L’ingénierie maritime fait de la place à la biodiversité

Si les projets d’infrastructures sont souvent considérés comme destructeurs de la biodiversité, une table ronde des Rencontres de l’ingénierie maritime, qui ont eu lieu cette semaine à Caen, a montré que le secteur s’est bien emparé du sujet.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Les sédiments de dragage peuvent servir à recréer de la biodiversité.

Iconoclaste, Jan Vandenbroeck ? Le PDG de SDI, filiale française du belge Deme, n’hésite pas à dire son amour de… la vase. « C’est une matière pleine de vie dont on peut faire autre chose que la stocker en mer », estime-t-il. Le leader mondial du dragage mène ainsi avec une ONG une étude sur la lagune de Venise, « qui manque de sédiments et donc qui perd sa biodiversité ». Pour favoriser le développement rapide de la faune et de la flore existantes, un projet pilote consiste à y déposer des sédiments de dragage. « La vie reprend », se félicite Jan Vandenbroeck. 

Un inventaire tous les 5 ans

« Même un ouvrage portuaire doit pouvoir intégrer et favoriser la biodiversité », estime Sandrine Samson, directrice du projet transition écologique et énergétique chez Haropa Port qui gère un domaine à la fois terrestre, fluvial et maritime autour de la Seine. La démarche commence par la connaissance du territoire – « dans l’estuaire de la Seine, tous nos terrains font l’objet d’un inventaire a minima tous les cinq ans » –, se poursuit avec l’écoconception – « en anticipant les effets des infrastructures et en intégrant la biodiversité dès leur élaboration » – et avec des actions originales.

Un schéma directeur du patrimoine naturel

L’établissement public a ainsi créé une vasière à la place d’une chambre de dépôt de sédiments de dragage qui offre une zone de nourricerie aux poissons et une zone de nourrissage aux oiseaux. L’opération a nécessité la suppression de 300 m de digues en bord de Seine et l’évacuation de 100 000 m3 de matériaux de façon à reconnecter 5 ha au fleuve.

Haropa Port a également procédé à la déconstruction d’une ancienne usine sur 13 ha pour restaurer des zones humides. Et pour détailler sa façon de concilier les enjeux industrialo-portuaires et les enjeux de biodiversité dans les cinq ans à venir, il s’apprête à lancer son schéma directeur du patrimoine naturel (SDPN).

Pluralité de solutions

Chez BRL Ingénierie, on a profité d’un challenge interne pour revoir les pratiques. « Cela nous a amenés à prendre conscience de la nécessité de prendre de la hauteur, de décloisonner nos pratiques, nos expertises qui ont tendance à travailler les unes à côté des autres, à favoriser une approche transdisciplinaire et systémique », détaille Stéphanie Fillion, directrice adjointe stratégie et innovation. « Sur ce sujet il n’y a jamais une solution unique mais une pluralité de solutions et c’est pour moi le rôle de l’ingénierie de les proposer ».

Des projets difficiles à modéliser et à financer

Reste que la protection de la biodiversité souffre d’une problématique bien spécifique : « les politiques de décarbonation peuvent se chiffrer, se quantifier, mais pour la biodiversité, c’est beaucoup plus complexe. L’évolution des écosystèmes n’est pas facilement modélisable », relève Eric Alonzo. « La prise en compte de la biodiversité dans nos projets est devenue un axe stratégique fort mais avec des difficultés d’ampleur car nous manquons d’indicateurs clairs », regrette Stéphanie Fillion. Sans compter l’éternelle question des moyens : « comment financer ces projets qui ont une valeur énorme pour notre planète mais qui ne sont pas toujours prioritaires ? s’interroge Jan Vandenbroeck. Il y a la taxe carbone, mais c’est un outil volatil, ce qui déplaît aux investisseurs, et cela ne suffira pas ».

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !