Le projet FiRéno+ vise à stimuler le financement privé de la rénovation

Il faut trouver 20Mds€ supplémentaires par an d’ici à 2030 pour atteindre l’objectif national de 700 000 rénovations performantes annuelles.

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Les pliotes du projet « FiRéno+ » donnent des pistes pour « massifier les investissements privés au côté des investissements publics » dans la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels et tertiaires.

Les pilotes du projet « FiRéno+ », cofinancé par le programme européen Life, ont présenté le 19 juin les résultats de leurs travaux menés entre septembre 2024 et mai 2025. L’Ademe, le think tank Sustainable Finance Observatory et le cabinet de conseil Res publica présentent ce projet comme une « communauté d’acteurs » de la transition énergétique créée dans le but de « massifier les investissements privés au côté des investissements publics » dans la rénovation énergétique des bâtiments (logements et tertiaire, en métropole et en outre-mer).

Ont été mobilisées les banques commerciales, les banques d’investissement, les institutions (Bercy, Anah…), les collectivités locales et leurs regroupements ainsi que les entreprises du secteur de la construction et de l’immobilier. « Un comité citoyen a été spécifiquement constitué début juin pour qu’il puisse dire ce qu’ils pensent de nos travaux », ajoute Aurélie Launay, consultante pour Res publica.

Le rôle des employeurs à favoriser

Du côté du secteur résidentiel, le groupe de travail piloté par le Sustainable Finance Observatory a fait émerger cinq propositions, dont celle d’améliorer les dispositifs pour accroître l’efficience des fonds employeurs dédiés à la rénovation énergétique des logements individuels des salariés. Les entreprises ont en effet « intérêt » à améliorer les « conditions de travail » de leurs employés lorsqu’ils sont en télétravail (notamment lors des vagues de chaleur) et à soigner leur « marque employeur » pour « attirer et retenir » des talents, considère Guillaume Lorentz, responsable des solutions bancaires durables du Sustainable Finance Observatory.

Est particulièrement mis en exergue le dispositif Rénov+ de Saint-Gobain, lancé en 2021 et qui propose jusqu’à 15 000€ d’aide pour les salariés modestes et très modestes, en complément des aides publiques. L’accompagnement est assuré par des partenaires agréés Mon Accompagnateur Rénov' par l’Anah (Soliha, Urbanis, etc.), avec un audit énergétique obligatoire et un gain énergétique d’au moins 35 % requis.

« Cette prime versée via le salaire est soumise à des charges salariales, ce qui en limite l’impact. Un partenariat avec Action logement est à l’étude pour externaliser la gestion via la Pseec (participation supplémentaire de l’employeur à l’effort de construction), permettant d’augmenter le nombre de bénéficiaires à enveloppe budgétaire constante », ont précisé les pilotes du projet lors d’une réunion organisée en mai.

Le déblocage anticipé du plan épargne d’entreprise pourrait également être davantage mis à contribution : sur les 20Mds€ par an disponibles, la moitié n’est pas utilisée à ce jour.

Le moment clé de l’acquisition

Le groupe de travail propose en outre d’encadrer un prêt d’avance d’aide dans le cadre d’une rénovation performante pour les maisons individuelles, afin d’assurer la mise en place et la réalisation des travaux. Il insiste également sur l’importance de faciliter le reporting bancaire, « afin d’apprécier l’efficacité réelle des financements accordés, d’optimiser les conditions de financement, de permettre la qualification des prêts verts et ainsi de confirmer l’atteinte des objectifs sociaux, climatiques et énergétiques que notre pays s’est fixés ».

Surtout, les divers experts réunis durant un an ont remis au jour une idée souvent avancée (déjà lors du Grenelle de l’environnement) mais jamais concrétisée jusqu’à présent : généraliser les rénovations performantes au moment de l’acquisition d’une passoire thermique en étudiant systématiquement la mise en œuvre d’un prêt dédié lors de l’octroi d’un prêt immobilier. Il s’agit du moment idéal pour mener à bien les travaux et trouver les financements nécessaires, estime Guillaume Lorentz. Ce dernier refuse néanmoins de rendre cette mesure « obligatoire ».

