« Un basculement », c’est ainsi que Laurent Biagetti, responsable de la carrière de Cemex située à Bouafles (Eure) définit le rapport au recyclage du béton des professionnels des carrières. « Auparavant, c’était un produit de rebut, aujourd’hui il prend une certaine valeur », estime-t-il, et s’il est encore possible de se procurer des gravats gracieusement, « c'est en train de changer ». « Recyler le béton est l'objectif partagé par toute la profession, mais nous n'en sommes qu'aux prémices », indique Louis Natter, président de l’association dédiée à la RSE de la fédération des industries d’extraction, Unicem-Entreprises engagées.
Deux types de graves recyclées
A Bouafles, qui couvre 200 ha répartis sur deux sites, on traite près d’un million de mètres cubes par an, dont 15 % de produits recyclés. « Tous les bétons concassés que nous fabriquons ici sont issus de gravats », explique Laurent Biagetti.
La carrière produit des graves de deux dimensions, du 0/31,5 et du 40/80 et parfois un mélange des deux, qui servent à remblayer des tranchées de canalisations ou à réaliser des fonds de forme, surface sur laquelle sera mise en place la fondation de la chaussée.
Utiliser ses propres rejets
A la centrale à béton Eqiom de Cléon (Seine-Maritime), les équipes viennent de se lancer dans le béton recyclé. « Notre objectif est de produire 2000 à 3000 m3 de béton recyclé sur un total de 25 000 m3 par an », explique Maxime Bichon, responsable de l’agence Normandie d’Eqiom. Pour ses granulats recyclés, la centrale utilise ses propres retours – ce qui reste dans la toupie après livraison – concassés et recriblés de manière à redevenir exploitables. « C’est une économie de ressources naturelles et une économie tout court », met en avant Louis Natter. C’est aussi un moyen pour les professionnels de valoriser leurs installations : en intégrant le recyclage du béton, le site Eqiom de Cléon atteindra le niveau « exemplarité », le plus élevé du label RSE.
Equation délicate
Mais le chemin vers un recyclage généralisé du béton est encore rocailleux : la première difficulté consiste à trouver un gisement de gravats suffisamment proche pour que l’équation reste équilibrée sur le plan économique comme du point de vue environnemental. De plus, « les équipements ne sont pas tout à fait identiques, les clients ne sont pas toujours favorables à utiliser ce type de béton et il faut que les assureurs jouent le jeu », liste Maxime Bichon.