La Défense : ce que veulent les utilisateurs et les investisseurs

S’il veut rester attractif, le territoire de La Défense doit passer de quartier d’affaires, frappé par un taux de vacance historique (14,1 % au T3 2021), à quartier mixte, ouvert sur la ville.

Réservé aux abonnés
Au T3 2021, La Défense affiche un taux de vacance historique de plus de 14%.
La Défense affiche un taux de vacance historique de 14,1 %.

Son taux de vacance est passé de moins de 5 % avant la pandémie à 14,1 % au troisième trimestre 2021, selon l’établissement public qui le pilote.

Cinq décennies après la livraison des premières tours, le quartier d’affaires de La Défense doit faire le grand saut dans le XXIe siècle pour se relever durablement, ont convenu la centaine d’acteurs immobiliers dont des bailleurs et utilisateurs de ses immeubles, réunis le 18 novembre au Paris La Défense Arena, à l’initiative de l’association Urban Land Institute (ULI).

D’où la nécessité d’attirer les actifs de demain, en premier lieu la génération Z. « Ces jeunes de moins de 25 ans ont récemment fait leur entrée au bureau après la période de télétravail [contrainte], témoigne Tamara Brisk, fondatrice de l’entreprise de recyclage Mokki Space, au service des occupants de plusieurs tours. Ce sont de vrais ovnis. Ils sont prêts à s’assoir sur 20 % de leur salaire pour travailler dans une entreprise en accord avec leurs valeurs. Pour eux, le bureau est comme un produit de consommation. Or, c’est par la consommation qu’ils expriment leurs idées. La question consiste à savoir s’ils vont bouder le quartier car ils ne le jugent pas responsable. »

Plus de mobilités douces

En termes d’éco-responsabilité, il y a du retard sur les mobilités douces. « Le quartier a été conçu pour s’y rendre en transports en commun et en voiture, pas à pied ni à vélo », tacle François Trausch, directeur général d’Allianz Real Estate. Dans son viseur, notamment : le Pont de Neuilly jugé « inhospitalier ».

C’est oublier les 6 km de « coronapistes », utilisées par quelques milliers de cyclistes par jour selon Paris La Défense. Une goutte d’eau, il est vrai, comparée aux 180 000 salariés du quartier. « Ces pistes cyclables continues et protégées vont être pérennisées. Le quartier reste une dalle au-dessus de 10 mètres du sol naturel mais on peut s’y rendre à vélo sans poser le pied par terre. A condition qu’il n’y ait pas de feu rouge », sourit Pierre-Yves Guice, directeur général de l’établissement public local.

Pour désengorger la gare et réduire la place de la voiture, l’inspiration pourrait venir de Londres. Le trajet en bateau dure sept minutes entre ses deux quartiers d’affaires : l’historique City et Canary Wharf dont les « gardens » donnent sur la Tamise. « Pourquoi ne pas desservir La Défense par la Seine ? » questionne François Trausch, d’Allianz Real Estate.

Améliorer le parcours des usagers

Un autre défi majeur concerne la réhabilitation des espaces sous-utilisés, parkings en tête. Alors que se profile une baisse de l’usage de la voiture, leur mutation se fera, à partir de l’an prochain, avec un nouveau délégataire de service public : Q-Park. Parmi les objectifs : simplifier le repérage des usagers qui ont tendance à s’égarer dans les 14 parkings du quartier.

En matière de nouveaux usages, le contrat sur huit ans prévoit de passer de 200 à au moins 500 bornes de recharge électrique et de 500 à au moins 800 stationnements pour vélos. Une piste reconversion est également envisagée avec la logistique du dernier kilomètre. Bonne idée, surtout si La Défense se met à gagner des habitants.

Plus de place au végétal

Concernant la végétalisation, l’attente des investisseurs et utilisateurs semble encore plus forte. Isabelle Clerc, directrice de l’immobilier de placement chez AG2R La Mondiale, imagine un quartier plus vert qui donnerait « envie » aux familles franciliennes de « se balader le week-end ».

