Décryptage

L’articulation du CCAG MOE avec les dispositions du code relatives aux marchés de maîtrise d’œuvre

Plusieurs articles du tout nouveau CCAG applicable aux marchés publics de maîtrise d'œuvre complètent ou dans certains cas, contredisent, des articles du Code de la commande publique.

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Mission de maîtrise d'œuvre

Le cahier des clauses administratives applicables aux marchés publics de maîtrise d’œuvre (CCAG MOE) est la nouveauté de la réforme des CCAG de 2021. Ce document n’existait pas auparavant et les acheteurs publics n’avaient d’autre choix que de se référer au CCAG prestations intellectuelles (CCAG PI), lequel n’était pas suffisamment adapté aux spécificités des marchés de maîtrise d’œuvre.

Le CCAG MOE n’a pas pour seule vocation d’encadrer l’exécution des marchés de maîtrise d’œuvre qui relèvent des dispositions du Code de la commande publique (CCP) relatives à la maîtrise d’ouvrage publique et à la maîtrise d’œuvre privée (articles L. 2410-1 à L. 2432-2 et R. 2412-1 à R. 2432-7). Cependant, ces contrats sont, de très loin, les marchés de maîtrise d’œuvre auxquels recourent le plus souvent les acheteurs. Plusieurs dispositions du CCAG MOE méritent donc un examen particulier en ce qu’ils complètent ou, au contraire, paraissent peu compatibles avec le CCP.

L’article 13 « Engagements du maître d’œuvre »

L'article 13 du CCAG MOE prévoit des seuils de tolérance sur les engagements du maître d’œuvre relatifs aux coûts prévisionnels des travaux après consultation des entreprises et aux coûts définitifs après réalisation des travaux, en distinguant les opérations de construction neuve de celles de réhabilitation. Auparavant, ces seuils de tolérance, imposés par le CCP, devaient figurer dans les documents particuliers du marché. Ces dispositions complètent donc utilement le CCP.

L’article 14.1 « Prestations supplémentaires ou modificatives »

L'article 14.1 instaure un dispositif de rémunération complémentaire du maître d’œuvre en cas de prestations modificatives ou supplémentaires avec la fixation d’un prix provisoire par ordre de service et sans nécessairement recourir à l’avenant. Ce mécanisme apparaît très peu compatible avec les dispositions du CCP. D’une part en effet, le code prévoit que la rémunération du titulaire est forfaitaire et qu’elle « tient compte de l'étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux » (article L. 2432-1). D’autre part et surtout, il impose que la modification du programme ou des prestations prévues au marché entraîne la conclusion d’un avenant actant de ces modifications et de leurs conséquences sur la rémunération du maître d’œuvre (article L. 2432-2).

De la même manière, ces dispositions du code semblent interdire, comme le prévoit pourtant le CCAG, que le prix provisoire proposé dans l’ordre de service devienne définitif dans le silence du maître d’œuvre. Il en est de même s’agissant de la faculté offerte au maître d’ouvrage d’émettre des ordres de service portant sur des prestations supplémentaires ou modificatives dans la limite de 10 % du montant du marché initial.

L’article 15.3 « Prolongation du délai d’exécution »

L’article 15.3.5 impose aux cocontractants de se rapprocher afin de déterminer si un retard dans l’exécution du marché d’une durée supérieure à celle initialement prévue ouvre droit à rémunération complémentaire au profit du maître d’œuvre qui n’est pas à l’origine de ce retard. Même si elles n’accordent pas un droit à rémunération complémentaire en cas de prolongation du délai d’exécution du marché, ces dispositions sont sensiblement plus favorables au titulaire que la jurisprudence actuelle. Le Conseil d'Etat considère en effet, au vu des dispositions du CCP, que la prolongation de la mission du maître d’œuvre n’est pas, en tant que telle, de nature à justifier une rémunération supplémentaire en l’absence de modifications de programme ou de prestations décidées par le maître d’ouvrage (CE, 29 septembre 2010, "Société Babel", n° 319481, Rec.).

Au vu de la rédaction du CCAG MOE, le doute est permis sur l’étendue du droit à rémunération supplémentaire du maître d’œuvre qui dispose désormais d’un fondement contractuel.

L’article 17 « Primes »

Pour les mêmes raisons qu’évoquées précédemment, le versement d’une prime tel qu’envisagé par le CCAG MOE dans son article 17 apparaît peu compatible avec le mécanisme de rémunération du maître d’œuvre.

L’article 26 « Clause de réexamen »

L'article 26 prévoit une clause de réexamen des conditions d’exécution – notamment financières – du marché en cas de survenance d’un évènement imprévu. Le CCAG MOE impose aux parties d’examiner les « conséquences liées à la prolongation des délais d’exécution du marché » sur le droit à rémunération du titulaire, revenant, là encore, sur la jurisprudence actuelle.

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