Le décret tertiaire, pris sur le fondement de la loi Elan, vise une réduction de la consommation d’énergie finale de 40 % d’ici à 2030, de 50 % d’ici à 2040 et de 60 % d’ici à 2050. Cet objectif est-il atteignable ?
Rien n’est jamais parfait mais je pense que nous avons un vrai consensus sur ce texte. Le sujet a été discuté pendant plus d’un an. Il y a eu des avancées par rapport au premier texte : des catégories de bâtiments ont été définies pour tenir compte des spécificités de chaque secteur d’activité et les délais pour atteindre les objectifs ont été rallongés (la première échéance est fixée à 2030 dans le décret actuel alors qu’elle était à 2020 dans le décret de 2017). Par ailleurs, la durée de la consultation a contribué à faire progresser les esprits. Au fur et à mesure de la discussion, des échanges et des retours d’expérience, les professionnels ont pris conscience que les objectifs définis sont réalistes et qu'ils avaient déjà rempli, pour certains, une partie des objectifs, en ayant réalisé divers travaux. D’autant que l’on va vers des équipements de moins en moins énergivores et que d’ici à 2030, les technologies vont encore progresser.
Combien de bâtiments sont-ils concernés par ce décret ?
On estime que les bâtiments tertiaires publics et privés en France représentent 900 millions de m². Les bâtiments de plus de 1000 m² concernés par le décret tertiaire représentent au moins 60 % du parc. Ils appartiennent à dix typologies différentes : bureaux, bâtiments de service public et des collectivités territoriales, commerces, hôtellerie-restauration, établissements scolaires et locaux d’enseignement, établissements de santé, gares et aérogares, entrepôts logistiques, bâtiments culturels et salles de spectacle et data centers.
En cas de non respect des objectifs, les contrevenants encourent une amende administrative de 1 500 euros maximum pour les personnes physiques et 7 500 euros pour les personnes morales. Ces sanctions allégées par rapport au premier décret ne seront-elles pas un frein à l’application du décret ?
S'il est vrai que le niveau de sanction peut paraître peu incitatif, mettre des sanctions plus importantes aurait a contrario pu bloquer la discussion. On peut espérer, en revanche, que la publication des données de consommation énergétique sur un site internet public ait un effet incitatif important.
Le décret tertiaire a été publié au Journal officiel le 25 juillet et son entrée en vigueur est prévue au au 1er octobre 2019. Mais un arrêté doit encore être publié pour pouvoir être appliqué. Quel sera l’objet de cet arrêté ?
La réduction de la consommation d'énergie imposée par le décret tertiaire peut être calculée par rapport à l’année de référence 2010 ou en valeur absolue. L’arrêté définira le niveau de consommation de référence à atteindre pour chaque catégorie de bâtiments tertiaires. Les exigences seront sans doute plus élevées pour les immeubles de bureaux que pour les bâtiments plus complexes comme les établissements hospitaliers où certains process nécessitent un apport énergétique pour lesquels il ne sera pas toujours possible de réduire les consommations énergétiques. L’arrêté précisera également les conditions de modulation des objectifs (en fonction de l’usage du bâtiment, du coût de sa rénovation, de son aspect patrimonial, etc.). Il fixera les modalités d’ajustement en fonction des variations climatiques et déterminera les conditions d’accès à la plateforme numérique de recueil des données. Au total, plus de dix points assez techniques restent à fixer dans le cadre de cet arrêté.
Pour quand la publication de cet arrêté est-elle prévue ?
Il devrait sortir cet automne. Cela signifie que l’on va pouvoir s’appuyer sur ces textes et commencer à mettre en route la machine à partir de 2020. Il est temps d’arrêter de discuter et de lancer le mouvement !
Comment les propriétaires de surfaces tertiaires seront accompagnées dans leur démarche de rénovation énergétique ?
Si les dispositifs d'accompagnement existent déjà, il y a un réel besoin de simplification administrative, juridique et fiscale pour faciliter l’accès aux financements et mieux mobiliser les fonds mis en place par le gouvernement au travers de ces différents plans, en particulier pour les collectivités locales et les petits propriétaires.
Quel est l’impact du décret tertiaire pour les entreprises du Serce ?
On estime que 3 % du parc tertiaire est rénové chaque année. Quand on sait que les bâtiments représentent 41 % de toute l’énergie consommée, ce rythme est beaucoup trop lent. Le décret tertiaire va permettre de dynamiser la rénovation des bâtiments tertiaires. Gagner entre 1 et 1,5 point de rénovation permettrait de créer 40 000 emplois. C'est un bon point pour la croissance économique et la réduction des des émissions de CO2. Cela va servir la croissance de nos entreprises et leur permettre d’aller toujours plus loin dans l’innovation.