Les marques ont une réputation solide dans l’univers du bâtiment. Pourtant, à y regarder de plus près, deux facteurs limitent fortement cette affirmation. Tout d’abord, la clé d’entrée de l’artisan reste avant tout le produit. Il va chez son négociant pour acheter un isolant, une chaudière, une tuile, un câble… qu’il a déterminés selon la nature de son chantier et de son devis, et non pas pour acheter telle ou telle marque. Celle-ci ne vient qu’après, avec une force de l’habitude puissante. Par ailleurs, cette importance de la marque est extrêmement variable selon le caractère impliquant ou non du produit. « Plus la solution demande un certain niveau d’expertise technique, note Isabelle Mayneris, directrice de projets chez Dia-Mart, ou plus sa mise en œuvre va avoir des répercussions sur le bâtiment, plus l’artisan va s’appuyer sur des marques pour se rassurer et pour se valoriser auprès du particulier. » De même, l’attachement à la marque varie selon la nature du produit par rapport à l’expertise de l’artisan. « Si un maçon a besoin d’un produit en électricité et que son conseiller en négoce matériaux lui propose un article, il va lui faire confiance sans prêter attention à la marque », explique Jean-Jacques Urvoy, consultant. Enfin, le statut même de celui qui achète, modifie ses attentes par rapport à la marque. Comme le souligne Jérôme Thfoin, directeur marketing et développement chez Samse : « Si l’interlocuteur est le chef d’entreprise, il aura une approche plus gestionnaire, tempérant l’attrait de la marque par le prix. Si c’est un chef de chantier, il vaudra une marque qui le rassure, garantissant qu’il n’aura pas de soucis sur son chantier. Si c’est l’ouvrier, il choisira avant tout un produit pratique, ergonomique, une marque aux valeurs de confort dans la mise en œuvre. » Les plans de vente et les concepts doivent donc intégrer ces éléments pour déterminer la place des marques dans la stratégie commerciale.
La notoriété de la marque ne suffit pas
Sur les segments où les marques sont identifiées comme leviers de vente, encore faut-il parier sur celles qui apporteront une réelle plus-value. « La notoriété globale d’une marque ne suffit pas, insiste Alain Colas, responsable des marchés chez Accueil Négoce. Elle doit être légitime sur chacune des solutions où elle intervient. » De plus, le rôle d’innovation prend de plus en plus de place sur le marché. « Une marque, a fortiori si elle est leader de son segment, se doit d’animer celui-ci, de le tirer en avant, avec de réelles innovations », affirme Dominique Richard, directeur commercial de Pillaud Matériaux (réseau BigMat). Enfin, pour jouer pleinement son rôle, la marque se doit de proposer de plus en plus d’accompagnement à ses clients : conseils avant-vente, soutien après-vente, outils de prescription et de devis, formation, présence sur le terrain des technico-commerciaux… « Pour se différencier des grandes surfaces de bricolage et de leurs concurrents - surtout pour les indépendants - les négoces doivent utiliser tous ces outils de relation entre les marques et les clients. Ainsi, ils peuvent incarner ce lien de proximité entre les deux, et relayer un discours qui sera utile à l’artisan pour justifier ses choix auprès du particulier, le rassurer et valoriser son image d’expert », explique Isabelle Mayneris.
Proximité avec l’artisan et le particulier
La place de plus en plus importante du particulier dans le rôle de prescripteur va d’ailleurs changer la donne dans la place à donner aux marques. « Aujourd’hui, le particulier a une idée sur la solution d’isolation, de décoration ou de chauffage qu’il désire, relate Dominique Richard. Il se renseigne dans les GSB, par les médias, de plus en plus sur Internet. Or la plupart des marques en négoce ne sont pas les mêmes qu’en GSB, elles ne communiquent pas dans les médias grand public et ont encore peu investi la Toile. » Les marques gagnantes seront celles qui noueront une relation suffisamment étroite avec l’artisan pour qu’il transforme la demande du particulier dans une solution, en une offre de leur marque. D’autres vont sans doute de plus en plus investir dans la communication vers le grand public. Cependant, le risque d’une approche de la vente uniquement par les atouts de chaque marque sur chaque segment est celui d’un éparpillement du négoce.
Insérer les marques dans un discours d’enseigne
Or, selon Isabelle Mayneris, il faut impérativement donner un sens à cette offre de marques, si séduisantes soit-elles, pour bénéficier d’un impact fort sur les ventes. L’offre produits étant accessible au plus grand nombre, l’enseigne qui se différenciera sera celle qui aura construit un discours en amont pour donner une visibilité et une cohérence à son plan de vente. « Il ne s’agit pas de jouer l’enseigne contre les marques, souligne-t-elle, mais au contraire d’optimiser l’apport des marques par la construction d’un discours d’enseigne.»



