Par son caractère qualité de volatil, le marché du bois depuis la crise sanitaire, a provoqué des sueurs froides aux distributeurs, entre pénuries et hausses des prix, suivies d’une déflation.
La structure spécifique de la filière, avec la présence d’acteurs de tailles plus modestes que dans d’autres secteurs, la dépendance à la ressource naturelle, sans compter la sensibilité à l’environnement international, ont transformé le marché en montagnes russes. « Pendant la période Covid-19, l’inflation a été colossale, se souvient Baptiste Puthet, directeur d’activités du groupe Samse en charge du bois-panneaux, et membre du comité de direction de Fibopan. Avant la crise sanitaire, le mètre cube de l’OSB se vendait aux alentours de 270 €, avant de passer à 900 €, puis, après cette période, de redescendre à 250 € ! » Selon la société d’assurance-crédit Coface, la reprise de 2021 a entraîné une « explosion de la demande de bois, menaçant le secteur d’une pénurie. Cela a conduit à une hausse sans précédent des prix (+ 377 % en mai 2021 sur un an), avant de finalement se stabiliser en fin d’année 2021 et en 2022».
De façon générale, la stabilisation constatée en 2023 est intervenue après une période de déflation, alors que certains distributeurs avaient stratégiquement renforcé leurs stocks. Là encore, il convient d’apporter quelques précisions. « La baisse des prix a duré de fin 2022 à fin 2023, mais cela n’a pas été violent, du jour au lendemain, précise Christophe Chausson, directeur opérationnel de Nebopan. Cela a surtout concerné des résineux, des bois de charpente, des bois du Nord pour les lames de terrasses et le bois de structure. Nous ne l’avions pas vraiment vu venir, en raison d’un manque de demande au niveau international. Résultat, nous avons dû ensuite rectifier les prix des stocks en vendant à des marges plus basses. » Et de souligner que le segment de l’agencement s’est bien comporté en 2023, notamment en Ile-de-France, dans l’hôtellerie-restauration, les salons, le retail et les bureaux.
Stocker ou moins stocker ?
Pour subir le moins possible l’effet yoyo de la demande, des volumes et des prix, la stratégie s’est portée sur la structuration des stocks. C’est le cas pour l’Orcab, entre autres. « Pendant cette période, durant laquelle les scieurs n’ont pas élevé leurs tarifs au niveau où ils auraient pu le faire, nous avons augmenté nos stocks sur les produits bois pour minimiser les délais d’approvisionnement et temporiser le passage d’augmentations tarifaires à date, précise Julien Pierrat, directeur général de la Scab Vosges et responsable de la commission bois du réseau Orcab. Lorsque le mouvement déflationniste s’est enclenché, nous avons pu, grâce à nos relations avec nos clients, vider les stocks sans déstocker. »
« Stockiste », Gedibois dit l’avoir été tout autant durant la période 2020-2022, pour passer depuis 2023 à la fois par une massification des achats groupés et à une gestion de stocks plus adaptée à « un environnement économique chamboulé ». Selon Baptiste Puthet, « rôle du distributeur est d’avoir les produits en stock. Sur les 80-20 [NDLR : la fameuse loi de Pareto], tout en alimentant les agences, nous sommes plus rigoureux sur les formats ou les sections. Pour le 20-80, il n’y a pas de consigne particulière, sinon de stocker: stocker les panneaux OSB techniques qui permettent de proposer des solutions créatrices de valeurs, stocker des panneaux décoratifs comme dans l’hôtellerie ou les maisons de retraite, mais aussi stocker des panneaux trois plis, très demandés en secteur alpin où les projets sont nombreux. »
Faire le dos rond. Les effets de la période Covid-19 se ressentent encore sur le marché du bois-panneaux. Cependant, en 2023 et début 2024, les négoces ont retrouvé quelques couleurs. « Nous avons actuellement une contraction du chiffre d’affaires, qui n’est plus portée par la déflation, mais par la baisse des volumes », note Christophe Chausson.
Si les volumes fléchissent, parfois à peine, avec néanmoins une rentabilité en baisse, la conjoncture a été différente sur les panneaux, poursuit le responsable de Nebopan : « Même si l’on note quelques baisses début 2024, ce marché se maintient, car il est plus européen, avec des produits plus industrialisés. » Après avoir constaté un recul du chiffre d’affaires de 8 % à périmètre constant en 2023, Pierre-Marie Olivares, responsable du réseau Gedibois, observe un rééquilibrage : « Le premier trimestre 2024 a été en demi-teinte. Les adhérents, très tournés vers l’extension et la rénovation, reprennent des couleurs, avec une stagnation des tarifs et une progression des volumes. »
Pour amortir les perturbations d’approvisionnements comme cela a été le cas durant la crise sanitaire, et même si le temps est au rééquilibrage progressif des prix, l’interconnexion de la filière avec le reste du monde nécessite le développement de plates-formes bois, comme le CIBM, qui fournit Point.P et Dispano, afin d’optimiser les stocks, tout en sécurisant les relations avec les partenaires fournisseurs. Le climat économique reste incertain et nécessite le déploiement de nouvelles stratégies. « Compte tenu de l’inertie du secteur, la conjoncture va probablement être compliquée en 2024 et au cours des prochaines années, avance Éric Petitdemange, directeur général de France Matériaux. L’une des solutions va consister à mettre en place des leviers pour développer de nouvelles activités autour de concepts. » Autrement dit, se réinventer ou se renforcer pour affronter l’incertitude.
