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Classement des réseaux de chaleur : avis favorable du CSCEE

Réunis en séance le 14 décembre dernier, les membres du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) ont rendu un avis favorable avec des réserves au projet de décret relatif au classement des réseaux de chaleur et de froid. L’avis n’a pas encore été publié, mais Le Moniteur vous dévoile ce qu'il devrait contenir...

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Réseau de chaleur mis en place par Plaine de Garonne Energies (Gironde)
Réseau de chaleur mis en place par Plaine Energie (Gironde).

Comme souvent lorsqu’il s’agit du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE), les débats de la séance qui s’est tenue le 14 décembre dernier ont été denses et parfois vifs. Malgré les alertes d’une partie des représentants la filière bâtiment, les membres du CSCEE ont tout de même rendu un avis favorable, mais avec des réserves, sur le décret relatif au classement des réseaux de chaleur et de froid. La majorité des membres du collège professionnels ont voté contre (FFB, Unsfa, Scop du BTP…) ou se sont abstenus (USH, FIEEC, Synasav …) Rappelons que ce texte vise à classer automatiquement les réseaux de chaleurs ou de froid alimentés à plus de 50% par des énergies renouvelables ou de récupération à partir du 1er janvier.

Dès l’année prochaine, la logique sera donc inversée : seul le refus d’une collectivité, adopté et motivé lors d’une délibération du conseil municipal, empêchera le classement, alors que jusqu’à présent, les collectivités devaient délibérer pour faire classer le réseau de chaleur ou de froid. A partir du moment où un réseau est classé,  les bâtiments situés dans le périmètre de développement prioritaire de ce réseau de plus de 150 m² ou dotés d’une installation de chauffage ou de refroidissement d’une puissance supérieure à 30 kilowatts doivent s’y raccorder. L’objectif du texte est clair : « encourager et pérenniser le développement des réseaux de chaleur ou de froid alimentés par des énergies renouvelables ou de récupération, telles que la biomasse, le solaire thermique, la géothermie ou la récupération de l’énergie fatale », peut-on lire dans la présentation du texte mis en consultation jusqu’au 22 décembre.

Levée de bouclier de la filière bâtiment

« Les conséquences financières et techniques peuvent être importantes, et ce texte prive la maîtrise d’ouvrage de toute liberté de choix quant au mode de chauffage », attaque un représentant de la filière bâtiment. Un autre s’étrangle : « Le coût de la chaleur varie d’un réseau à l’autre, et le raccordement peut parfois représenter 70, 80 voire 90% du coût global de la facture lorsque le réseau a été mal conçu ».

Forts de ces éléments, une partie des représentants de la filière bâtiment a demandé l’exclusion des bâtiments répondant à la Réglementation Environnementale 2020 de l’obligation de raccordement. « Car pour être efficace, un réseau de chaleur nécessite une certaine densité au kilomètre d’utilisation, ils sont utiles pour les bâtiments qui consomment beaucoup d’énergie ». Rappelons que la RE 2020 vise à réduire drastiquement les consommations énergétiques des immeubles neufs, dont le permis de construire sera déposé à compter du 1er janvier prochain. La filière a proposé une autre mesure dérogatoire consistant à exclure les bâtiments dont le coût de raccordement s’avère plus élevé que le coût de développement d’énergies renouvelables locales.

Trois dérogations prévues

Le projet de décret prévoit bien trois dérogations, mais l’exclusion des bâtiments RE 2020 n’en fait pas partie. Première hypothèse : « l'installation présente un besoin de chaleur ou de froid dont les caractéristiques techniques sont incompatibles avec celles offertes par le réseau ». Autre possibilité : « L'installation ne peut être alimentée en énergie par le réseau dans les délais nécessaires à la satisfaction des besoins de chauffage ou d'eau chaude sanitaire ou, dans le cas des réseaux de froid, dans les délais nécessaires à la satisfaction des besoins de climatisation de l'usager, sauf si l'exploitant du réseau met en place une solution transitoire de nature à permettre l'alimentation des usagers en chaleur ou en froid ».

La dernière dérogation prévue par le législateur porte sur les choix du maître d’ouvrage. Son immeuble n’aura pas à être raccordé si « une solution alternative alimentée par des énergies renouvelables et de récupération à un taux supérieur à celui du réseau classé ». Pour cette dernière dérogation, un arrêté émanant du ministère en charge de l’énergie devra être publié pour définir « les modalités de calcul du taux d’énergie renouvelable et de récupération des productions de chaleur et de froid ».

Poser des garde-fous

Pour les défenseurs du texte, cette mesure permettra à l’avenir « de protéger les Français de l’augmentation du prix de l’énergie ». Mais pour eux, puisque le gouvernement a la volonté d’accélérer le développement des réseaux de chaleur, il doit veiller à ce que le fonds chaleur soit suffisamment doté pour accompagner le mouvement. Autre requête : lancer une réflexion sur l’équilibre économique global de ces réseaux qui nécessitent des investissements lourds (en développement, entretien et exploitation). « En cas de rénovation lourde, ou de démolition de logements en zone Anru par exemple, la consommation baisse et le contrat s’en trouve déséquilibré, et donc, les tarifs augmentent. C’est l’ensemble de l’économie des contrats qui doit être revue afin de continuer à pouvoir financer les investissements nécessaires à leur entretien-exploitation », préconise un défenseur de la mesure. Dernière proposition : « Mettre à la disposition des collectivités locales des guides de conception afin que les coûts de développement des infrastructures et ceux de fonctionnement, tous deux très élevés, soient maîtrisés ».

De son côté, l’administration a tenté d’apaiser les esprits en appelant au bon sens. Selon ses représentants, si le réseau a une tarification particulièrement élevé, la collectivité locale consciente des difficultés posées pour les usagers, ne devrait pas le classer. Et même si la collectivité locale n’agit pas, l’administration rappelle que le maître d’ouvrage aura toujours la possibilité de déroger à la règle en prévoyant une solution plus vertueuse.

L’avis du CSCEE, qui n’a pas encore été publié, devrait donc contenir des réserves sur la politique tarifaire (pour que le législateur porte une attention particulière à l’augmentation des coûts) et sur la nécessité de décarboner les réseaux de chaleur. Selon une étude de l’Ademe (publiée en 2019) la France compte 5 397 km de réseaux (761 unités). 56% de l’énergie acheminée est renouvelable ou récupérable.

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