« Le CCAG MOE devrait permettre une exécution plus efficace des marchés de maîtrise d’oeuvre », Benoit Gunslay, juriste, Cnoa

Le tout nouveau CCAG maîtrise d'œuvre, mis en consultation publique jusqu'au 5 février, permettra enfin aux acteurs de disposer d’un document contractuel adapté aux spécificités de la maîtrise d’œuvre. Benoit Gunslay, juriste pour le Conseil national de l'Ordre des architectes, décrypte le contenu du projet. 

Réservé aux abonnés
Benoit Gunslay
Benoit Gunslay, juriste pour le Cnoa, décrypte le tout nouveau projet de CCAG MOE

La grande nouveauté de cette réforme des CCAG est la création d’un nouvel outil spécifique aux marchés de maîtrise d’œuvre. De manière générale, qu'en pensez-vous ?

Au-delà de la consécration de la spécificité de la maîtrise d’œuvre, nous attendions de ce CCAG qu’il facilite la rédaction des pièces administratives du maître d’ouvrage, qu’il porte un esprit partenarial fondé sur la recherche d’équilibres contractuels et qu’il vienne corriger, notamment sur les aspects financiers, certaines difficultés observées ces dernières années lors de l’exécution des marchés de maîtrise d’œuvre. Ces attentes sont globalement au rendez-vous dans ce projet même si nous espérions une déclinaison plus importante des règles propres à la maîtrise d’ouvrage publique et des développements plus conséquents sur la cotraitance.

Ce CCAG emprunte de nombreux processus à ceux offerts aux entreprises de travaux. Cet alignement devrait permettre une exécution plus efficace du marché de maîtrise d’œuvre, à travers une meilleure cohérence avec le déroulement de l’opération et des travaux. Certaines stipulations, dans le champ de l’évolution du marché, de l’interruption des prestations ou de leur terme prématuré, offrent un cadre désormais plus équilibré que la pratique habituelle. Cet équilibrage ne peut que participer à une exécution plus sereine des prestations de maîtrise d’œuvre, au bénéfice de la maîtrise d’ouvrage.

Vous avez participé aux groupes de travail, puis proposé à la DAJ de Bercy votre propre version du CCAG-MOE. Vos remarques et suggestions ont-elles été prises en compte ? 

Nous avons participé à toutes les étapes de la concertation, aussi bien sur la révision du CCAG travaux que sur la création de ce CCAG maîtrise d’œuvre, pour laquelle nous avions proposé en novembre dernier une version intégrale avec nos partenaires de la maîtrise d’œuvre. Certaines propositions ont été reprises dans ce projet, comme l’introduction du BIM dans la structure contractuelle, la valorisation des OS et le dispositif de prix nouveaux associé, les mécanismes de clôture financière ou la suspension des prestations pour évènements extérieurs.

D’autres suggestions ont fait l’objet d’adaptations, c’est par exemple le cas de la clause projetée pour la prise en compte des effets de la prolongation du chantier qui, si elle rejoint l’esprit de notre rédaction initiale, diffère dans le mécanisme proposé.

Une partie d’entre elles enfin n’ont pas été intégrées dans le projet : la déclinaison de certaines règles issues du livre IV de la deuxième partie du Code de la commande publique (modifications de programmes, contrôle des engagements), des clauses complémentaires sur la cotraitance (mécanisme de réexamen permettant de substituer un cotraitant défaillant, possibilité d’un paiement direct du cotraitant en cas d’inaction du mandataire) ou encore l’extension à la maîtrise d’œuvre du dispositif d’ajournement offert aux entreprises de travaux. Il reste une ultime étape de concertation et nous aurons sans doute une dernière occasion de convaincre de la pertinence de ces clauses, qui nous semblent fondamentales pour garantir la complétude de ce CCAG.

L’ensemble des mesures financières, et en particulier le système de décompte général, répond-il aux attentes des architectes ? 

Les mécanismes proposés dans ce projet de CCAG vont dans le sens d’une meilleure efficacité de l’exécution financière du marché de maîtrise d’œuvre et d’une meilleure cohérence avec les réalités économiques du secteur de la maîtrise d’œuvre. L’alignement du régime des paiements avec celui des entreprises de travaux, notamment pour la mensualisation des acomptes et la clôture du marché, devraient faciliter les opérations comptables du maître d’ouvrage, tout comme une meilleure gestion d’affaire pour le maître d’œuvre. Il faudra être attentif aux développements nécessaires du portail public de facturation pour garantir la mise en œuvre concrète de ce nouveau schéma de paiement.

Sur les avances, nous proposions un régime unique, fondé sur un relèvement du taux à 20% visant d’une part à répondre aux besoins de trésorerie des entreprises de maîtrise d’œuvre et d’autre part à mieux prendre en compte la durée longue de ces marchés. La présence d’une deuxième option dans ce projet, revenant à appliquer un minimum réglementaire, risque d’affaiblir l’attractivité de cette option A qui nous semble seule pertinente pour répondre aux enjeux économiques précités.

Les nouveaux CCAG, et notamment le CCAG MOE, font la part belle au développement durable. Qu’en pensez-vous ?

L’approfondissement du volet développement durable dans l’ensemble des CCAG, tout comme le caractère relativement directif des clauses, constituent une très bonne évolution. Il s’agit toutefois de stipulations d’ordre général, dépourvu de force contraignante si elles ne sont pas déclinées dans les documents particuliers du marché. Il appartiendra donc au maître d’ouvrage, tant pour l’insertion sociale que pour les aspects environnementaux, de préciser ses exigences en la matière et de définir les modalités de contrôle et de pénalisation associées.

Le dispositif retenu en matière de propriété intellectuelle est-il satisfaisant pour les architectes ?

Hormis le positionnement peut-être contestable du chapitre dans la structure du CCAG (intercalé entre l’exécution et le constat de l’exécution des prestations), la rédaction proposée apparaît satisfaisante : des clauses adaptées à la maîtrise d’œuvre et conformes au code de la propriété intellectuelle, le principe d’un dispositif unique de concession à titre non exclusif, des obligations claires pour le maître d’ouvrage en cas de réhabilitation ou réutilisation ultérieure de l’ouvrage.

A ce titre, les architectes seront peut-être surpris de lire ce passage qui exclut du droit au respect de leurs œuvres, les altérations ou dénaturations rendues strictement indispensables par des impératifs esthétiques, techniques ou de sécurité publique, légitimés par les nécessités du service public et notamment la destination de l'ouvrage ou son adaptation à des besoins nouveaux. Ces éléments constituent une reprise intégrale de la jurisprudence administrative et il ne semblait pas possible d’aller beaucoup plus loin qu’une obligation claire d’information préalable, à la charge de la maîtrise d’ouvrage.

Il sera possible pour un acheteur public de faire référence à plusieurs CCAG pour un seul marché dans le cadre des marchés globaux. Qu’en pensez-vous ?

Je ne voudrais pas rédiger l’article du CCAP qui dresse la liste récapitulative des dérogations apportées au CCAG ! Plus sérieusement : pour un marché public global de performance (incluant des prestations de maîtrise d’œuvre, des prestations intellectuelles, la réalisation de travaux, la fourniture d’équipements), on pourrait donc théoriquement imaginer faire référence à trois, voire quatre CCAG distincts, en sus des documents particuliers du marché, qui peuvent y déroger.  L’exercice m’apparaît, si ce n’est incommensurable, particulièrement complexe et aventureux pour un acheteur public.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires