Interview

« Tous les quartiers seront en chantier en 2023 », Catherine Vautrin et Anne-Claire Mialot (Anru)

Huit ans après son lancement, le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) accélère en prenant un tournant plus vertueux. Explications.

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Anne-Claire Mialot, directrice générale de l'Anru (à gauche) et Catherine Vautrin, présidente de l'Anru et présidente de la communauté urbaine du Grand Reims.
Anne-Claire Mialot, directrice générale de l'Anru (à gauche) et Catherine Vautrin, présidente de l'Anru et présidente de la communauté urbaine du Grand Reims.

Vous formez un duo nouveau à la tête de l’ANRU (Catherine Vautrin a été nommée en septembre 2022, Anne-Claire Mialot en décembre 2021). Quelle est votre feuille de route ?

Catherine Vautrin : Elle porte sur le bon déroulement du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), qui permet d’intervenir sur 453 quartiers, concerne 3 millions d’habitants et représente 45 mds€ d’investissements, dont 12 mds€ par l’Anru. Le NPNRU permettra de financer la réhabilitation de près de 150 000 logements, la démolition de plus de 100 000 logements et la reconstruction de 85 000 logements sociaux et de 75 000 logements en diversifications mais également de construire ou réhabiliter 1 000 équipements publics, ce qui va générer 800 000 emplois directs et indirects.

Justement, où en êtes-vous du lancement du NPNRU ?

C.V. : Au 31 octobre, nous avons engagé 59% de notre objectif d’engagement annuel de 1,6 md€. Nous les aurons engagés en totalité d’ici la fin de l’année. En 2023, ce volume devrait augmenter - car nous sommes contraints par le calendrier fixé par la représentation nationale : d’ici la fin de l’année 2026, l’ensemble du budget devra être engagé.

Toujours au 31 octobre, ce sont 11 485 opérations qui ont été contractualisées, pour 28,631 mds€ d’investissement. Cela signifie que ces opérations peuvent démarrer. Sur ces 28,631 mds€ , un peu plus de 7mds€ provient du budget de l’Anru.

Toujours à fin octobre, 5 364 opérations ont été engagées et 1014 sont livrées correspondant à la construction de 6173 logements et la réhabilitation de 14293 logements.

Anne-Claire Mialot : Sur le terrain, l’engagement opérationnel précède bien souvent l’engagement financier. Nous menons une enquête chantier, basée sur du déclaratif. Les données montrent une dynamique forte. Entre 2021 et 2022, le niveau d’engagement a doublé. Les mises en chantier ont aussi largement progressé puisqu’elles concernent 416 des 453 quartiers.

Le NPNRU a été lancé en 2014. Pourquoi est-ce que huit ans plus tard, 37 quartiers sont toujours en attente de validation de projets ?

C.V. : Monter un projet de renouvellement urbain prend du temps. L’élu local, les bailleurs sociaux… doivent d’abord partager une vision commune pour le quartier avant d’ébaucher un programme, en discutant avec les équipes de l’Anru mais aussi avec le préfet. Une fois la faisabilité du projet stabilisée, ils viennent le présenter en comité d’engagement qui décidera des concours financiers alloués au projet.

A-C.M. : Le renouvellement urbain porte sur la restructuration complète d’un quartier et la réparation de la ville. Il s’agit d’intervenir sur des quartiers habités. Quand le programme prévoit des rénovations ou restructurations lourdes, les travaux sont réalisés en site inoccupé. Ce qui implique de reloger les ménages. Et de rencontrer chaque famille. Certaines se montrent très motivées, d’autres moins. Quitter son logement peut s’avérer extrêmement compliqué… Quand tout se passe bien, un relogement prend une année. Mais ce délai peut grimper jusqu’à deux, voire même trois ans.

C.V. : Dans les territoires très denses, comme l’Ile-de-France, le relogement prend effectivement plus de temps. C’est le cas par exemple, aux Mureaux (Yvelines). Surtout lorsque nous devons reloger en dehors des quartiers prioritaires de la ville, en vue de favoriser la mixité sociale. Bien que les bailleurs sociaux organisent une vacance structurelle dans leur parc en vue de pouvoir intervenir dans les quartiers Anru, nous constatons qu’il y a moins de logements disponibles que lors du PNRU. Mais je vous l’annonce, en 2023, tous les quartiers seront en chantier.

Le NPNRU a bénéficié d’une rallonge de 2 mds€ en 2021. Entre l’inflation sur le coût des matériaux, les difficultés financières des collectivités locales, l’obligation de regroupement des bailleurs qui a mobilisé leurs ressources, la conjoncture a-t-elle freiné le lancement d’opérations ?

C.V. : Incontestablement les 2 mds€ ont apporté une bouffée d’oxygène - le terme est faible - pour intervenir sur les 453 quartiers. L’inflation est un sujet… cyclique. Nous ne savons pas combien de temps la crise des matériaux durera. Le sujet est sur la table, pour autant, je n’ai pas connaissance de projets en attente à cause du surcoût lié à l’inflation des matériaux. La crise énergétique a un effet accélérateur : les bailleurs sociaux ont une forte volonté de rénover leur patrimoine pour réduire les charges. De leur côté, certains élus pourraient demander à étaler les programmes dans le temps, pour lisser les crédits de paiement. Enfin, certains veulent ouvrir le débat sur la démolition et lancer la réflexion sur le réemploi. Nous n’avons pas de dogme. Nous avons probablement plus facilement démoli dans le cadre du PNRU. Et il est certain qu’aujourd’hui, nous sommes plus préoccupés par le réemploi.

A-C.M : Beaucoup de projets portent une démarche forte sur le réemploi, comme à Nancy avec le développement de la maison du réemploi (inaugurée à l’été 2022, par l’Office métropolitain du Grand Nancy, qui réhabilitera 713 logements, NDLR). Dans le cadre de la démarche « Quartier Résilients » lancés le 12 septembre dernier par le ministre Olivier Klein, nous fléchons 100 M€ vers des projets vertueux en matière de sobriété énergétique, de gestion de l’eau, de renaturation, … Cette enveloppe est doit être perçue comme un « coup de pouce » pour aller plus loin en la matière dans 50 quartiers, car c’est bien l’ensemble des 12 mds€ qui doivent être résilients.

C.V. : Il n’est pas exclu que des partenaires de l’Anru alignent leur stratégie sur le programme « Quartiers Résilients » et permettent d’aller plus loin…

Selon une enquête Harris interactive pour l’Anru, les habitants des quartiers prioritaires de la ville ont plus souffert des fortes chaleurs l’été dernier que le reste des Français (70% contre 56% à l’échelle nationale). Comptez-vous renforcer les exigences en matière d’isolation des logements ?

C.V. : Dans le neuf, tous les logements construits répondent à la Réglementation environnementale 2020. Lorsque nous intervenons sur l’existant, nous accompagnons majoritairement des opérations qui portent le parc à un niveau BBC Rénovation, permettant d’atteindre l’étiquette A, B ou C.

A-C.M : Ce niveau d’exigence permet de mieux isoler du froid, mais aussi de réduire les consommations énergétiques. D’ailleurs, nous incitons les bailleurs sociaux à changer le vecteur énergétique de leur patrimoine lorsqu’il est alimenté par le gaz. En leur proposant de se connecter au réseau de chaleur urbain quand il existe par exemple. Ou en accompagnant le développement de l’autoconsommation.

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