L’intelligence artificielle entre dans les politiques territoriales

L’intelligence artificielle accélère son entrée dans les politiques publiques locales, à la faveur de la transition écologique. Le prochain forum annuel de l’association d’intercommunalités Les Interconnectés dressera un bilan d’étape de ce processus, les 3 et 4 avril prochains à Marseille.

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L'intelligence artificielle générative simule les aménagements à partir du croisement de données éclatées.
L'intelligence artificielle générative simule les aménagements à partir du croisement de données éclatées.

La gestion des eaux, en Centre-Val de Loire, révèle la valeur ajoutée attendue de l’intelligence artificielle (IA) dans les politiques territoriales. « Le changement climatique remet en cause les modèles physiques existants, expose Grégory Delobelle, chargé de mission climat de la Région. La prédictibilité et la prévention des épisodes de sécheresse, d’eutrophisation et de contamination par les cyanobactéries passera par des algorithmes qui croiseront les données des capteurs, piézomètres et satellites. »

Ecosystèmes régionaux de données

Son intervention a montré le rôle stratégique des régions, le 8 février dernier lors d’une première journée sur l’IA dans les projets environnementaux organisée à l’initiative de l’association d’élus locaux Les Interconnectés, émanation de France Urbaine et d’Intercommunalités de France. « C’est le bon échelon pour créer un écosystème de données », poursuit le chargé de mission. Depuis 2020 à l’initiative de la collectivité, 25 acteurs du numérique et de l’environnement se regroupent dans le Loire Valley Data Hub, pour accompagner la montée en compétence du territoire.

Derrière l’eau, les demandes se concentrent sur les clés de l’adaptation au changement climatique : lutte contre les îlots de chaleur ; désimperméabilisation et végétalisation de la ville ; décarbonation des mobilités ; optimisation de la gestion des sols. Pour accompagner les projets du bloc local, le Loire Valley Data Hub regroupe autant les start-up que les mastodontes du numérique comme Orange.

Modélisation du ZAN

En pleine accélération, l’acculturation des collectivités locales ne part pas de rien, comme en témoigne la métropole de Rennes, lauréate de l’appel à projets d’octobre 2021 sur les territoires intelligents et durables. « Quinze ans de collecte et de partage de données ont précédé l’adoption, en mars 2022, de notre stratégie numérique responsable », récapitule Yann Huaumé, vice-président chargé du numérique.

Sur ces fondations, l’outil IA trouve son application privilégiée dans l’engagement de la politique ZAN. « En croisant des données issues des permis de construire, des plans locaux d’urbanisme et du suivi de la canopée, nous pouvons calculer l’évolution de l’occupation des sols », illustre le vice-président.

Etat et intercommunalités main dans la main

Le déploiement de l’IA rennaise cible également la gestion de l’eau. « En période de sécheresse quand la moitié des débits proviennent des stations d’épuration, l’outil permettra de visualiser l’impact des étiages sur nos rivières », annonce l’élu.

Les échanges du 8 février ont marqué la première étape d’un programme triennal lancé en juillet 2023 par Les Interconnectés et le ministère de la Transition écologique. Celui-ci mobilise son laboratoire Ecolab, rattaché au Commissariat général du développement durable et auteur d’un « livre blanc de la communauté des acteurs de l’IA et des territoires », publié en septembre 2023. 

Entre peur et enthousiasme

Déléguée générale des Interconnectés, Céline Colucci résume les ambitions du partenariat, dans son volet environnemental : « Garantir la qualité des données, stimuler la recherche, préciser les cadres juridique et éthique... Enfin, nous accompagnons l’émergence des idées d’IA frugale et de numérique responsable. »

Plusieurs points de vigilance retiennent l’attention des partenaires : évaluation de la plus-value environnementale par rapport aux impacts des projets, protection des données personnelles... Entre intrusion et participation citoyenne, la question des impacts sociaux catalyse le mélange de peur et d’enthousiasme qui préside à l’entrée de l’IA dans les politiques territoriales.

Consensus précieux

L’élaboration d’un cadre éthique inspire ce parallèle à Yann Huaumé : « Le numérique évolue comme l’urbanisme. Longtemps, chacun faisait comme il voulait. Peu à peu, il a fallu mettre en place des normes et des règles. »

Pour débloquer les freins, l’Etat et les collectivités disposent d’un atout-maître : l’IA suscite un consensus rare. Céline Colucci résume la conviction partagée entre les deux parties, et qui sert de fil conducteur au volet numérique du plan France 2030 : « Le pilotage de la transition passe par le numérique. L’exploitation des données issues du terrain facilitera les arbitrages et poussera des solutions nouvelles. »

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