Dans cette affaire, un couple propriétaire d'une parcelle située dans un emplacement réservé par le POS pour y implanter des espaces verts a mis en demeure la commune de l'acquérir en application de la procédure de délaissement - prévue par l'article L. 123-9 du Code de l'urbanisme. En 1982, un jugement ordonne le transfert de propriété de la parcelle destinée à l'implantation d'espaces verts à la commune et le prix d'acquisition est fixé un an plus tard.
En 2008, la parcelle est revendue - au prix du terrain à bâtir - et fait l'objet d'un permis de construire en 2011. Les anciens propriétaires privés de la plus-value née de la revente de la parcelle assignent alors la commune en paiement de dommages et intérêts.
La commune doit toujours respecter l'affectation de l'emplacement réservé
Pour rappel, un "emplacement réservé", prévu par le PLU, est quadrillé en bleu sur la carte du PLU et doit être cédé à la collectivité si son propriétaire décide de le vendre. Quant à la collectivité, elle est tenue par la destination prévue pour l’emplacement et ne peut l’utiliser à des fins différentes tant qu’aucune modification du document d'urbanisme n’est intervenue.
Ici, les juges d’appel donnent gain de cause aux anciens propriétaires en retenant que cette interdiction de détournement de la procédure vaut quel que soit le temps écoulé entre l'achat du terrain et sa revente.
La commune forme alors un pourvoi en cassation. Elle allègue qu'en ayant affecté ce bien durant 25 ans à l'usage prévu, elle avait rempli ses obligations. Peu importe qu'elle ait ensuite modifié son classement administratif pour le déclarer comme terrain à bâtir et le revendre à un particulier 43 fois plus cher qu'elle ne l'avait acheté...
La Haute juridiction confirme la décision rendue en appel. Elle énonce en effet que quel que soit le délai écoulé, cette opération spéculative de la commune a porté atteinte au droit au respect des biens de l'ancien propriétaire, droit garanti par la Convention européenne des droits de l'homme condamnant ainsi la commune à reverser à l'ancien propriétaire la plus grande partie du prix de revente en terrain à bâtir.
Cass. civ. 3e, 10 juin 2021, n° 19-25037, publié au Bulletin