Vous livrez, dans quelques mois, votre première opération dans la métropole. Comment envisagez-vous votre déploiement à Bordeaux ?
Nous sommes implantés à Bordeaux depuis 3 ans avec Novecento, une opération en pierre de taille avec des logements à grande valeur d’usage, conçus par l’Atelier Cambium. Nous avons par ailleurs remporté, en fin d’année dernière, une opération au sein de la ZAC Cœur(s) de Gradignan, menée par La Fab, en copromotion avec Quartus [cf. encadré ci-après, NDLR] pour laquelle un permis de construire sera déposé cette année. Notre stratégie était d’avoir une vitrine avant de se développer, c’est ce que nous ferons avec Le Bouscat. Nous nous sommes d’ores et déjà rapprochés de l’EPA Bordeaux Euratlantique en échangeant sur des sujets de prix maîtrisés, d’innovation constructive… Nous nous intéressons aux consultations à venir.
Est-il encore nécessaire de travailler sur l’acceptabilité de la pierre ?
Les caractéristiques architecturales et élégantes de la pierre sont acquises, mais elle reste considérée comme un marché de niche. La pierre renvoie aux monuments historiques ou à l’architecture classique et néoclassique. La filière travaille sur la vulgarisation de l’emploi de la pierre de taille, montre qu’il y a une multitude d’architectures possibles… Et surtout, met en avant ses qualités, que l’on connaît moins : c’est un matériau local, bas carbone, qui apporte de l’inertie et ne nécessite pas de ravalement pendant 20 à 30 ans. Nous travaillons aujourd’hui sur la technique du bâtiment, le confort d’été, les hauteurs…
C’est un matériau local, bas carbone, qui apporte de l’inertie et ne nécessite pas de ravalement pendant 20 à 30 ans.
En quoi ce matériau suscite l’intérêt de la part des acteurs de la construction et des aménageurs ?
Il est entendu que l’aménagement du territoire doit se faire par l’alliance des matériaux sans les opposer. Nous sommes inscrits dans cette voie. Il y a beaucoup d’expertises et des bureaux d’études qui ont travaillé autour de ces matériaux bio et géosourcés biosourcés et nouveaux modes constructifs ; nous nous basons là-dessus pour devancer la réglementation environnementale, réduire les charges et assurer le confort thermique. La pierre se positionne par exemple très bien par rapport au critère degré-heure de la RE2020.
Un travail renforcé par vos réalisations et projets d’association de la pierre avec d’autres matériaux comme le chanvre ou la paille...
Nous avons, effectivement, noué, en 2022, un partenariat avec Mathis Construction Bois avec une ambition claire : travailler la mixité des matériaux bois et pierre. Nous avons un premier sujet à Orsay, piloté par l’EPA Paris-Saclay : bois et pierre au sein du même immeuble. Un autre sujet à Bussy avec l’EPAmarne pour lequel nous misons sur l’économie circulaire. Nous sommes convaincus de l’utilisation de la pierre massive de 23 cm en tant qu’enveloppe qui va protéger le logement. Ensuite, le bois en structure, en poteaux-poutres et refends, est intéressant car il permettra de travailler la réversibilité et apporte une plus grande souplesse dans les usages intérieurs.
Cette même démarche est engagée avec d’autres matériaux ?
Depuis trois ans, nous avons lancé la Façonnerie, notre cellule de R&D, au moment où la réglementation environnementale n’en était qu’à ses balbutiements. Il fallait comprendre ses contours et s’attaquer de front à la conception bioclimatique. L’un de ses premiers travaux portait sur le complexe isolant à adjoindre à la pierre de taille massive en veillant à ne pas générer un point de rosée, qui peut être l’objet de sinistres ultérieurement. Nous avons donc testé du chanvre, du béton de chanvre, ainsi que d’autres matériaux biosourcés pour mesurer la performance thermique atteinte par ces alliances. L’isolant doit interagir avec les caractéristiques hygrothermiques de la pierre. Nous avons été accompagnés par des experts en environnement, études thermiques, fluides, etc. Nous avons réalisé des opérations à petite échelle en instrumentant les bâtiments afin de collecter de la data. Nous travaillons même en « open data ». Ces techniques répondent toujours au DTU, mais nous les testons en fonction de l’orientation, de l’humidité dans l’air…
En quoi l’acquisition de 10 % des parts de Rocamat va contribuer à renforcer votre présence sur le territoire ?
La crédibilité des acteurs de la construction pierre va complètement changer.
Jusqu’à l’an dernier – l’acquisition a été formalisée en septembre 2023 - nous étions liés à la carrière Violet dans l’Oise, dans les Hauts-de-France. Aujourd’hui, nous avons accès à 32 carrières sur tout le territoire.Nous en aurons toujours une à moins de 200 km des chantiers ; nous pourrons ainsi connecter tout le territoire au gisement pierre. Nous ne sommes plus limités à la disponibilité de la ressource. Et pour la filière, avoir la chance d’accueillir Polycor - qui détient Rocamat à 90 % - sur le territoire français, c’est aussi bénéficier de ses travaux de R&D, de son expérience en Amérique du Nord… C’est un changement d’échelle pour la filière pierre avec la possibilité d’industrialiser. Il s’agit également d’être plus compétitif pour produire un héritage que nous allons transmettre aux générations futures. La crédibilité des acteurs de la construction pierre va complètement changer.
Ilots C1 et C2 de la ZAC Cœur(s) de Gradignan
Projet pour les îlots C1 et C2 de la ZAC Cœur(s) de Gradignan (Gironde) © Quartus/Verrecchia/Domofrance/Data/Nadau:Leydier
Fin décembre 2023, le groupement mené par le promoteur Quartus, le groupe Verrecchia et le bailleur Domofrance, associés aux architectes des agences Data et Nadau et à la paysagiste Vanessa Leydier, a été désigné lauréat pour la réalisation des îlots C1 et C2 de la ZAC Cœur(s) de Gradignan, aménagée par La Fab. L’opération porte sur la réalisation de 150 logements pour une surface de plancher d’environ 11 250 m2. Son écriture architecturale se veut sobre et locale avec des toitures en pentes en tuiles et des pierres porteuses en façades. Le groupement a prévu de dédier une part importante de son budget travaux au réemploi de matériaux (6 %), pour des prescriptions de l’aménageur qui s’élèvent à 5 %. La programmation prévoit 30 % de logements locatifs sociaux et 28 % de logements en accession aidée sous forme de bail réel solidaire (BRS) et 42 % de logements à l’accession libre, avec 75 % d’acquéreurs qui doivent être propriétaires occupants. Le dépôt de permis de construire est prévu dans l’année et le démarrage des travaux courant 2025.