Daté du 26 avril 2022, un décret vient mettre en musique le classement automatique - sous conditions - des réseaux de chaleur ou de froid. Cet outil de planification énergétique territoriale encourage le développement des réseaux alimentés par des énergies renouvelables ou de récupération, telles que la biomasse, le solaire thermique, la géothermie ou la récupération de l'énergie fatale.
En effet, le classement d’un réseau de chaleur ou de froid permet de rendre obligatoire le raccordement au réseau, existant ou en projet, dans des "zones de développement prioritaire", de "toute installation d'un bâtiment neuf ou faisant l'objet de travaux de rénovation importants, qu'il s'agisse d'installations industrielles ou d'installations de chauffage de locaux, de climatisation ou de production d'eau chaude excédant un niveau de puissance de 30 kilowatts" (art. L. 712-3 du Code de l'énergie).
Ce texte traduit ainsi, dans les parties réglementaires du Code de l'énergie et du Code de l'urbanisme, l'évolution résultant des lois Energie climat de 2019 et Climat et résilience de 2021 (art. L. 712-1 du Code de l'énergie) consistant à supprimer la nécessité d’une délibération de classement des réseaux de chaleur et de froid par la collectivité. Désormais, seront automatiquement classés les réseaux de chaleurs ou de froid, répondant à la qualification de service public industriel et commercial (Spic) et alimentés à plus de 50% par des énergies renouvelables ou de récupération, sauf délibération motivée de non-classement prise par la collectivité. La procédure est ainsi inversée.
Classement automatique des réseaux affectés au service public
Le décret modifie donc les articles R. 712-1 et suivants du Code de l'énergie concernant le classement des réseaux de chaleur et de froid. Pour les réseaux affectés au service public de distribution de chaleur et de froid et désormais classés d'office (sauf délibération s'y opposant), la commune ou le groupement de collectivités territoriales compétent délibère pour définir, à l'intérieur de la zone de desserte du réseau, le périmètre de développement prioritaire (évoqué ci-dessus). Il doit tenir compte du plan de situation, du schéma du réseau de distribution du réseau et du plan faisant apparaître la zone de desserte. Le périmètre envisagé doit être compatible avec les dispositions des documents d'urbanisme en vigueur.
A défaut d'une telle délibération, le périmètre de développement prioritaire correspondra au périmètre du contrat de concession lorsque ce mode de gestion est choisi, ou au territoire de la ou des communes desservies par le réseau. Cela prendra effet au plus tard le 1er juillet de l'année suivant le classement du réseau.
Classement des autres réseaux
Le classement des autres réseaux demeure, lui, soumis à une délibération de la collectivité compétente - qui définit notamment un ou plusieurs périmètres de développement prioritaire. Le propriétaire (ou maître d'ouvrage pour un réseau à créer) doit pour cela présenter une demande à la collectivité, via un dossier dont le décret liste le contenu. Il comprend notamment : les principales caractéristiques du réseau ainsi que celles des sources d'énergie utilisée, le nombre d'abonnés raccordés au réseau au moment de la demande de classement et son évolution prévisible au cours de la période de classement ou encore un plan faisant apparaître la zone de desserte du réseau ainsi que les parties de cette zone où sont proposés un ou plusieurs périmètres de développement prioritaire.
Le classement ne peut excéder trente ans.
A noter que la commune compétente devra se prononcer à nouveau sur le périmètre de développement prioritaire lors de l'élaboration ou de la révision du schéma directeur du réseau.
Dérogations à l'obligation de raccordement
Le décret détaille également les dérogations possibles à l'obligation de raccordement à un réseau classé. Le sujet est d'importance, puisque, pour mémoire, l'article L. 712-5 du Code de l'énergie punit d'une amende de 300 000 euros le fait de contrevenir à l'obligation de raccordement prévue à l'article L. 712-3.
Le nouvel article R. 712-10 du code vise ainsi les hypothèses suivantes :
- le demandeur justifie de l'incompatibilité des caractéristiques techniques de l'installation qui présente un besoin de chaleur ou de froid avec celles offertes par le réseau ;
- l'installation ne peut être alimentée en énergie par le réseau dans les délais nécessaires à la satisfaction des besoins de l'usager, sauf si l'exploitant du réseau justifie de la mise en place d'une solution transitoire de nature à permettre l'alimentation des usagers en chaleur ou en froid ;
- le demandeur justifie de la mise en œuvre d'une solution alternative alimentée par des énergies renouvelables et de récupération à un taux équivalent ou supérieur à celui du réseau classé ;
- le demandeur justifie de la disproportion manifeste du coût du raccordement et d'utilisation du réseau par rapport à d'autres solutions de chauffage et de refroidissement.
Les demandes de dérogation sont présentées par le propriétaire de l'installation concernée ou par son mandataire à la collectivité compétente.
Conséquences en matière d'urbanisme
D'autre part, le décret, en son article 2 modifie le Code de l'urbanisme, notamment en créant une nouvelle disposition du règlement national d'urbanisme, applicable sur l'ensemble du territoire et dite d'ordre public, permettant de refuser une autorisation d'urbanisme ou de l'assortir de prescriptions lorsque le projet ne respecte pas les obligations de raccordement à un réseau de chaleur ou de froid (nouvel article R. 111-24-1 du C. urb.). Il met par ailleurs en cohérence avec l'obligation de raccordement les informations et pièces exigées dans les dossiers de demande d'autorisation d'urbanisme.
Certaines obligations de communication incombent en outre aux collectivités concernées par ces réseaux de chaleur. Elles doivent transmettre les délibérations et, le cas échéant, les informations relatives aux périmètres de développement prioritaires aux communes et aux EPCI compétents en matière d'urbanisme situés sur le territoire du réseau de chaleur en vue de leur report en annexe au plan local d'urbanisme.
Par ailleurs, lorsque sur le territoire sur lequel est installé un réseau classé de chaleur ou de froid, une modification d'un plan local d'urbanisme, ou d'un document en tenant lieu est effectuée, la commune compétente se prononce, par une délibération, sur les conséquences éventuelles de cette modification sur le périmètre de développement prioritaire du réseau.
Liste les réseaux de chaleur et de froid classés
Une liste des réseaux de chaleur affectés au service public qui satisfont à ce jour aux critères prévus par l'article L. 712-1 du Code de l'énergie est fixée dans un arrêté publié le même jour. Le décret affine ces critères à l'article R. 712-2 du Code de l'énergie.
Le décret entre en vigueur le 28 avril, à l'exception des dispositions de l'article 2, qui s'appliquent aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées à compter du 1er septembre 2022.
A noter que les réseaux classés avant le 1er janvier 2022 continuent à bénéficier de leur classement pendant la durée de validité de la décision de classement. En outre, le classement des réseaux de chaleur et de froid pour lesquels l'arrêté du 21 octobre 2021 modifiant l'arrêté du 15 septembre 2006 a constaté que le taux d'énergie renouvelable ou de récupération excédait le seuil des 50% prévu intervient le 1er septembre 2022.
Le texte prévoit également les conditions entraînant la caducité du classement d'un réseau, et donc de ses conséquences en termes de raccordement obligatoire (art. R. 712-12 et -13 du Code de l'énergie).
Décret n° 2022-666 du 26 avril 2022 relatif au classement des réseaux de chaleur et de froid