Le financement du reste à charge des travaux de rénovation énergétique demeure une épine dans le pied pour les opérateurs publics comme privés censés accompagner la massification de la décarbonation du bâti résidentiel. Pour tenter d’apporter une réponse à cette problématique, les sénatrices Amel Gacquerre (Union centriste, Pas-de-Calais) et Marianne Margaté (CRCE-Kanaky, Seine-et-Marne) ont été sollicitées par Valérie Létard pour explorer les conditions d’émergence d’une banque de la rénovation énergétique, en coopération avec les acteurs de la filière bancaire et des professionnels immobiliers.
Cette banque « devra permettre de financer le reste à charge des ménages modestes », a déclaré la ministre du Logement et de la Rénovation urbaine le 7 novembre au Salon de la copropriété, après l’avoir annoncé la veille lors de son audition par la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, dans le cadre des travaux sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
Cette instance de réflexion vise à « compléter les outils financiers » institués par la loi du 9 avril 2024 sur l’habitat dégradé, notamment le prêt collectif destiné à financer les copropriétés en difficulté, sans prise en compte de la solvabilité individuelle des copropriétaires, et sécurisé par le fonds de garantie de la rénovation (ex-FGRE).
« Accélérer la rénovation en copropriété »
L’Ademe, dans le cadre de son appel à projets Oreno, a retenu le groupement « Patrimoine 2050 » constitué de Bouygues Construction, Capital Energy, Crédit mutuel Alliance fédérale et LPA-CGR. Ce projet vise à apporter « une solution globale et garantie pour la rénovation énergétique des copropriétés », à partir de plusieurs expertises « nécessaires à la conception, la réalisation, le financement et la garantie du projet optimal de rénovation d’une copropriété ».
Bouygues Construction assurera le pilotage du groupement, de la conduite et du contrôle des travaux, Capital Energy sera responsable de la valorisation des CEE, tandis que les solutions de financement seront mises en œuvre par Crédit mutuel Alliance fédérale. Le cabinet d’avocats LPA-CGR devra quant à lui construire le cadrage juridique du projet et ses éventuelles innovations.
L’amélioration du financement de la rénovation énergétique des logements et des copropriétés est vue par les professionnels de l’administration de biens comme le facteur débloquant des travaux, alors que le gouvernement souhaite lâcher du lest sur l’interdiction de location des logements classés G en copropriétés. Valérie Létard a justement rappelé son soutien à la proposition de loi de Bastien Marchive (ERP, Nièvre) et d’Iñaki Echaniz (PS, Pyrénées-Atlantiques), qui pourrait selon nos informations être inscrite à l’ordre du jour de la semaine transpartisane du 2 décembre au Palais Bourbon.
Le texte entend suspendre le calendrier d’interdiction de louer des logements étiquetés G - 250 000 logements - en copropriété, jusqu’à ce que les travaux soient réalisés, et au plus tard trois ans après que les travaux ont été votés en assemblée générale des copropriétaires. « Il faut donc bien avoir en tête que les prochaines assemblées générales seront importantes », souligne Valérie Létard.
Cette proposition de loi a suscité le soulagement des professionnels d’administration de biens, mais témoigne aussi d’un certain réalisme sur l’impossible atteinte des objectifs de rénovation des logements les plus énergivores au 1er janvier 2025. Cette initiative est donc « un point d’entrée » pour faciliter le vote des travaux dans les copropriétés, considère Edouard Morlot, président délégué national de l’Union des syndicats de l’immobilier (Unis). Qui considère que seul le levier financier peut être décisif.
Pour cela, il faut « déjà que MaPrimeRénov’ soit simplifié et avoir une visibilité de long terme en maintenant les paramètres sur le financement des travaux mono gestes », développe-t-il. La ministre Valérie Létard répétant à l’envi qu’elle veut mettre fin au « stop-and-go » en la matière, c’est la version de MPR remaniée en mai qui pourrait vraisemblablement être pérennisée. Mais avec le cumul de MaPrimeRénov’, de l’éco-PTZ et du futur prêt collectif - en cours d’arbitrages - « les copropriétaires ne doivent plus reporter l’échéance des travaux », estime le président délégué de l’Unis, tout en reconnaissant qu’il « faut faire un effort de pédagogie pour leur faire connaître ces différents produits, ce qui pose aussi la question de l’amélioration de la formation des administrateurs de biens ».
« Ne pas perdre l’esprit de la loi Climat et Résilience »
D’autres s’inquiètent des débats parlementaires qui nourriront la proposition de loi Marchive-Echaniz, notamment les associations qui accompagnent les ménages modestes contre la précarité énergétique, à l’instar de Soliha. Si elle « comprend le besoin de laisser du temps aux copropriétés », alors que « tous savent que l’échéance du 1er janvier 2025 ne pourra pas être tenue partout », Juliette Laganier, directrice générale de la fédération, appelle à la vigilance. « Attention à ne pas perdre l’esprit de la loi Climat et Résilience et à ne pas aller trop loin sur une révision du calendrier », plaide-t-elle.
« Renoncer au calendrier de la loi Climat et Résilience n’est pas envisageable, et l’Assemblée nationale l’a confirmé le 31 octobre dernier », a martelé la ministre quelques minutes plus tard. Valérie Létard fait en particulier écho au retrait de la proposition de loi sur l’abrogation du calendrier d’interdiction de louer des passoires thermiques par son auteur, le député du Rassemblement national Frédéric Falcon (Aude), après le dépôt de trois amendements visant à supprimer l’unique article de son texte.