Un rêve d'urbaniste ! Un espace vide de 23 hectares en plein centre-ville, à 100 mètres du beffroi de la mairie de Lille. Après un long bras de fer avec la SNCF, propriétaire du site, les collectivités ont réussi à acquérir la friche Saint-Sauveur. Une première partie par la Ville de Lille en 2009. Les 13 hectares restants par la Métropole européenne de Lille (MEL) pour 7,8 millions d'euros. Une belle affaire rendue possible par la loi Duflot de 2013 permettant de décoter un terrain par rapport à l'évaluation des Domaines, à condition d'y construire des logements sociaux. La Mairie de Lille n'avait toutefois pas attendu cette issue heureuse pour lancer un dialogue compétitif entre urbanistes. Choisi en 2013, le plan-guide du cabinet danois Gehl est conforme aux attentes de la mairie : un quartier vivant faisant la part belle à l'habitat avec 200 000 m2 de logements mixtes. Répartis en îlots fermés - qualifiés de « nordiques » -, ces immeubles de R + 3 à R + 6 disposeront d'une qualités urbaines (silence, lieux de sociabilité, jardins partagés ou privatifs) susceptibles d'attirer les familles, population qui tend actuellement à quitter les centres-villes. Dans le prolongement de la gare Saint-Sauveur, équipement culturel à succès depuis son ouverture en mars 2009, l'équipe Gehl imagine un mail bordé de commerces, de lieux créatifs, festifs ou sportifs…
L'arrivée du bassin implique une nouvelle concertation publique.
Une surprise de haut niveau. Les premiers chantiers auraient dû débuter en 2017. Las, le changement d'exécutif métropolitain (Martine Aubry, maire de Lille, est remplacée en 2014 par Damien Castelain, soutenu par les communes environnantes), ainsi que la nécessite d'aménager en priorité le quartier de Fives, situé à quelques encablures de Saint-Sauveur (lire p. 7),ont retardé les premiers coups de pioche. Jusqu'à cette décision surprise en décembre dernier des élus de la métropole lilloise pour la construction d'une piscine olympique à l'extrémité orientale du futur quartier. Dépourvue de bassin homologué pour les compétitions internationales (le concepteur de la précédente, en passe d'être démolie, avait oublié d'intégrer l'épaisseur du revêtement dans ses calculs pour atteindre les fameux 50 mètres de longueur !), la MEL veut promouvoir le sport de haut niveau. Avec cet équipement susceptible de faire rayonner la métropole, la Ville de Lille conforte, elle, sa place de capitale.
Non prévu à l'origine, ce chantier évalué entre 35 et 50 millions d'euros sur 10 000 m2 implique quelques aménagements sur lesquels planche actuellement la SPL Euralille, mandatée par la MEL et la Ville de Lille pour les études pré-opérationnelles. Et pose quelques questions : quid du jardin de la vallée, espace de biodiversité (1,5 hectare) imaginé par Gehl ? La piscine devrait ouvrir sur cet espace vert qui sera donc maintenu. Autour du bassin de 50 mètres, y aura-t-il des équipements plus ludiques : pataugeoire, petit bassin, spa, jacuzzi ? Dans un quartier destiné à devenir familial et attractif, difficile d'imaginer le contraire. Mais la décision n'est pas tranchée.
Le grand défi de l'accessibilité au site. Dans un secteur déjà très embouteillé, comment éviter la thrombose ? « Le site est à 400 m de deux stations de métro. Nous redimensionnons actuellement les rues pour rendre les itinéraires piétons agréables et sûrs », explique Romain Champy, directeur des projets à la SPL Euralille, qui n'exclut pas le gel d'un îlot pour créer un parking-silo mutualisé. Des interrogations qui affleureront, lors de la nouvelle concertation publique rendue nécessaire par cette arrivée inattendue. La précédente, menée de façon ludique et interactive, s'était soldée par un vrai succès de démocratie participative. Il serait dommage qu'elle n'ait servi à rien.
