Construction - Marchés publics et privés -

Un compte prorata est mis en place lorsque plusieurs entreprises en corps d’état séparés interviennent simultanément ou successivement sur un chantier. Dans ce cas, les entreprises ont des besoins logistiques communs (nettoyage, gardiennage…) dont les dépenses sont gérées au sein d’un compte spécial. Afin de limiter les litiges, qui ne manquent pas de s’élever sur ces dépenses d’intérêt commun, il est essentiel de bien rédiger la convention de compte prorata.

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1. L’établissement de la convention de compte prorata

En pratique, les entreprises utilisatrices des installations de chantier signent, avant l’ouverture du chantier, une convention précisant l’organisation et le fonctionnement du compte prorata. Il s’agit d’une convention de droit privé dont le contenu est librement négocié entre les parties. En effet, il n’existe pas de texte législatif ou réglementaire obligeant les entreprises à respecter des dispositions particulières. Le seul document proposant des règles de gestion et de fonctionnement du compte prorata est la norme Afnor de décembre 2000 relative aux marchés privés de travaux.

Cependant, ces règles ne s’appliqueront que si les marchés de travaux sont contractuellement soumis à cette norme, ce qui est généralement le cas. La convention peut également prévoir des règles complémentaires ou dérogatoires suivant l’importance et les spécificités du marché. Il n’existe pas non plus de texte légal fixant des dispositions obligatoires relatives au compte prorata dans les marchés publics de travaux (le CCAG-Travaux de 2009 ne prévoit ainsi aucune stipulation particulière relative au compte prorata).

En pratique, ce sont les règles prévues par la norme qui sont le plus souvent appliquées avec, le cas échéant, des adaptations selon la convenance des parties.

2. Les dépenses incluses dans le compte prorata

Les dépenses communes de chantier (ou dépenses d’intérêt commun) ne doivent pas toutes figurer dans ce compte spécial. La norme établit une distinction entre les dépenses d’investissement (ou d’équipement) et les dépenses de fonctionnement.

Les frais d’investissement

En principe, ne font pas partie du compte prorata les dépenses communes d’investissement dont le prix peut être fixé à l’avance et qui peuvent donc être imputées directement à un lot précis par les documents contractuels du marché. L’annexe A de la norme pour les travaux neufs fixe la liste (non exhaustive) de ces dépenses et des entreprises qui en auront la charge. Sont principalement concernées celles titulaires des lots gros œuvre, plomberie et électricité. Parmi ces dépenses figurent notamment les branchements provisoires d’eau, d’électricité et d’égout, les clôtures, le bureau de chantier, les installations communes d’hygiène, l’éclairage, les dispositifs communs de sécurité. Il appartient aux entreprises titulaires des lots auxquels sont attribuées ces dépenses de fixer le prix de leur marché en conséquence.

Les frais de fonctionnement

En principe, seules doivent être intégrées dans le compte prorata les dépenses communes de fonctionnement dont le montant ne peut être connu à l’avance et qui ne peuvent donc être imputées à un lot déterminé. Ce sont par exemple les dépenses de consommation d’eau et d’électricité indispensables pour faire fonctionner le chantier (ces consommations sont exclusives de celles destinées aux essais et épreuves de chaque entreprise), les dépenses de nettoyage des équipements communs (bureau de chantier, sanitaires, vestiaires et réfectoires) ou les frais de gardiennage du chantier (lorsqu’il est décidé par le comité de contrôle).

Selon la norme, les frais d’évacuation des déchets de chantier et du nettoyage du chantier doivent être exclus du compte prorata. Il appartient à chaque entreprise, après chaque intervention en un lieu donné, de laisser l’emplacement propre et libre de tout déchet. Il en est de même pour les frais de remplacement du matériel ou des ouvrages afférents au lot de chaque entreprise et qui ont été détériorées ou volées ; c’est à chaque entrepreneur de prendre les mesures nécessaires pour éviter le vol et les dégradations de ses propres équipements (voir article 1788 du code civil), sauf si un système de gardiennage commun a été décidé par les entreprises et mis en place.

