La « crise du logement » met (presque) d'accord Emmanuelle Wargon et Ian Brossat

Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement, et Ian Brossat, directeur de campagne du candidat communiste à la présidentielle Fabien Roussel, s'accordent sur « la bataille culturelle » à mener auprès des élus et promoteurs pour doper la production de logements, en particulier sociaux.

Réservé aux abonnés
Travaux construction conjoncture logement grue Asnières octobre 2021
Travaux construction conjoncture logement grue Asnières octobre 2021

Ils avancent le même argument pour faire face au manque de logements sociaux en France. Emmanuelle Wargon, ministre déléguée du Logement, et Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris chargé du logement et directeur de campagne du candidat communiste à la présidentielle Fabien Roussel, ont tous deux mis en avant « la bataille culturelle » à mener auprès des élus, à l’occasion d’un débat sur la « crise du logement » organisé par l’Humanité au Pavillon de l’Arsenal à Paris (IVe) le 14 février.

« Accueillir du logement social dans sa commune, cela reste une bataille culturelle », constate la ministre, un an et demi après sa nomination. Une référence, notamment, aux mairies les moins motivées parmi les 2 111 communes concernées par la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU). « Le besoin de financement n’est pas la seule question (pour construire des logements sociaux, NDLR). Il y a aussi la bataille culturelle », souligne de son côté Ian Brossat.

Zemmour les rassemble

La récente déclaration d’Eric Zemmour, assurant que les HLM étaient des « terres d'islamisation de notre pays », prouve que le combat est loin d’être gagné selon le communiste : « Les seuls propos audibles sur le logement de cette campagne présidentielle, ce sont des insanités sur la loi SRU. Or, c’est une grande loi de progrès social de ces trente dernières années qui a changé le visage des villes. Pour rappel, les personnes logées dans le parc social ont tenu le pays à bout de bras pendant le confinement, alors qu’ils sont souvent payés au lance-pierre. »

Emmanuelle Wargon abonde : « Quand on écoute Eric Zemmour, c’est scandaleux. Il assimile logement social et islamisme. La loi SRU est une grande loi. Ma fierté au ministère, c’est d’avoir contribué à la rendre permanente. » Contexte : la loi 3DS (pour différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification de l’action publique locale) vient d’acter la prolongation de la loi SRU au-delà de 2025.

Désaccords sur le financement

En revanche, sur le financement des opérations, les désaccords persistent. En cause, notamment, la réduction de loyer de solidarité (RLS), en symétrie de la baisse des APL actée en début de mandat.

Regrettant les 20 000 agréments manquants en 2021 pour atteindre son objectif de relance de 125 000 par an, la ministre assure que « ce n’est pas le montant des aides qui bloque mais la volonté politique et l’accès au foncier ». Et de reconnaître : « la RLS a pesé sur les finances des bailleurs sociaux ».

Delphine Valentin, directrice générale du bailleur social IDF Habitat, également conviée par l’Humanité, complète : « La baisse du financement n’est pas la seule responsable de la baisse de construction mais elle ne nous permet de produire abordable et met en danger la maintenance de notre patrimoine à venir. Les bailleurs ont besoin d’être aidés par l’Etat. L’autofinancement est insuffisant pour produire moins cher et rénover. »

Selon elle, la RLS représente en moyenne un effort de 50 € par mois par foyer, sur les 12 000 logements de son parc, soit 3 à 4 M€ par an. « Autrement dit, on nous prive de 10 à 20% de notre possibilité de produire et de réhabiliter l’équivalent de 100 logements », illustre-t-elle.

De son côté, Ian Brossat insiste sur la nécessité de « mettre un fric monstrueux » pour obtenir des résultats. Exemple à Paris : « Nous sommes passés de 13 % de logements sociaux au début des années 2000 à 24 %, car nous avons investi près de 500M€ par an. Aujourd’hui nous avons un habitant sur quatre dont le loyer ne dépend pas du marché. »

« Egoïsme social vert »

La « bataille culturelle » doit aussi se mener hors du parc HLM. Dans le viseur de Ian Brossat : « l’égoïsme social vert ». Autrement dit, les écologistes, dont il est allié à la mairie de la capitale. « La construction de logements est devenue compliquée, sous le prétexte de l’environnement. Il est indispensable de continuer à construire même dans les villes très denses où l’on manque de foncier comme Paris », explique-t-il.

Pour Emmanuelle Wargon, « la bataille culturelle » au sein du parc privé « se gagne par la qualité ». Son référentiel qualité, qui impose de nouvelles règles aux investisseurs locatifs, doit donner le "la" aux promoteurs, en première ligne. La ministre espère ainsi mettre fin aux « appartements compactes, les plus petits possibles ».

Sur ce point, l’inspiration pourrait venir du monde HLM. « Les logements sociaux sont parfois de meilleure qualité que ceux des promoteurs dans le privé car les bailleurs, dans une stratégie long terme, ont intérêt à ce que les logements soient durables », souligne Ian Brossat.

Près de 2,5 millions de permis de construire ont été délivrés sous le quinquennat Macron, contre 2,1 sous Hollande, « malgré l’arrêt des chantiers et des permis à cause de la pandémie », rappelle Emmanuelle Wargon, pour qui le défi des cinq prochaines années sera de stimuler « les constructions collectives et mixtes dans des zones tendues comme les métropoles ». Tout un programme, sur lequel la majorité présidentielle est en train de plancher. En attendant la déclaration officielle de son candidat...

Abonnés
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires