Le négoce séduit par les cibles HQE

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La démarche Haute qualité environnementale a récemment inspiré des constructions d'agences. Faut-il pour autant se situer dans le strict cadre de la certification ?

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La Qualité environnementale des bâtiments (QEB) est basée sur la maîtrise de l'impact des bâtiments sur l'environnement extérieur tout en créant un environnement intérieur sain et confortable. Il s'agit, selon l'association pour la Haute Qualité Environnementale (Association HQE) « d'une réponse opérationnelle à la nécessité d'intégrer les critères du développement durable dans l'activité du bâtiment ». Pour atteindre cet objectif, la démarche HQE® utilise quatorze « cibles » différentes qui permettent, explique cette association, « de mettre en place une approche structurée visant à coordonner l'action de tous les acteurs concernés pour atteindre les objectifs de qualité environnementale fixés par le maître d'ouvrage ». Utilisée depuis des années dans le secteur public et privé, tant pour le logement que pour le tertiaire, le neuf ou la réhabilitation.

La certification, passage obligé vers la HQE ?

Si l'association HQE reconnaît que le succès de cette démarche est d'abord le fait « d'acteurs qui ont autoproclamé leur réalisation en démarche HQE », il n'en reste pas moins qu'une certification volontaire a été mise en œuvre dès 2005, qui concerne les bâtiments tertiaires associés à la démarche HQE®. Celle-ci concerne les phases de programmation, conception et de réalisation, c'est-à-dire du « premier coup de crayon jusqu'au dernier coup de pelle ». La certification NF Bâtiments Tertiaires associée à Démarche HQE® en exploitation permet, elle, de distinguer les bâtiments dont l'exploitation répond parfaitement aux exigences environnementales et énergétiques actuelles et elle concerne l'ensemble des acteurs de l'exploitation d'un bâtiment tertiaire. « Jusqu'ici, HQE n'avait pas vocation à être une certification mais une démarche, souligne Anne-Sophie Colin, directeur de projet chez Green Affair, société d'assistance auprès des maîtres d'ouvrage et maîtres d'œuvre dans leur démarche et certification environnementale. En effet, ceux qui étaient intéressés par cette approche piochaient parmi les quatorze cibles celles qui les intéressaient. Or, nous avons assisté à de nombreuses dérives où certains s'appropriaient cette marque de façon caricaturale. Il fallait donc clarifier en disposant un cadre réglementaire. » L'association HQE s'est ainsi associée à Afnor qui a mandaté Certivéa, filiale du CSTB chargée de la certification des acteurs et ouvrages du secteur de la construction. Quel est l'intérêt de se lancer dans une procédure volontaire mais contraignante ? Un exemple : des assureurs comme Generali et Axa réservent des conditions de financements ou d'assurances spécifiques pour les opérations certifiées. Mais ce n'est pas tout, comme le note le président de Certivéa, Patrick Nossent : « Suivre une démarche HQE sans certification entretient le flou sur le réel niveau atteint par le bâtiment. Tandis que la certification est un signe de qualité à l'attention des utilisateurs, une démarche autoproclamée n'offre aucune garantie ». Ainsi, une certification en exploitation peut avoir l'avantage de s'appliquer à des bâtiments existants : la certification est valable cinq ans, contrôlée par un audit annuel, et porte sur le système de management de l'exploitation. Comme le souligne Patrick Nossent, « à qualité intrinsèque égale, selon le comportement des utilisateurs, on peut avoir des résultats sur des bâtiments allant du simple au double en matière de maintenance, d'entretien et d'utilisation. Bien maîtriser la qualité environnementale d'un bâtiment, c'est bien maîtriser les charges énergétiques, les consommations de fluides mais aussi la qualité de l'air intérieur pour les lieux recevant du public, qui dépendra de la qualité de ventilation ». Un négociant devra, dans ce cas, s'intéresser de près aux émanations des marchandises entreposées dans son magasin.

