Dans l’affaire tranchée par la Cour de cassation le 23 septembre, plusieurs entreprises sont intervenues sur un chantier réalisé sous la maîtrise d’ouvrage d’une communauté de communes. Un gestionnaire du compte prorata a été désigné. Pour mémoire, sont inscrites sur ce compte les dépenses d'intérêt commun engagées par les entreprises pour le chantier, qui ne correspondent pas à des travaux ou prestations prévus dans les documents contractuels du marché (voir par exemple l’article 14 de la norme NF P 03-001 applicable aux marchés privés de travaux qui s’y réfèrent).
Le gestionnaire se retrouve confronté en cours de chantier à un impayé de la part d’un intervenant qui n’a pas réglé sa quote-part des dépenses communes. Il obtient alors une ordonnance d’injonction de payer à son égard au titre de deux appels de fonds émis en application de la convention de gestion du compte prorata. Cet entrepreneur s’y oppose, le gestionnaire du compte l’assigne alors en justice.
La cour d’appel retient l’irrecevabilité de l’action du gestionnaire…
En l’espèce, la convention de compte prorata (à l’instar de la norme NF P 03-001 précitée) donnait la possibilité au gestionnaire du compte de bénéficier d’une délégation de paiement. Lorsque cette délégation a été acceptée par l’entreprise, le gestionnaire peut se faire régler directement par le maître d’ouvrage dans la limite du montant des sommes encore dues à l’entreprise. Ce mécanisme peut s’appliquer à la fin du chantier mais également pendant.
Selon la norme, en fin de chantier, si une entreprise est débitrice au titre du compte prorata, le gestionnaire du compte établit une attestation mentionnant le reliquat à percevoir qui est jointe au décompte général et définitif adressé par le maître d’œuvre au maître d’ouvrage. Ce dernier déduira alors cette somme à l’entreprise et la versera au gestionnaire.
En cours de chantier, si une entreprise après mise en demeure ne règle pas le montant restant, le gestionnaire peut demander au maître d’ouvrage de lui payer cette somme après l’avoir déduite de l’acompte à verser à l’entreprise.
Ici, les juges d’appel retiennent « qu’aux termes de la convention de compte prorata les sommes dont un entrepreneur est redevable au titre de ce compte sont déduites, après réception, du solde du marché ou, en cours de chantier, des acomptes qui lui sont dus par le maître de l’ouvrage et que, n’ayant pas usé de la possibilité conventionnelle de demander au maître de l’ouvrage le versement de l’impayé pour le compte de la société défaillante, le gestionnaire du compte prorata n’était pas recevable à agir en justice aux mêmes fins. » Ledit gestionnaire forme alors un pourvoi en cassation.
… et se voit censurée par la Haute juridiction
La Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel en soulignant qu’elle a violé l’article 1134 du Code civil – devenu l’article 1103 - qui dispose que « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Elle énonce en effet « quele gestionnaire du compte prorata, créancier de l’obligation à paiement souscrite par l’entreprise signataire de la convention, disposait, à défaut de clause contraire, de l’ensemble des droits attachés à sa créance et n’était pas tenu, en cours de chantier, de mettre en œuvre la procédure facultative de délégation de paiement [et que] la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
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Cass. 3e civ., 23 septembre 2020, n° 19-18266
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