Evénement

L’incontournable mutation des enceintes sportives

Les stades entament leur révolution. Hier voués au ballon rond et autres sports d’équipe, ils deviennent aujourd’hui multifonctionnels afin d’optimiser les recettes. Les entreprises de BTP sont à la manœuvre.

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A l’orée des agglomérations françaises, les stades poussent comme des champignons. Dans la perspective de l’Euro 2016 de football, le pays vit au rythme des chantiers. Eiffage a été le premier à livrer le stade Pierre-Mauroy à Lille l’été dernier. Le 31 août, c’est au tour de Vinci de mettre l’Allianz Riviera de Nice à disposition du club. Si Bordeaux et Lyon n’en sont qu’à leurs premiers coups de pelles, les rénovations, parfois lourdes, vont bon train à Marseille, Saint-Etienne, Toulouse ou Paris (Parc des Princes). D’autres villes, même si elles n’accueilleront pas l’Euro, se sont équipées : Le Mans avec son MMArena, Valenciennes son stade du Hainaut et Le Havre son stade Océane.

Le foot n’est d’ailleurs pas le seul sport à vouloir ses « cathédrales » dédiées. Montpellier a inauguré en 2010 son Park & Suites Arena pour son club de handball, Dunkerque a signé avec Vinci pour avoir l’équivalent. L’ovalie n’est pas non plus oubliée : le Stade français prend possession du nouveau stade Jean-Bouin le 30 août (voir aussi p. 8 et 9), l’Arena 92 (Racing-Métro) a pris du retard mais devrait être livrée en 2016 et, enfin, le constructeur du futur stade de la Fédération de rugby devrait être choisi en 2014. Même le vélo aura son temple en décembre avec le Vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines.

Des équipements modulaires

Le sport tricolore aurait-il la folie des grandeurs ? « Le pays ne fait que rattraper son retard », relativise Stéphane Pottier, vice-président Développement et Services chez Lagardère Unlimited Stadium Solutions. « Le parc français, avec une moyenne d’âge de 66 ans, était vieillissant et inadapté », confirme-t-on du côté de l’Association des ligues de sport professionnel, qui se réjouit de ces investissements mais les estiment insuffisants : « En vingt-cinq ans, la France n’a construit que deux salles de 10 000 places, le Palais Omnisports de Paris-Bercy (POPB) en 1984 et l’Arena de Montpellier en 2010, alors que l’Allemagne en compte 18 ! » Efforts à poursuivre donc.

L’autre tournant, c’est la destination de ces enceintes sportives. Bien que, comme le souligne l’architecte du stade de Lille, Pierre Ferret (avec Valode et Pistre), l’enceinte « n’a pas grand-chose de plus que le Colisée de Rome qui pouvait se couvrir, accueillir des batailles navales et 50 000 spectateurs », un cap a tout de même été franchi. « Nous sommes passés de stades municipaux gérés par les Villes à des enceintes multifonctionnelles répondant aux exigences de développement durable (voir page 12) pour la plupart financées en partenariat public-privé (PPP) et exploitées par un partenaire privé », développe Pierre Baudry, directeur d’Elisa (filiale d’Eiffage), gestionnaire du stade Pierre-Mauroy pendant trente-et-un ans. Jusqu’alors, la multifonctionnalité, c’était la capacité à accueillir du foot, du rugby et de l’athlétisme. Le stade de Lille a fait entrer l’arène dans une autre dimension. D’une capacité de 50 000 places, le stade est recouvert d’un toit mobile. Une partie de la pelouse est rétractable pour laisser place à la plus grande salle de spectacle de France (de 6 500 à 30 000 places) qui a accueilli un concert de Rihanna (voir pages 10-11), ou à une salle multisports qui ambitionne de recevoir la finale des Mondiaux de handball en 2017 et des matchs de NBA délocalisés en Europe. Construit en 1997, le Stade de France à Saint-Denis avait été précurseur de ce modèle, mais le premier stade de nouvelle génération, c’est le MMArena au Mans, livré en 2011 quelques mois après la descente du club en Ligue 2. Deux ans plus tard, ce dernier souffre de quelques tracas : relégation en division d’honneur régionale ; 14,4 millions d’euros de dettes ; un an de loyer de retard à verser à Vinci. Le groupe serait en droit de réclamer le remboursement de sa mise mais affirme vouloir être un partenaire de long terme et reste en négociations avec la Ville.

Pour prévenir ce genre de situations, certains observateurs appellent à réduire le risque sportif, en établissant par exemple une moyenne sur trois saisons pour déterminer les clubs qui descendent ou en réduisant le nombre de clubs relégués. Cette mésaventure n’a pourtant pas découragé Vinci qui récidive à Bordeaux (en partenariat avec Fayat) et à Nice. Le groupe veut inventer un nouveau modèle économique.

Nouveaux services, naming…

« Il y a un marché à développer, explique Damien Rajot, directeur opérationnel de Vinci Stadium, une entité créée il y a moins de deux ans. Le stade doit être conçu dans une logique économique qui intègre l’aléa sportif et le risque trafic [les spectateurs, NDLR] lors de la signature du contrat de partenariat. Pendant trente ans, le coût ne varie pas pour la collectivité. Le partenaire privé doit donc fidéliser le spectateur et aller chercher de nouvelles recettes : attirer d’autres équipes que le club résident (équipes nationales, rugby, foot féminin…), restauration, congrès et séminaires, connectivité pouvant permettre l’interactivité favorisant l’échange, la consommation et la mise en place de nouveaux services (paris sportifs…) ou encore le naming. » Le MMArena du Mans, le Park & Suites Arena de Montpellier et désormais l’Allianz Riviera à Nice ne sont peut-être que des précurseurs. L’assureur allemand va ainsi débourser 2 millions d’euros par an sur neuf ans pour voir son nom associé au stade de la Côte d’Azur. « C’est devenu un élément essentiel pour l’exploitant mais aussi la collectivité dont le loyer est réduit d’autant, avance Damien Rajot. Je suis certain que les stades de Lyon et de Bordeaux trouveront aussi un partenaire. Cela représente une valeur marketing incontestable pour les marques. » En Allemagne, 90 % des stades ont un naming.

Un autre modèle commence donc à s’installer. « Un modèle d’ailleurs devenu incontournable pour rentabiliser les enceintes sportives », selon Pierre Ferret. D’après Stéphane Pottier (Lagardère), ces rénovations et cette multifonctionnalité pourraient permettre de multiplier les recettes par deux ou trois. Reste aux exploitants à capitaliser sur cette expérience pour l’exporter, en Russie (Coupe du monde Fifa 2018) mais surtout au Qatar (2022). « Les entreprises françaises auront un rôle à jouer dans la construction des équipements mais, pour l’exploitation, l’expertise est mondiale », prévient Stéphane Pottier. Pour 2022, tous sont dans les starting-blocks. Pierre Ferret travaille sur un stade avec ADPI et Setec, l’agence Scau avec Tractebel. Sauront-ils amener nos champions français du BTP dans leurs valises ?

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