Le Royaume Uni n’a pas encore officiellement quitté l’Union Européenne que l’architecture britannique pâtit déjà du Brexit. En effet, une étude récente de l'association britannique des architectes, le Royal Institute of British Architects (RIBA), révèle que 74% des architectes basés dans le pays constatent que des projets de construction sur lesquels ils travaillent sont suspendus depuis le referendum, tandis que 43% ont tout bonnement vu des projets annulés.
La raison? Les incertitudes liées au départ du Royaume-Uni de l’Union Européenne, mais aussi la nature de la nouvelle relation entre les deux entités, notamment sur les sujets qui importent le plus aux architectes: l’accès au marché européen, la formation de professionnels déjà bien qualifiés, et les mesures s’assurant que le marché domestique de la construction reste vigoureux.
Besoin d'accès au marché unique
« L’état de santé général de l’architecture britannique est inextricablement lié à celui de la construction et de l’économie dans son ensemble. Malgré le besoin, reconnu, de construire plus, l’étude Brexit de RIBA montre que près de deux-tiers des architectes ont vu leurs projets suspendus et près de deux sur cinq complètement enterrés depuis le vote sur l’appartenance à l’union européenne. La majorité des architectes s’inquiètent de l’impact du Brexit sur leur réseau local de construction » a déclaré le RIBA.
En effet, l’étude « Global By Design 2018 » de l’Institut, dont les membres incluent les « starchitectes » Richard Rogers et Renzo Piano, pensent que le Brexit va isoler davantage le Royaume-Uni : 74% estiment que l’accès au marché unique est nécessaire pour la croissance internationale de l’architecture britannique (le premier exportateur de services architecturaux vers l’UE) et 71% pensent que les conséquences du Brexit seront néfastes pour la profession.
Fuite des talents
le RIBA craint aussi de perdre ses architectes les plus talentueux alors que, sur les 40 000 architectes que comptent le pays, 20% proviennent de l’UE. En effet, parmi ces derniers, 60% se demandent s’ils ne vont pas quitter le Royaume-Uni, contre 40% en 2016.
De nombreux architectes venus du continent s’étaient installés au Royaume-Uni ces dernières décennies, attirés par la réputation du secteur et grâce au mécanisme de reconnaissance mutuelle des diplômes et qualifications professionnelles de l’UE. « De nombreux architectes de l’UE continuent à être incertains sur leur futur au Royaume-Uni. Cette situation est insoutenable » estime le directeur exécutif de RIBA, Alan Vallance. Qui ajoute que la situation a un impact direct sur le recrutement et représente une « menace » pour l’économie et la société britannique.
Conjoncture en berne
Pour le RIBA, 2018 est donc une année « critique » pour l’architecture britannique. L’Institut a fourni au gouvernement un certain nombre de recommandations afin de s’assurer que la fuite des talents ne se matérialise pas, et que celui-ci continue à soutenir le secteur de la construction. « Il est certain qu’il y a eu un changement de sentiment dans certaines parties du secteur immobilier après le vote pour le Brexit » note Mark Farmer, PDG de CAST, cabinet-conseil britannique spécialisé dans l’immobilier.
« Une partie du ralentissement général de l’activité, actuellement évidente dans le bâtiment, est probablement liée à un réajustement plus large du marché immobilier attendu depuis longtemps, avant même le Brexit. Cette correction du marché n’affecte pas seulement l’architecture mais aussi la promotion immobilière et les professionnels du bâtiment : elle commence en fait à se faire sentir sur toute la chaîne d’activité de l’immobilier » note ce dernier.
« Reste la question de la pénurie de main d’oeuvre qualifiée dans la construction. Le ralentissement de l’activité, particulièrement à Londres où la plupart des architectes, ingénieurs et de travailleurs de chantier ressortissants de l’UE résident, pourrait conduire à une accélération de l’exode de travailleurs. Sur le long terme, cela pourrait vraiment nuire à l’industrie de la construction - sauf si le pays améliore rapidement sa productivité » conclut Mark Farmer.