Un cadre adapté aux négociants ?

Pour l'instant, les référentiels concernant les négoces étant récents, il est logique qu'aucun d'entre eux, à l'heure où nous rédigeons ces lignes, n'ait encore été certifié, bien que certains ne seraient pas très loin de le devenir. D'autres négociants, pourtant sensibilisés à une démarque de développement durable, s'inspirent de la démarche HQE sans aller jusqu'à la certification. Marc Chambost, président du conseil de surveillance des Etablissements Chambost et président de la Fédération du négoce bois, a fait réaliser une agence, dont, selon lui, « le projet a pris en compte des critères au-delà de la HQE ». S'il trouve « très bien » que certains négociants puissent vouloir se lancer dans cette démarche, il ne trouve pas la certification pour autant incontournable : « La démarche HQE® a déjà plus de dix ans alors que le monde change. Non seulement elle n'a pas nécessairement suivi l'évolution naturelle vers une croissance verte, mais tous les négociants ne sont pas dans cet état d'esprit. Il convient de ne pas imposer des règles trop rigides et, selon la nature des négoces ou leur implantation, l'approche sera différente. Voilà pourquoi je suis plus attaché à la jurisprudence qu'à la loi en la matière ! ». Un autre exemple confirme cette tendance chez une partie des négociants. Pascal Brandely, Dg de Guyot SA, négoce familial sous enseigne BigMat, est spécialisé en couverture et isolation. Lui aussi, à travers un nouveau point de vente, a suivi une partie des cibles HQE sans franchir le pas de la certification : « J'ai rencontré l'Ademe, il y a deux ans et l'on m'a expliqué qu'il fallait tout reprendre du départ. Tant du point de vue du coût que du calendrier, c'était hors de question. C'est pourquoi, j'ai essayé de m'inspirer des cibles HQE* ». Ce projet qui a nécessité un investissement de 1,550 M€ a vu, entre autres, l'installation de 350 m2 de panneaux photovoltaïques avec une puissance crête de 38 kWc. Pour disposer d'un confort au niveau du magasin, le négociant a opté pour une pompe à chaleur réversible air/eau par le sol, ce qui permet de bénéficier d'une inertie lente et d'un système moins bruyant qu'un système à air pulsé. Une cuve de réserve des eaux pluviales de 70 m3 permet d'alimenter les toilettes, l'arrosage des espaces verts et le lavage des camions. A-t-il des regrets de ne pas être certifié ? « En toute modestie, ce qu'on a réalisé n'est pas mal. Nous avons même sensibilisé la maîtrise d'œuvre pour atteindre la cible HQE de chantier propre, poursuit Pascal Brandely. Nous ne communiquons pas là-dessus car si certains de nos clients nous parlent de BBC, personne n'évoque la HQE et cette sensibilisation reste très marginale parmi les artisans dont la crainte est surtout de ne pas passer dans les prix de marché ! » Cette absence d'attachement à la certification trouve-t-elle une explication rationnelle ? Oui, selon Anne-Sophie Colin : « Pour satisfaire à la démarche HQE, le négociant doit missionner différents intervenants - architecte, bureau d'études. - et définir son programme environnemental en définissant des niveaux de performance différents selon les cibles. L'idée est de s'imposer des exigences et de faire en sorte de les respecter lors de la programmation, de la conception, jusqu'à la construction, voire l'exploitation. Pour les négociants, l'intérêt de la certification est limité, même si le référentiel sur les bâtiments existants est en cours d'expérimentation. Il est impossible de sortir d'une démarche de certification quand on l'a commencée. Or, il faut reconnaître que certains aspects ne sont pas abordés sous l'angle de la démarche HQE, comme la biodiversité, avec la création de continuités écologiques. En réalité, nous nous trouvons au début d'une prise de conscience où l'innovation, de plus en plus rapide, entraîne l'évolution des référentiels ».

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