Pour quelles raisons la Commission européenne souhaite-t-elle modifier la directive de 2018 ?
La Commission européenne a présenté le 18 mai le plan REPowerEU afin de répondre à la double urgence qu’il y a à transformer le système énergétique européen : rendre l’Europe indépendante des combustibles fossiles russes et lutter contre la crise climatique. Cette stratégie repose sur trois piliers : économiser l’énergie, produire une énergie propre, diversifier les sources d’approvisionnement. C’est dans ce contexte que la proposition de révision de la directive du 11 décembre 2018 – qui était déjà en cours de révision – intervient.
Quels sont les principales mesures envisagées ?
La Commission a ciblé avec justesse trois séries de contraintes qui aujourd’hui entravent le déploiement de l’éolien et du solaire : la longueur et la complexité des procédures administratives ; les conflits avec d’autres intérêts publics (espèces protégées, eau, urbanisation…) et les problèmes liés aux connexions au réseau et aux procédures d'exploitation.
La Commission propose de porter de 40 à 45 % la part de l'énergie produite à partir de sources renouvelables d’ici 2030, de considérer les projets d’énergies renouvelables comme étant in abstracto d’intérêt public supérieur, de mettre en place une planification stratégique contraignante et d’accélérer les procédures d’autorisation des projets renouvelables.
Considérer les projets d’énergie renouvelable comme étant a priori d’intérêt public supérieur infléchira-t-il la position du juge interne qui tend à refuser de reconnaître aux petits projets une raison impérative d’intérêt public majeur ?
L’apport de ce texte est incontestable. Les développeurs n’auront plus à justifier, tant que la neutralité climatique de l’Union ne sera pas atteinte, que leurs projets apportent plus qu’une simple « contribution modeste » aux objectifs locaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et aux problèmes de sécurité d’approvisionnement en électricité, ce que le juge peut exiger aujourd’hui (voir par ex. CE, 15 avril 2021, n° 432158, NDLR). Ce que laisse entendre la directive, c’est que l’intérêt public supérieur sera désormais acquis en raison de la nature même du projet, quelle que soit son importance. Le juge doit admettre que le moindre projet éolien ou solaire est peut être un petit pas dans la direction de la décarbonation mais qu’il présente un intérêt public majeur.
Cela signifie-t-il que les dérogations espèces protégées (*) seront automatiquement octroyées ?
Non. La supériorité de l’intérêt public qui s’attache aux projets renouvelables devra être mise en balance avec d’autres intérêts publics, énoncés par les directives Habitats, Oiseaux et la directive cadre sur l’eau. Gage de protection nouvelle, cette présomption d’intérêt public supérieur ne constitue pas pour autant un blanc-seing. Les porteurs de projets ne seront pas exemptés du respect des deux autres conditions exigées par la réglementation « espèces protégées » (absence de solution alternative et maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, NDLR).
Quant à la planification stratégique, en quoi consistera-t-elle précisément ?
La directive demande aux Etats membres d’identifier des secteurs d’implantation terrestres et maritimes privilégiés, en tenant compte de la disponibilité des ressources en énergies renouvelables, de la demande d’énergie et de la disponibilité des infrastructures à tout moment. La Bretagne par exemple, qui ne comporte pas de centrale nucléaire et qui importe 80 % de son électricité, doit par sa situation géographique, accueillir de telles zones cibles pour les parc offshores.
Ces zones particulièrement adaptées au développement de projets d'énergie renouvelable, devront viser en priorité les surfaces artificielles et bâties (toits, aires de stationnement, routes, voies ferrées, y compris les terrains publics situés le long de celles-ci, décharges, terres dégradées non utilisables pour l'agriculture…) et exclure les sites Natura 2000 et autres zones à sensibilité environnementale.
La planification aura pour conséquence une implication directe des Etats membres qui devront réaliser une évaluation environnementale, organiser une participation du public, en un mot « dérisquer » ces zones. Ceci permettra ensuite une simple actualisation par le porteur de projet.
Dans ces zones cibles, la délivrance des autorisations sera donc plus rapide ?
Oui. La directive envisage d’octroyer une autorisation en un an et de mettre en place un guichet unique. Ce délai est prorogeable pour trois mois si des circonstances exceptionnelles le justifient. Les projets situés dans ces zones cibles devraient aussi bénéficier d’un accord tacite en cas d'absence de réponse de l'autorité compétente dès lors que l’évaluation environnementale a eu lieu. Aujourd’hui, en théorie, une autorisation doit pouvoir être délivrée en neuf mois. Dans la pratique, ce délai n’est jamais respecté par l’administration…
Quid des projets en dehors de ces zones ?
La procédure sera plus lourde que celle retenue pour les zones cibles. Elle ne devra pas dépasser deux ans et le porteur de projet reste tenu de réaliser une évaluation environnementale.