Les banques prêtes à se mobiliser

L’expert se veut optimiste sur la capacité du secteur bancaire à se mobiliser. Rappelant tout de même que le fossé est important : il faudra trouver 20Mds€ supplémentaires par an d’ici à 2030 pour atteindre l’objectif de 700 000 rénovations performantes annuelles (fixé par la stratégie nationale bas carbone).

« Les banques ont un intérêt à multiplier les prêts de rénovation pour diminuer le risque de défaut lié à la hausse des prix de l’énergie », estime-t-il, ajoutant que « 55 % du parc est rentable ». Il évoque par ailleurs les diverses obligations de reporting, notamment le GAR (green asset ratio) introduit dans le cadre du règlement taxonomie, comme des incitations à multiplier les financements « verts ».

Le groupe de travail a également réfléchi aux solutions permettant de massifier la rénovation performante outre-mer, sachant que le sujet est moins mature que dans l’Hexagone — il n’y a, à ce jour, « ni DPE, ni audit, ni accompagnement », rappelle Augustin Remy, ingénieur à l’Ademe — et que les enjeux sont davantage du côté du confort d’été que de la baisse de la facture énergétique liée au chauffage. Il appelle à « poursuivre la réflexion quant à l’accompagnement, technique et financier ».

Un fonds de garantie post-travaux pour le tertiaire

Le tertiaire n’a pas non plus été oublié. Les acteurs sont partis de l’existant, c’est-à-dire le DEET (dispositif éco énergie tertiaire), issu du « décret tertiaire », qui fixe l’objectif d’atteindre une baisse de 50% de la consommation d’énergie finale de l’ensemble du parc tertiaire en 2040.

Sept propositions ont émergé. Parmi elles : expérimenter des modèles d’acteur ensemblier (que pourraient endosser des entreprises comme Dalkia ou Sofiac) dédiés à la rénovation performante pour améliorer l’accompagnement. Le fait d’avoir « un seul interlocuteur » peut permettre de convaincre des entreprises de sauter le pas, considère Mary-Cathryn Biscroma-Acchiardi, coordinatrice études financement de la rénovation des bâtiments à l’Ademe. Une expérimentation est d’ores et déjà prévue, avec le lancement prochain d’un appel à projet ciblant les « établissements médico-sociaux dans un premier temps ».

Le groupe de travail propose également de mener une étude de préfiguration d’un fonds de garantie (financière) post-travaux de la rénovation performante. Cela permettrait de répondre aux difficultés actuelles pour les entreprises d’obtenir des prêts car la durée d’amortissement est généralement supérieure à dix ans, selon Augustin Rémy. Il s’agirait de « faire appel aux acteurs privés pour abonder ce fonds de garantie », précise Mary-Cathryn Biscroma-Acchiardi.

Le levier fiscal mis en avant

Le sujet du reporting bancaire a également été abordé, car il a été identifié comme un obstacle important. « Les banques ont des difficultés à obtenir certains documents pour qualifier leurs prêts de ‘verts’ », explique l’experte de l’Ademe. Une solution consistant à leur donner accès à la plateforme Operat (sur laquelle les assujettis au DEET doivent déposer leurs données de consommation) est en cours de déploiement. Les membres de FiRéno+ demandent également aux pouvoirs publics de « clarifier officiellement » le lien entre la taxonomie verte européenne et le décret tertiaire. « Aujourd’hui, les interprétations divergent entre banques », explique Mary-Cathryn Biscroma-Acchiardi.

D’autres mesures d’ordre fiscal, nécessitant pour certaines de passer par un projet de loi de finances, sont également proposées, comme celle de donner la possibilité aux collectivités d’exonérer de droits de mutation des entreprises s’engageant dans une rénovation performante, lors de l’acquisition d’un local tertiaire, afin de financer une partie du coût d’une rénovation performante en réattribuant le montant des droits de mutation.

Le gouvernement est incité également à mettre en place un dispositif d’amortissement avantageux pour les équipements et travaux liés à la rénovation énergétique, afin de libérer de la trésorerie pour favoriser le déclenchement des travaux, ou encore à rendre possible le versement des aides publiques en cas de mobilisation d’acteurs ensembliers pour baisser le reste à charge des entreprises faisant appel à ces acteurs.

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