Dans un rapport publié le 19 décembre, la Cour des comptes dresse un état des lieux des bonnes et (surtout) des mauvaises pratiques en matière de délégations de service public (DSP). Pour mémoire, il s’agit d’une forme de contrat de concession par laquelle les collectivités territoriales peuvent confier la gestion d’un service public à un opérateur économique (article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales).
Oligopoles
Comme le rappelle la Cour, les collectivités disposent d’une liberté de choix s’agissant de la gestion de leurs services publics. Le rapport observe à cet égard que le recours à la DSP est privilégié dans trois domaines : l’eau et l’assainissement, les réseaux de chaleur et les transports urbains. Des secteurs dans lesquels la concurrence est « limitée à quelques acteurs majeurs », est-il souligné.
Avantage aux délégataires
Ce qui peut placer les opérateurs dans des situations favorables. La Cour pointe ainsi « des risques de déséquilibres au détriment des collectivités » dans certaines DSP. Elle fait notamment état de contrats dans lesquels la part de risque transférée au délégataire est insuffisante, entraînant pour certains le risque d’être requalifié en marché public. Le rapport relève également dans plusieurs DSP des taux de rentabilité anormalement hauts pour leur titulaire.
Donnant-donnant
La conclusion d’avenants favorables aux délégataires peut aussi contribuer à ces situations, constate la Cour qui estime que « les collectivités sont plus souvent mises à contribution que rétribuées en cas d’imprévus ». Le rapport mentionne ainsi plusieurs exemples d’avenants conclus pendant la crise sanitaire qui ont réduit « de manière excessive le risque à la charge du délégataire ».
La Cour invite par ailleurs les collectivités à prévoir systématiquement dans les DSP des clauses leur garantissant « un retour financier lorsque le résultat dépasse significativement les prévisions initiales ou actualisées ». Mais encore faut-il que les autorités délégantes aient connaissance de ces prévisions et de la rentabilité des contrats. Le rapport liste en effet plusieurs DSP qui ne comprennent pas de compte d’exploitation prévisionnel ni de liste détaillée des investissements programmés. Dans d’autres cas, la rentabilité réelle est minorée par les entreprises via notamment la facturation par leur filiale en charge de l’exécution du contrat de frais de siège ou d’achats de biens et de services à la société-mère.
Manque de transparence
La Cour plaide pour davantage de transparence. Elle préconise ainsi de « définir exhaustivement [dans le contrat] les données et les bases de données collectées ou produites à l’occasion de l’exploitation du service public » qui doivent être communiquées à l’autorité délégante. Elle recommande aussi « d’identifier précisément les biens de retour, de reprise et propres à l’entreprise délégataire, immatériels comme matériels » et d’assurer le suivi de l’inventaire tout au long de la vie de la DSP.
Inverser le rapport de force
Les autorités délégantes sont incitées à renforcer le contrôle des services délégués et à assurer un suivi détaillé de leur qualité. La Cour des comptes les invite notamment à sévir en cas de manquement en appliquant « systématiquement […] des pénalités proportionnées à l’absence de réalisation par l’entreprise délégataire des objectifs fixés par le contrat ».
Un contrôle accru doit aussi permettre de mieux maîtriser la fin du contrat afin « d’élargir les possibilités de choix du nouveau délégataire et du mode de gestion », la Cour alertant sinon sur le risque de rente induit par le manque de transparence.