La réception tacite ne figure pas à l’article 1792-6 du Code civil, qui évoque la réception expresse ou judiciaire, mais elle a été admise de longue date par la jurisprudence. Malgré son ancienneté, il apparaît nécessaire à la Haute juridiction d’en rappeler régulièrement les critères.
En l’espèce, deux propriétaires vendent une maison à un couple d’acquéreurs. Celle-ci avait été édifiée en 2006 par un constructeur, placé depuis en liquidation judiciaire. Les acquéreurs allèguent l’apparition de fissures affectant des murs de soutènement et relèvent des anomalies affectant la toiture. En novembre 2016, ils assignent les vendeurs en référé-expertise, puis au fond en 2018 afin d’obtenir une indemnisation. Le litige se cristallise autour d’une question : l’ouvrage avait-il été tacitement réceptionné ? Car dans l’affirmative, cela aurait déclenché le délai de garantie décennale.
Exigence d’une volonté non équivoque
Pour rappel, celui qui invoque l'existence d’une tacite réception doit en apporter la preuve. Doivent être pour cela établis le caractère contradictoire de la réception mais également la volonté non équivoque du maître d'ouvrage de recevoir les travaux.
Ici, les juges d’appel fixent la réception tacite au 3 avril 2006, date à laquelle les vendeurs ont emménagé dans l’immeuble. Ils déboutent ainsi les acheteurs de leur demande indemnitaire en considérant que les vendeurs « avaient effectivement pris possession de l'ouvrage avant le 21 mai 2007, date de la déclaration d'achèvement des travaux retenue par l'expert judiciaire comme date de réception, et qu'aucun autre élément ne permettant de conclure que l'immeuble n'était pas en état d'être réceptionné le 3 avril 2006, […] il y a lieu de fixer la date de la réception tacite, sans réserve, au 3 avril 2006. ».
La réception tacite écartée
Saisie par les acquéreurs, la Haute juridiction censure cette décision au visa de l’article 1792-6 du Code civil et considère « que la seule prise de possession n’établit pas la volonté tacite du maître de l’ouvrage de réceptionner les travaux ».
La Haute juridiction s’inscrit ici dans le fil de sa jurisprudence constante. En septembre 2012 par exemple, elle avait relevé que le maître d’ouvrage, qui s’il a pris possession de l’ouvrage, n’a jamais réglé le solde des travaux et a manifesté son refus de les réceptionner en introduisant une procédure de référé-expertise illustre ainsi son absence manifeste de volonté non équivoque de recevoir les travaux (Cass. 3e civ. , 12 septembre 2012, n° 09-71189).