L'Etat promet 2,5 milliards d’euros pour les copropriétés dégradées

Près de 700 « copros » sont en difficultés, au point de ne plus pouvoir entretenir les immeubles. Les aides seront réparties sur 10 ans via l’Anah et l’Anru.

L’État a identifié près de 700 copropriétés en difficultés, pour 56 000 logements.
L’État a identifié près de 700 copropriétés en difficultés pour 56 000 logements.

C’est dans les ors d’un des salons d’honneur de la préfecture des Bouches-du-Rhône à Marseille (ville où se déroule le Congrès HLM 2018) que le secrétaire d’État à la Cohésion des territoires, Julien Denormandie, a dévoilé, ce mercredi 10 octobre 2018, le plan de lutte contre l’habitat indigne dans les grandes copropriétés.

A cette occasion, il a également installé le premier comité de pilotage qui assurera le suivi de la mise en œuvre de ce nouveau plan baptisé « Initiative Copropriétés » « avec une réunion tous les trois mois ». Il s’agit pour lui de « consolider le volet opérationnel » et de « changer de paradigme » sur le traitement des copropriétés dégradées.

Trois grands axes

Cette nouvelle méthode reposera sur trois grands axes : « transformer dans le cadre de projets urbains qui permettront de démolir », « redresser les copropriétés qui peuvent l’être », « mettre en place un vrai acte de prévention ».

Pour ce dernier axe, il s’agit de mobiliser les outils d’observation proposés par l’Anah aux collectivités et aux syndicats de propriétaires : le registre national des copropriétés, le dispositif de veille et d’observation des copropriétés, le programme opérationnel de prévention et d’accompagnement en copropriétés ou bien encore l’opération programmée d’amélioration de l’habitat (Opah) dédiée aux copropriétés et le programme d’aide aux travaux de rénovation énergétique « Habiter mieux copropriété ».

684 copropriétés en difficultés, dont 128 seront suivies au niveau national

Au total, le gouvernement a recensé 684 copropriétés en difficulté, soit près de 56 000 logements dans tout l’Hexagone. Et dans ce volume, 128 copropriétés dégradées dans 14 sites, soit 23 000 logements, feront l’objet d’un « suivi national ».

Car, indique Julien Denormandie, « pour une politique publique efficace, il faut prioriser ». Ces sites prioritaires concernent Mulhouse, Toulouse, Montpellier, Nîmes, Marseille, Evry, Aulnay/Sevran, Grigny, Clichy, Mantes-la-Jolie, Epinay/Seine, Vaulx-en-Velin, Grenoble et Saint-Étienne-du-Rouvray.

En préambule de l’intervention du secrétaire d’Etat, le préfet des Bouches-du-Rhône, Pierre Dartout, n’a pas manqué de souligner pourquoi le choix de présenter ce plan à Marseille n’est pas anodin. En effet, la cité phocéenne concentre les deux tiers des logements dégradés du département, c’est-à-dire 6 000 sur les 9 000 déjà identifiés. En l’occurrence, cinq sites phocéens sont désormais une priorité nationale (lire encadré ci-dessous).

Complémentarité

« Ces sites ont été choisis en fonction de l’urgence de leur situation. Cela signifie qu’ils feront l’objet d’un pilotage direct par l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat (Anah) et l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru), en lien avec les chefs de projets désignés pour le suivi de chaque site », a expliqué Julien Denormandie.

Cela signifie aussi qu’elles feront l’objet d’un financement prioritaire. Pour la première fois, les crédits de l’Anah (2 milliards d’euros sur 10 ans), qui subventionne les travaux directement auprès des propriétaires, seront croisés avec ceux de l’Anru (500 millions d’euros) qui opère sur des opérations de plus grande envergure.

L’annonce a été saluée. « On met en avant des outils qui existent déjà. Mais l’Anah double ses moyens et l’Anru a des montants dédiés aux copropriétés. Et la véritable nouveauté est la complémentarité d’actions entre l’Anah et l’Anru », s’est réjouie Arlette Fructus (UDI), adjointe à la rénovation urbaine et vice-présidente de la métropole en charge de ces questions.

