Quel(s) message(s) retenir des émeutes du début de l’été, qui ont incité l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) à choisir le 9 février 2024, date anniversaire de la publication du décret officialisant sa création, et non celle de la Loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003, pour célébrer ses 20 ans ?
Que le problème du bien-vivre dans les 1514 Quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) n’est pas résolu. Et que ces formes de mobilisation ne sont pas exclusivement réservées aux quartiers populaires. Nous pouvons faire un parallèle avec les manifestations des Gilets jaunes, qui renvoient à des questions plus profondes : précarité, inégalité, discriminations… Ces nouvelles émeutes nous rappellent aussi que les quartiers populaires sont ceux où ces problèmes sont les plus aggravés.
Que retenir de ces vingt années de rénovation urbaine au sein des QPV où vivent près de 5,4 millions de personnes ?
En volume de travaux et en transformation de l’espace, c’est un changement majeur visible de leur environnement urbain. Mais ce n’est pas suffisant. D’où la nécessité de mener une politique de la ville plus globale, car celle-ci ne peut pas compenser à elle seule l’accumulation et l’aggravation des problèmes dans les quartiers.
Le rattachement de l’Anru au ministère de l’Intérieur dans le gouvernement Borne III, via le secrétariat d’Etat à la Ville, ne permet-il pas d’élargir la problématique ?
La cohésion sociale n’est pas qu’une question de sécurité. Les discriminations ne se règlent pas par une approche sécuritaire. Les habitants réclament des services publics, pas que des policiers. Cette vision anachronique du XIXe siècle « classe laborieuse, classe dangereuse » est inquiétante.
Plus de 450 quartiers sont cours de transformation, dans le cadre du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), c’est-à-dire l’acte II de l’Anru lancé en 2014. Faut-il, pour la suite, une nouvelle loi avec de nouveaux objectifs, de nouveaux périmètres ?
Etirer dans le temps la politique de la ville telle quelle n’est pas une bonne idée. Avant d’être dans une logique de prolongation de l’expérience, il faudrait reprendre la démarche plus globalement, se reposer les questions fondamentales de la précarité, des conditions de vie... comme il y a vingt ans. Jean-Louis Borloo (alors ministre délégué à la Ville sous la présidence de Jacques Chirac, NDLR) avait posé l’enjeu de la cohésion sociale. Marie-Noëlle Lienemann (secrétaire d’Etat au Logement, NDLR), celui du pacte républicain.
Autrement dit, il ne faut pas se limiter aux questions techniques, au risque d’accentuer les défauts du dispositif existant. Celui-ci est en effet caractérisé par un grand écart entre les orientations nationales, qui tendent à devenir de plus en plus sécuritaires, et les réalités locales, qui ne se résument pas à la sécurité. Dans l’ANRU du futur, le rôle de l’Etat ne devra pas se cantonner à la sélection de projets locaux, portés par les collectivités, avec une enveloppe restreinte.