Clés de répartition des dépenses

Les dépenses inscrites au compte prorata sont réparties entre les entreprises selon les règles prévues par la convention. Généralement, cette répartition est effectuée proportionnellement au montant du marché de chacune des entreprises, mais aussi en fonction du temps d’utilisation par chaque entreprise des installations et services communs du chantier.

3. Les organes de gestion du compte prorata

La norme prévoit que le compte prorata est géré par un gestionnaire, assisté d’un comité de contrôle. Lorsque le marché est conclu avec un groupement d’entreprises, c’est le mandataire désigné par ces entreprises qui assure la gestion du compte. Lorsque le marché est conclu par lots séparés, le gestionnaire est généralement l’entreprise en charge du lot le plus important (souvent le gros œuvre), mais certaines conventions prévoient sa gestion par le pilote (assurant la mission d’ordonnancement, pilotage et coordination dite OPC) voire, dans des cas plus rares, par le maître d’œuvre. Lorsque le marché est conclu par lots séparés, il a été jugé que l’entreprise gestionnaire n’a pas, sauf convention spéciale, la qualité de mandataire des autres entreprises intervenant sur le chantier (Cour de cassation, 3e ch. civ., 13 janvier 2010, n° 08-70097). Par conséquent, une société qui a réalisé des prestations dans l’intérêt commun des entreprises intervenant sur le chantier (prestations de nettoyage, par exemple) ne peut réclamer le paiement de ses prestations qu’à l’entreprise gestionnaire du compte prorata qui lui en a passé la commande. D’autre part, sauf dispositions particulières de la convention, le maître d’ouvrage n’a pas à intervenir dans la gestion du compte prorata ni dans les différends en résultant (Cour de cassation, 3e ch. civ., 8 juin 2010, nos 09-12968 et 09-13034 commenté dans Opé. Immo. n° 29, octobre 2010, p. 37). Il lui est d’ailleurs recommandé de ne pas s’immiscer dans les relations interentreprises car sa responsabilité peut alors être engagée. C’est au gestionnaire du compte d’agir pour assurer le recouvrement des sommes dont sont redevables les entreprises au titre du compte prorata. Pour faciliter ce recouvrement, la norme prévoit d’ailleurs un mécanisme de délégation de paiement (voir encadré ci-dessous).

Rôle et rémunération du gestionnaire

Le gestionnaire est chargé principalement d’adresser les appels de fonds aux entreprises, de régler les dépenses, d’informer le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage sur la situation de chaque entreprise vis-à-vis du compte et d’établir le projet de décompte final du compte prorata. En contrepartie, le gestionnaire est rémunéré selon un pourcentage calculé sur le montant TTC des dépenses figurant dans le compte prorata. La norme fixe ce pourcentage à 8 %. Un taux différent peut toutefois être prévu en vertu d’un accord particulier entre le gestionnaire et le comité de contrôle.

Attributions du comité de contrôle

Composé de représentants des entreprises, ce comité a pour mission de prendre toute décision utile à la bonne gestion du compte prorata et à la détermination des obligations de chaque entreprise. C’est généralement le comité qui décide de l’engagement des dépenses communes imprévues. Après réception des travaux, il statue sur le solde et la répartition définitive du compte prorata.

4. La liquidation du compte prorata

Le solde et la répartition définitive du compte prorata sont établis par le gestionnaire après la réception des travaux. La norme (annexe C) prévoit une procédure particulière en plusieurs étapes. Dans un premier temps, le solde et la répartition sont communiqués par le gestionnaire à chaque entreprise dans les 45 jours suivant la réception des travaux, à charge pour chacune de faire ses observations dans les 15 jours qui suivent. Passé ce délai, le solde, sa répartition et les observations reçues sont communiqués dans les 8 jours au comité de contrôle, lequel dispose alors d’un délai de 21 jours pour faire connaître sa décision. Enfin, le gestionnaire émet les factures ou les avoirs au débit ou au crédit de chaque entreprise. Le quitus donné au gestionnaire du compte à l’unanimité des membres du comité de contrôle ne permet plus sa remise en cause par les entreprises (Cour de cassation, 3e ch. civ., 25 novembre 1998, n° 96-22237).

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