Décision de carence

Olivier Klein, président de l’Anru, a confirmé que « l’Anru allait prendre sa part », rappelant que « 90 % des 600 copropriétés sont dans des plans de rénovation urbaine. Cela nous inscrit dans une synergie importante ». Elle pourra ainsi prendre en charge jusqu’à 80 % du déficit des opérations dans le cadre de projets d’aménagement des quartiers NPNRU.

De son côté, l’Anah pourra intervenir de la même manière pour les copropriétés ayant fait l’objet d’une décision de carence par le tribunal de grande instance. Elle pourra, sous certaines conditions, financer 100 % de leur montant hors taxe des travaux d’urgence.

Enfin, elle pourra financer l’ingénierie de projet et « dans ce cadre, prendre en charge le poste de chef de projet, une bonne manière de commencer une politique territoriale », a précisé la présidente de l’Anah, Nathalie Apperé, qui a salué une action désormais basée sur « la différenciation » estimant « qu’on ne s’occupe pas d’une copropriété à Rennes et à Marseille de la même manière ».

« Avec et pour les élus »

Et en effet, pour le secrétaire d’Etat, le plan « Initiative copropriétés » est « important », car l’expression « pour la première fois d’une vraie politique publique portée avec et pour les élus locaux ». Pour associer les collectivités et leurs opérateurs, « véritables maîtres du jeu du plan », la démarche repose sur les principes suivants : une stratégie opérationnelle adaptée à la diversité des situations, une approche territorialisée et partagée avec toutes les collectivités, un co-pilotage de projet entre l’État et les collectivités.

A cet effet, au prochain comité de pilotage, « il faudra des chefs de file identifiés par territoire », a insisté Julien Denormandie. Procivis, Action logement et CDC-Banque des territoires, dont les représentants étaient invités ce 10 octobre, ne seront pas en reste.

Procivis, par exemple, proposera des prêts aux copropriétaires très modestes destinés à la réalisation de travaux. Quant à la Caisse des dépôts, elle pourra intervenir pour permettre aux communes de financer les logements sociaux nécessaires au relogement des locataires mis à l’abri de l’insalubrité. Mais pour l’heure, la société de portage qui devrait assurer l’intermédiaire n’est pas intégrée au plan gouvernemental, a reconnu le ministre.

Marchands de sommeil

Reste la question des marchands de sommeil. Face à ceux-là, Julien Denormandie se veut « impitoyable comme nous le sommes contre les trafiquants de drogue en les frappant au portefeuille ». La future loi Elan doit permettre de « taper très fort » en confisquant des biens, en empêchant l’intéressé d’en acquérir de nouveau pendant dix ans une fois celui-ci condamné, ou en imposant aux syndics et agences immobilières de les dénoncer.

Le ministre souhaite même renforcer les moyens des mairies : « On peut appliquer des astreintes reversées au département de ces communes pour les inciter à faire le travail de recensement », a-t-il déclaré.

A Marseille, cinq « copros » seront suivies nationalement
Marseille figure parmi les 14 sites « en suivi national ». Cela devrait se traduire par l’inscription de cinq copropriétés dans le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) : le Parc Kallisté (753 logements), le Parc Corot (697 logements), la cité Bellevue (444 logements), l’ensemble immobilier Bel Horizon (133 logements) et la cité Maison Blanche (236 logements). Ces deux dernières copropriétés sont dans le périmètre de l’opération d’intérêt national Euroméditerranée. Quant au Parc Kallisté et à la cité Bellevue, elles ont bénéficié par le passé de plans de sauvegarde.
Ces sites n’ont pas été choisis au hasard, ils étaient déjà cités en 2015 dans le rapport Nicol et faisaient l’objet d’études poussées dans ce cadre. Celui-ci estimait à 40 000 le nombre de logements privés indignes à Marseille, soit 13 % du parc de résidences principales. La plupart d’entre eux se situent dans 10 grandes copropriétés.

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