L’émergence des acteurs chinois de BTP s’inscrit d’ores et déjà comme une tendance de fond majeure qui alimente la croissance des pays en voie de développement.
Avec croissance moyenne de 29% par an, le secteur de la construction en Chine est considéré aujourd’hui comme l’un des 5 piliers qui refaçonneront le monde du commerce des années à venir, associé à la course aux matières premières, l’émergence de conglomérats diversifiés globaux, la construction de marques globales pour les consommateurs, et la construction de partenariats pertinents et viables, constate Alcimed.
D'ici 2020, la Chine sera le premier marché mondial de la construction, avec une part de 19,1 % du total selon les cabinets britanniques Global Construction Perspectives et Oxford Economics. Cette émergence est d’ailleurs confirmée par le classement de référence des constructeurs « Top 225 global contractors » du magazine Engineering News Record qui place les groupes publics chinois aux 1ère, 3ème et 5ème places (1). Le numéro 2 étant un acteur chinois privé, le n°4 Vinci, et le n°6 Bouygues.
Cette réussite que le cabinet de conseils qualifie d’insolente serait en partie due à la politique d’investissement massive de la Banque Centrale Chinoise (BCC) qui n’a cessé depuis des années et jusqu’à l’arrêt progressif il y a quelques mois d’injecter des quantités impressionnantes de liquidités dans le système chinois de construction. Cette baisse de soutien jusqu’à l’arrêt total est justifiée par le passage à un nouveau système économique qui place la demande intérieure comme moteur de la croissance. L’objectif est de faire passer la Chine d’une économie tirée par l’export et les infrastructures à une économie de consommation équilibrée axée sur la demande.
Néanmoins, ceci n’est aujourd’hui possible qu’en raison de l’ancienne politique ayant construit le très solide passif chinois du secteur de la construction. Le développement de gros projets à l’intérieur du pays a offert aux hommes une formation sur mesure. La Chine a entre autres, fait construire 6 500 km de voies ferrées à grande vitesse sur son territoire ou encore le pont de la baie de Hangzhou qui détient le record du monde de longueur au-dessus de la mer.
Implication du gouvernement
Parallèlement à l’aide de la BCC, l’Etat joue un rôle important. Ne se contentant pas d’être un facilitateur d’affaires, en tant qu’assureur ou appui diplomatique en Afrique, Asie du Sud-Est, Moyen-Orient d’où 90% des bons de commande sont issus, il fournit des prêts intéressants à des pays amis afin qu’ils commandent des chantiers de développement aux géants chinois du bâtiment. Ce travail a été entrepris principalement par des entreprises publiques chinoises, mais la participation du secteur privé et concurrentiel d'appel d'offres dans des projets à l’étranger a également été encouragée.
Au cours de la dernière décennie, le SAFE (State Administration of Foreign Exchange), le régulateur des changes, et le MOFCOM (Ministry of Commerce), le ministère du commerce, ont progressivement assoupli les contrôles de capitaux et légiféré pour permettre aux entrepreneurs chinois un accès plus facile aux marchés des changes et des capitaux. D'autres organismes gouvernementaux ont soutenu la démarche du SAFE pour faciliter le financement des filiales en dehors du territoire national. Depuis fin 2008, les entrepreneurs chinois ont eu accès à des prêts bancaires commerciaux nationaux pour les fusions transfrontalières et, depuis 2009, pour les acquisitions. Les entreprises chinoises pourraient même bientôt émettre des obligations libellées en dollars en Chine pour la première fois.
La politique publique, le faible coût du travail, ainsi que leur intégration verticale sont autant d'éléments qui expliquent, selon Alcimed, cette montée en puissance des groupes chinois.
Accès des entreprises chinoises aux marchés publics européens
Outre de répondre au gigantesque marché intérieur, le gouvernement n’entend pas abandonner la construction hors des frontières chinoises. Les groupes de BTP se penchent vers les pays matures pour équilibrer leur portefeuille. Si l’intérêt de ces derniers pour l'Afrique ou la Russie est connu, ils sont encore peu présents dans l'Union Européenne, à l’exception de la Pologne, premier marché d'Europe de l'Est.
Dans le même temps, alors que plusieurs projets communs sont en cours, les groupe de BTP européens s'inquiètent assez légitimement de l'accès des entreprises chinoises aux marchés publics européens dans des conditions qu'ils estiment intenables pour des groupes de l'UE. L’exemple d’un prêt de 825 M€ accordé par la Banque européenne d'investissement au Fonds national des routes polonais en témoigne. Deux des cinq lots de ce tronçon d'autoroute furent attribués à un consortium conduit par China Overseas Engineering Group, proposant des prix inférieurs de près de moitié aux montants prévus par les autorités. D'où une vive émotion chez les constructeurs européens, qui se demandent notamment si l'utilisation des subventions et prêts de l'UE garantit effectivement le respect de procédures équitables et transparentes avec le droit européen.
En conclusion, Alcimed estime que ces acteurs Chinois marqueront à long terme le monde du commerce de demain, mais s’interroge sur la route qu’ils se construiront pour y parvenir.
(1) Les occidentaux restent néanmoins seuls propriétaires des premières places tant que l’on ne considère que le chiffre d'affaires international, réalisé hors du marché domestique. Hochtief reste leader (27 milliards de dollars), suivi de Vinci (16 milliards) et Bouygues se classe quatrième derrière l'acteur parapétrolier américain Bechtel. Le premier Chinois ne se trouve qu'en 11eme position.