Pour faire face aux conséquences de la crise du Covid-19, plusieurs mesures d’urgence ont été prises via l’ordonnance du 25 mars 2020. Quels retours avez-vous des acteurs sur l’application de ces dispositions ?
Les retours du terrain sont globalement positifs. Les fédérations professionnelles ont salué notamment l’aide fournie par l'allongement des délais, la neutralisation des pénalités et la poursuite du paiement des marchés à prix forfaitaire. Côté acheteurs publics, la possibilité de se fournir ailleurs quand le titulaire est défaillant a reçu un accueil très favorable.
Le seul point difficile qui nous a été remonté, mais qui n'était pas traité par un dispositif normatif, est celui de la prise en charge des surcoûts liés au Covid-19. Chaque contrat et chaque situation étant différents, il n'était pas possible de régler cette question de manière générale. On peut tout de même rappeler la circulaire du Premier ministre du 9 juin 2020 qui a cherché à clarifier les solutions à adopter pour les marchés publics de l'Etat dans le secteur du BTP.
Les mesures d’urgence ne sont applicables qu’aux contrats signés avant le 23 juillet 2020 (et avant le 10 septembre 2020 pour le dispositif concernant le versement des avances). Beaucoup d’acteurs de terrain demandent leur pérennisation. Est-ce envisageable ?
Il est tout d’abord important de rappeler que ces mesures exceptionnelles continuent de s’appliquer aujourd’hui pour les contrats en cours d’exécution et signés avant le 23 juillet. Nous considérons, par ailleurs, concernant ceux conclus après cette date, que les acteurs ont en principe anticipé les conséquences de la crise. Néanmoins, le gouvernement souhaite la pérennisation d’un certain nombre de ces mesures dans un objectif de soutien à la relance et de simplification pour les acheteurs et les entreprises.
Allez-vous pour cela utiliser la loi dite « Asap » pour « accélération et simplification de l’action publique », qui est actuellement étudiée par l’Assemblée nationale ?
Il n'y a pas beaucoup de vecteurs possibles, et la discussion du projet de loi « Asap » est l’occasion de faire adopter des dispositions sur la commande publique. Plusieurs amendements ont d’ores et déjà été déposés [et adoptés en commission, NDLR*].
Au cœur de l’été, le gouvernement a décidé de rehausser temporairement de 40 000 à 70 000 euros HT le plafond de dispense de procédure de passation pour les marchés publics de travaux. Pourquoi ne pas avoir fait de même pour les marchés de maîtrise d’œuvre et d’ingénierie comme l’ont demandé les fédérations professionnelles ?
Le seuil de 70K€ pour les marchés de travaux a été fixé par rapport à la moyenne des seuils pratiqués dans les autres Etats membres de l’Union européenne et sachant que les montants de ce type de contrats sont importants. Si l’objectif est de passer de gré à gré les marchés de maîtrise d’œuvre et les marchés de travaux concernant la même opération, il ne paraît pas nécessaire d’aligner les seuils. En effet, le montant d’un marché de maîtrise d’œuvre portant sur des travaux dont le montant est inférieur à 70K€, est par principe inférieur à 40K€ et donc peut être conclu de gré à gré.
Votre direction a-t-elle été sollicitée par le gouvernement pour qu’un nouveau seuil à 100 000 euros soit mis en place ?
Plusieurs demandes d’évolution des seuils de dispense de procédure ont été formulées par différents acteurs, et ils sont actuellement à l’étude.
Certaines fédérations demandent un seuil à 100 000 euros uniquement pour les marchés de rénovation. Est-ce que cela est également envisagé ?
Je vous renvoie à ma réponse précédente.
L’un des grands chantiers actuels de votre direction concerne la refonte des CCAG (cahiers des clauses administratives générales). Quel est l’état d’avancement de ces travaux ?
Actuellement, tous les thèmes transversaux (harmonisation des clauses communes, prévention et règlement des différends, propriété intellectuelle, exécution financière, dématérialisation et développement durable) ont fait l'objet de propositions transmises aux différents groupes de travail. Nous attendons les derniers retours d’ici peu, puis une synthèse sera diffusée.
Côté calendrier, nous avons pris un peu de retard. En raison de la crise sanitaire, les contributeurs ont en effet demandé de reporter les délais de consultation, ce qui nous a conduits à décaler notre planning prévisionnel. Nous prévoyons ainsi de finaliser en interne la rédaction des six CCAG (**) d’ici la fin de l’année. Puis une consultation publique sera menée en janvier-février, et l’entrée en vigueur des CCAG est programmée pour le 1er avril 2021.
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La crise du Covid-19 a remis au centre du jeu la question des clauses sociales et environnementales. Quelle est la volonté du gouvernement sur ce point ? Vont-elles devenir obligatoires ?
L’exécutif est très mobilisé sur la question de l’achat durable. En octobre 2019, lors de la réunion de lancement des travaux de refonte des CCAG, Agnès-Pannier-Runacher, alors secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie, a d’ailleurs rappelé l’importance, dans la mesure du possible, d’intégrer de telles clauses dans le chantier de révision des CCAG. C'est donc notre premier axe de travail. L'idée est de faire des clauses incitatives les plus larges possibles pour pouvoir figurer dans les CCAG tout en étant opérationnelles.
Concernant les clauses environnementales, nous nous acheminons en outre vers une généralisation - à condition bien évidemment qu’elles soient liées à l’objet du marché -, conformément à la volonté de la Convention citoyenne pour le climat. Nous veillerons néanmoins à ce qu’elles ne ferment pas l’accès aux marchés publics des entreprises et notamment des PME.
Par ailleurs, toujours dans l’objectif d'encourager les acheteurs, nous allons procéder à la révision du guide sur les aspects sociaux de la commande publique. La dernière version date de 2018 et l'idée est de l’actualiser, le muscler et le diffuser très largement.
Est-il envisagé de revoir les modalités de calculs des heures dans les clauses sociales comme le demande les fédérations professionnelles ?
Comme je l’ai indiqué, le guide sur les aspects sociaux dans la commande publique doit être revu. Cette question sera probablement évoquée, si les fédérations le demandent et nous verrons dans le cadre de ces travaux, quelle réponse pourra être apportée, afin de favoriser au mieux les pratiques les meilleures et l’insertion sociale et professionnelle.
Quels sont les prochains travaux de la DAJ ?
Le chantier des CCAG va encore nous occuper ces prochains mois. S’ajoutent à cela, la pérennisation de certaines mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence et le chantier des mesures propres à encourager la relance. Le cadre européen du droit de la commande publique pourrait également être concerné.
La DAJ travaille également à la prise en considération des propositions faites par la Convention citoyenne pour le climat dans le domaine de la commande publique et, en lien avec le Commissariat général au développement durable, aux mesures d’application de la loi anti-gaspillage et pour l’économie circulaire.
(*) Un amendement prévoit notamment l'inscription dans le Code de la commande publique d'un dispositif pérenne qui pourra être mis en œuvre sur décision des autorités compétentes suite à la survenance de circonstances exceptionnelles nouvelles. Ce dispositif de crise prévoit : la possibilité d’aménager des modalités alternatives de mise en concurrence, les conditions de prolongation du contrat et des délais d’exécution ainsi que la neutralisation des pénalités de retard et autres sanctions.
Un autre amendement autorise un acheteur public à passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables "pour un motif d’intérêt général".
(**) Travaux, fournitures courantes et services, prestations intellectuelles, marchés industriels, techniques de l’information et de la communication, et le nouveau CCAG maîtrise d’œuvre, NDLR.