétéroclite de près de 50 articles", a regretté Viviane Artigalas (, Hautes-Pyrénées), ironisant sur le "as soon as possible" sous-entendu par l’acronyme de l’intitulé du texte. Patricia Morhet-Richaud (LR, Hautes-Alpes) souligne, dans son rapport à la commission, l’impression que certains articles ont "été raccrochés au texte du projet de loi, sans préparation suffisante et surtout parce qu’il constituait un véhicule législatif commode dans un agenda législatif surchargé".
La commission a cependant adopté 71 amendements (dont plusieurs similaires) sur les 179 qui avaient été déposés, dont 50 de la rapporteure. À noter : les articles 8, 9, 20, 22, 29, 31, 40, 47, 48 et 49 du projet de loi ont fait l’objet d’une procédure de législation en commission partielle selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du gouvernement s’exerce uniquement en commission.
Le détail des modifications adoptées par le Sénat sur le logement et l'aménagement
En commission spéciale
Commission consultative nationale paritaire des baux ruraux (art. Ier). En supprimant l’article Ier du projet de loi, l’amendement n° COM-137 revient sur la suppression de la commission consultative nationale paritaire des baux ruraux et renvoie ce sujet à la future loi sur le foncier agricole en préparation au gouvernement.
Évaluation des propriétés non bâties des collectivités (art. 6). L’article 6 du projet de loi prévoit la suppression de la commission centrale des impôts directs chargée, au ministère de l’Action et des Comptes publics, de trancher les contestations des maires, de l’administration des impôts ou des propriétaires contre les tarifs des évaluations foncières arrêtés par les commissions départementales. Or cette suppression entraîne "la disparation de cette voie de recours non-contentieuse", estime Patricia Morhet-Richaud, auteure de l’amendement n° COM-123. Celui-ci "propose que, sous les réserves actuellement en vigueur, les maires ou les propriétaires pourront contester les tarifs de référence arrêtés par l’administration fiscale en accord avec la commission communale devant la commission départementale des impôts directs" grâce à une modification du code général des impôts. Une solution qui s’aligne sur le régime aujourd’hui applicable en cas de contestation des tarifs de référence des propriétés bâties.
Regroupement du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD) et du comité de suivi Dalo (art. 8). L’amendement n° COM-138 précise les modalités du regroupement du HCLPD, quand l’article 8 du projet de loi "se content[ait jusque-là] de compléter l’intitulé du , en lui adjoignant la mission du 'suivi du droit au logement opposable', sans reprendre les attributions ni la composition de ce comité". À droit constant, l’amendement propose de conserver les principes d’une participation des associations d’élus locaux et des associations œuvrant dans les domaines du logement et de l’insertion aux travaux de l’instance fusionnée, et de la remise d’un rapport annuel au président de la République, au Premier ministre et au Parlement. Elle suggère, enfin, de rattacher cette nouvelle structure au Premier ministre, comme l’actuel HCLPD.
Commissions départementales de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPNAF) (art. additionnel après l’art. 16). Une série d’amendements identiques (n° COM-23 rect. bis déposés par des sénateurs centristes, n° COM-37 du sénateur UC Claude Kern (Bas-Rhin) et n° COM-43 rect. bis de sénateurs LR) modifient la composition des CDPNAF, afin d’instaurer la parité entre les élus locaux et les représentants des différents organismes et de l’État au sein de celles-ci.
Zones humides (art. additionnel après l’art. 26). Pour sécuriser les projets après une modification de la définition des zones humides prévue par l’article L. 211-1 du Code de l’environnement par la loi du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, l’amendement n° COM-155 précise que ce changement ne s’applique pas aux demandes d’autorisations environnementales et aux déclarations préalables avant la publication de cette même loi.
Conseil d’administration des OPH (art. additionnel après l’art. 44). Afin de simplifier le Code de la constrution et de l'habitation et de corriger une mesure issue de la loi Elan, l’amendement n° COM-7 rect. quater de Dominique Estrosi Sassone (LR, Alpes-Maritimes) et d’autres sénateurs LR supprime, à l’article L. 421-8, la référence (devenue caduque) au fait que les représentants du personnel au conseil d’administration d’un OPH soient désignés par les syndicats les plus représentatifs du département. Il confirme par ailleurs la participation directe d'"un ou deux" représentants du personnel dotés d’une voix délibérative. La désignation s’opère au sein de l’office, par "l’organisation syndicale ou les deux organisations syndicales représentatives ayant obtenu le plus de suffrages au premier tour des élections professionnelles du CSE" ou sont, à défaut, "désignés par le CSE ou, à défaut de CSE, par l’organisation d’une élection auprès du personnel de l’office".
Mise à disposition à titre gratuit du patrimoine des départements (art. additionnel après l’art. 44). Dans la lignée d’un amendement identique adopté par le Sénat lors de l’examen du projet de loi Engagement et proximité, un amendement présenté par des sénateurs LR (n° COM-100 rect. bis) donne au conseil départemental la possibilité de déléguer aux exécutifs territoriaux la conclusion et la révision de conventions de mise à disposition à titre gratuit. Actuellement, les présidents de département ou de région ou les maires "ne peuvent recevoir de pouvoir que pour consentir des occupations ou conclure des baux à titre payant", expliquent les auteurs de cet amendement dans l’exposé des motifs.
En séance publique
Lors de la séance publique, les sénateurs ont poursuivi le travail d’amendement en en adoptant 51 sur les 200 qui avaient été déposés, dont 10 du gouvernement et 9 de la rapporteure.
Codege (art. additionnel après l’art. Ier). L’amendement n°139 rect. bis signé par plusieurs sénateurs LR supprime la base légale de la Commission départementale de gestion de l’espace à l’article L.112-16 du code rural et de la pêche maritime. Ces commissions départementales ont en effet été remplacées par les CDPENAF.
Évaluations des propriétés non bâties des collectivités (art. 6). En séance publique, les sénateurs ont adopté l’amendement n° 184 du gouvernement qui précise les modifications apportées en commission à l’article 6 du projet de loi. Celui-ci prévoit la suppression de la commission centrale des impôts directs. Selon l’amendement gouvernemental, comme pour les litiges portant sur l’évaluation des locaux professionnels, les décisions des commissions départementales, qui peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir dans les deux mois de leur publication, ne peuvent pas être ultérieurement "contestées à l’occasion d’un litige relatif à la valeur locative d’une propriété non bâtie".
Installations soumises à autorisation (art. 21). L’amendement de repli n°149 rect. de plusieurs sénateurs RDSE intègre la protection de l’environnement "parmi les motifs écartant l’application des mesures proposées par l’article 21 du projet de loi (délais supplémentaires de mise en conformité pour les installations en cours d’instruction et dispense d’application de nouvelles prescriptions affectant le gros œuvre)" car les atteintes de ces installations classées au titre de la protection de l’environnement peuvent être "complexes à réparer voir irréversibles".
Évaluation environnementale (art. 23). L’amendement n° 25 rect. bis de plusieurs sénateurs UC modifie l’article L. 122-1 du Code de l’environnement qui prévoit aujourd’hui qu’en l’absence de réponse dans un délai de trente-cinq jours de l’autorité administrative compétente, un projet doit être soumis à évaluation environnementale. Selon l’amendement adopté en séance publique, cette autorité devra désormais "communiquer au maître d’ouvrage, à sa demande, les motifs qui ont fondé sa décision dans un délai de quinze jours".
Autorisation environnementale (art. 24). Alors que l’article 24 du projet de loi supprime la consultation systématique du ou de la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites () pour des projets relevant notamment des régimes d’enregistrement, l’amendement n° 25 rect. bis de plusieurs sénateurs UC modifie cette disposition pour "ouvrir un droit d’option pour le porteur de projet". L’amendement ne revient pas "sur le caractère facultatif d’une consultation de ces commissions et conseil pour les demandes d’autorisation environnementale soumise à évaluation environnementale", tiennent à préciser ses auteurs. Si le porteur de projet décide de consulter une de ces entités, l’autorité administrative auprès de qui il dépose sa demande "dispose d’un délai de trois mois pour recueillir cet avis".
Silence de l’administration (art. additionnel après l’art. 29). Par souci de rationalisation et de simplification, l’amendement n° 83 rect. bis de sénateurs Les Indépendants-République et territoires prévoit que le gouvernement définisse chaque année par décret la liste des procédures pour lesquelles le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet. Il laisse également un délai de deux ans au gouvernement pour prendre les mesures réglementaires pour s’assurer que le renforcement du principe du "silence vaut acceptation" soit bien opérant.
Guichet unique pour l’accès aux subventions de l’État (art. additionnel après l’art. 44 bis). Un chapitre intitulé "Guichet unique pour l’accès aux subventions de l’État et l’instruction des projets d’investissement" est introduit au titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales (amendement n° 200). Il prévoit, pour simplifier l’accès des communes "surtout petites et rurales" aux subventions de l’État, de créer dans chaque département, "un même service déconcentré de l’État chargé de recevoir et d’instruire toutes les demandes de subvention adressées à l’État par les collectivités territoriales ou leurs groupements et pour l’instruction des projets d’investissement". Il sera ainsi "référent pour centraliser tous les éléments du dossier et gérer le phasage de l’instruction assumée par toutes les autres administrations compétentes".