La rénovation énergétique de l’habitat est certes un enjeu climatique, mais c’est aussi un gros gâteau. L'Agence de la transition écologique (Ademe) estime que les passoires énergétiques représentent près de 7,2 millions de logements (classés F et G), soit près de 20 % du parc résidentiel actuel. Une opportunité financière que les entreprises du bâtiment et le négoce comptent bien saisir. La grande distribution aussi.
Mais pour s'emparer d’une part de ce gâteau, il faut inciter les ménages à faire ces travaux. C’est là que le bât blesse. Bien que les Français reconnaissent très largement la nécessité d’une rénovation énergétique des logements, ces derniers pointent du doigt plusieurs obstacles, et non des moindres : ils sont dissuadés par le coût de l’opération pour 67 % d’entre eux, par la crainte de se faire arnaquer (40 %) et par la difficulté à s’y retrouver dans les aides financières (36 %).
« Lutter contre la charge mentale »
Pour débloquer ces freins, du moins les desserrer, Leroy Merlin a réfléchi à plusieurs outils d’accompagnement des « habitants » dans leurs projets d’amélioration énergétique. Avec un objectif : « lutter contre la charge mentale » associée à ce type de travaux selon l’expression d’Agathe Monpays, sa directrice générale depuis septembre dernier. Ces dispositifs ont été dévoilés le 9 novembre 2023 dans le magasin de Massy (Essonne). L’événement était d’importance pour la première enseigne de bricolage de France (7,5 Md€ de chiffre d’affaires en France en 2022, estimation Négoce). Pour l’occasion, le réseau nordiste avait invité la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher.
« Faire converger les expertises »
C’est devant un parterre de salariés et d’acteurs de la rénovation dont Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’Anah, que la filiale du groupe Adeo a dévoilé « Mon Parcours Rénovation –Les Rencontres ».
Ce dispositif se présente comme un mini-salon de la rénovation en point de vente. Durant trois jours, il agrège une quinzaine d’acteurs de la filière et partenaires de Leroy Merlin, du diagnostic à la pose. On y trouve ainsi des conseillers France Rénov’, le bureau d’études thermiques ThermiConseil, des responsables de financement dont Honey bank (filiale de BPCE et Auchan) pour financer le reste à charge des ménages, des équipes de Kbane (enseigne d’Adeo spécialisée dans les solutions d’isolation et chauffage), le collectif Stop à l’exclusion énergétique et, surtout des artisans RGE et des entreprises tous corps d’état. L’objectif, d’après Leroy Merlin, est « de faire converger les expertises pour permettre aux habitants de comprendre, identifier les solutions, planifier, financer et initier leurs projets. »
Lancé pour la première fois à Massy entre le 9 et 11 novembre, cet outil sera décliné en 2024 « partout en France », dans tous les Leroy Merlin ou presque, « en synergie avec leurs partenaires locaux. »
Le RRE, l’interlocuteur unique pour projet complexe
Par ailleurs, l’enseigne était fière d’annoncer avoir « créé un nouveau métier » : le responsable rénovation énergétique (RRE). Actuellement, Leroy Merlin en compte 95, un par bassin, « dûment formé aux enjeux de la rénovation » selon l’expression d’Agathe Monpays.
Son rôle est d’accompagner gratuitement l’ensemble des projets de rénovation globale et/ou complexe : de la visite à domicile pour appréhender les besoins jusqu’à l’accompagnement pour obtenir des aides, en passant par la mise en relation avec les artisans RGE et les experts de la rénovation. Le RRE doit permettre de réduire deux des principaux freins d’après Arnaud Descamps, responsable de la rénovation énergétique de l’enseigne: « La crainte de tomber sur des non-spécialistes et le manque d’information globale.»
RRE vs MAR. Qui va gagner ?
Néanmoins, cette « création » de poste interroge : le responsable rénovation énergétique de Leroy Merlin ne va-t-il pas piétiner les plates-bandes de Mon Accompagnateur Rénov’ (MAR), cette fonction créée par la loi Climat et résilience du 22 août 2021 ? Ce service payant -sauf pour les ménages les plus modestes-, destiné à favoriser les rénovations globales grâce à un accompagnement personnalisé, était au départ facultatif. Il sera obligatoire à partir de janvier 2024 pour tous travaux de deux gestes ou plus dont le coût est supérieur à 5.000 € et qui font l'objet d'une demande d'aide dont le montant est supérieur à 10.000 €.
Reste que l’initiative de Leroy Merlin a été félicitée par Agnès Pannier-Runacher. « Elle symbolise bien ce besoin de mobilisation, commente la ministre avant de rappeler qu’un logement dit « passoire thermique » représente une facture d’énergie trois fois plus haute que la moyenne. « C'est pourquoi, nous voulons mobiliser l'ensemble des filières, des artisans aux distributeurs. »