Pour Katayoune Panahi, directrice de SNCF immobilier, il y a urgence à végétaliser La Défense. Car en l’état, ce quartier trop minéral plombe la promesse d’une « densité relationnelle » avec davantage de logements. En cause, « le manque d’aspect humain » du territoire, en particulier de l’axe piéton principal, quasi exclusivement de passage.

Paris La Défense assure avoir reçu le message. Les travaux en cours sur la place de la Défense, entre Westfield Les 4 Temps et la statue Calder (l’araignée rouge), visent notamment à élargir la pelouse existante pour un investissement total de 20 M€ HT. La livraison est prévue en 2023.

L’établissement prévoit en outre de « verdir la partie basse de l’esplanade, soit 7 ha, pour en faire en parc urbain », annonce son DG. « Nous voulons transformer cet îlot de chaleur en prise au vent en un espace public qui donne l’impression d’un environnement plus apaisé, propice aux rencontres, aux jeux, à la lecture », résume Pierre-Yves Guice. En renfort des 450 platanes existants, des végétaux « robustes » seront plantés sur dalle, au-dessus des parkings, routes et voies ferrées, entre 2023 et 2026. Confié au paysagiste Michel Desvigne, le projet affiche un investissement prévisionnel de 30 M€ HT.

Outre la vente du foncier, ces fonds sont issus du plan d’investissement voté à la création de l’établissement en 2018 : 360 M€ sur dix ans fléchés, entre autres, sur la modernisation du quartier.

Plus de mixité

Tous les acteurs présents en conviennent : La Défense ne rebondira que si la mixité des usages structure les futurs projets. Cela tombe bien. Début 2022, un appel à projets public-privé visera « trois à cinq emprises foncières comme des délaissés routiers et des zones artificialisées », annonce Pierre-Yves Guice. Ces terrains sont susceptibles d’accueillir commerçants et habitants qui animent le quartier plutôt que d’énièmes cols blancs, dont la semaine est ponctuée de deux jours travaillés.

« L’investisseur préfère le bureau car c’est plus facile à gérer, donc nous allons forcer le sens de l’histoire, en imposant des règles du jeu sur la mixité » avec des doses de commerce et de résidentiel à respecter, explique le DG de Paris La Défense.

Les immeubles obsolètes n’échapperont pas à l’inventaire. Courant 2022, des « Etats généraux de la reconversion » de bâtiments mis hors du marché devront déboucher sur une coopération public-privé pour attirer de nouveaux publics.

« Sans renier les tours », François Trausch suggère d’amener des universités et résidences étudiantes en s’inspirant des « campus verticaux comme au Japon et à Madrid », en référence à la « torre Caleido » de 181 mètres livrée cette année. A l’intérieur, la mixité est de rigueur : clinique, cinéma, supermarché, restaurants… « Il n’y a rien de mieux que des étudiants pour animer un quartier », insiste le dirigeant, avant d’inviter les institutionnels à « s’emparer de ces futurs bâtiments de logements à louer aux jeunes actifs ».

Grégory Frapet, président du gestionnaire Primonial REIM, est sur la même longueur d’onde : « Le résidentiel géré permet de réconcilier la demande des jeunes urbains souhaitant se rapprocher de leur employeur, des commerces et des restaurants qui se convertissent en afterworks. »

La diversité des profils pourrait également se manifester au sein des entreprises installées. Ainsi Grégory Frapet s’attend à voir arriver prochainement des PME en quête d’horizontalité et des hôteliers, dont « l’appétit » est actuellement contrarié par « la contrainte publique » en matière de mixité des usages. En témoignent ses difficultés à « faire converger les règles d’hygiène du tertiaire, du résidentiel et de l’hôtellerie dans le socle de conception, capable d’évoluer dans le temps » au nom de « la réversibilité des actifs à produire ».

Car s’il veut résister aux prochaines crises, le quartier doit travailler sur « l’hybridation des espaces, en pensant la réversibilité de bâtiments tertiaires qui pourraient se transformer facilement en logements », imagine Katayoune Panahi, de SNCF immobilier.

Abonnés
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !