A la demande des ministères en charge de l'écologie, de la santé et du travail, l'Afsset a rendu public le 17 février un rapport sur les risques pour la santé des fibres courtes et des fibres fines d’amiante, non prises en compte par la réglementation actuelle.
Une première d’importance pour l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail qui n’avait jamais sorti jusqu’à maintenant un rapport sur le sujet. « Avec ce rapport, nous sommes à l’avant-garde sur le plan européen, car la France est le premier pays à établir des recommandations sanitaires sur les fibres courtes d’amiante, précise Martin Guespereau, directeur général de l’Afsset, nommé à ce poste au début d’année. En effet, il faut savoir que la réglementation encadrant l’amiante retient la définition d’une « fibre », proposée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à la fin des années 1960, comme « une particule allongée ayant une longueur supérieure à 5 µm (micromètres), un diamètre inférieur à 3 µm et un rapport longueur/diamètre supérieur à 3 ». En ne prenant en compte que ces fibres longues, tant pour évaluer la pollution d’un lieu que pour établir les seuils réglementaires, on fait abstraction d’une partie des fibres d’amiante, courtes et fines, qui peuvent contribuer aussi aux effets nocifs pour l’homme, comme le relève une publication scientifique de Dodson parue en 2003. C’est donc pour mieux en cerner les risques, mais aussi pour évaluer la pertinence de la réglementation en vigueur, que les ministères ont saisi l’Afsset sur cette problématique.
Des fibres fines et courtes à prendre en compte
Dans son rapport de 379 pages, résultat de trois ans d’études et d’analyses, l’Afsset conclut que les paramètres dimensionnels jouent un rôle majeur dans les propriétés cancérogènes des fibres d’amiante : les effets sont plus importants avec l’augmentation de la longueur et la diminution du diamètre. Si les fibres fines (L supérieure ou égale à 5 µm, d inférieur à 0,2 µm et rapport L/d supérieur ou égal à 3) ont un effet cancérogène significatif, pour les fibres courtes (L inférieure à 5 µm, d inférieur à 3 µm et rapport L/d supérieur ou égal à 3), de nombreuses limites viennent nuancer les résultats. Cependant, compte tenu de leur forte présence dans les lieux où les matériaux amiantés se dégradent, l’existence d’un effet cancérogène des fibres courtes ne peut être écartée. Dans les bâtiments par exemple, les concentrations vont de la limite de détection à 630,9 f/L pour les fibres courtes, à 14 f/L. Les fibres courtes d’amiante (FCA) représentent en moyenne de 71% (matériaux amiante ciment) à 98% (calorifugeage) des fibres comptées, alors que les fibres fines (FFA) représentent de 1,5 % à 16,5 % des fibres comptées.
Un tour de vis de la réglementation recommandé
Face à ces constats, l’Afsset considère qu’une révision de la réglementation actuelle est justifiée pour renforcer la protection des travailleurs et de la population. Elle propose d’abaisser le seuil réglementaire actuel (valeur limite d’exposition professionnelle) et d’ajouter les fibres fines au comptage des poussières d’amiante. Pour ce faire, la mesure devra se faire nécessairement en microscopie électronique. Ces règles plus rigoureuses réduiraient l’exposition des professionnels au risque amiante. En effet, rajouter les fibres fines au comptage accroît de 25 % le nombre de fibres comptabilisées. De plus, le recours à la microscopie électronique permet de compter les fibres fines et d’identifier précisément la nature des fibres d’amiante. Concernant les techniques de retrait, l’agence conseille de suivre les préconisations de l’INRS, d’écarter les techniques abrasives ou la cryogénie, qui sont les plus émissives à priori en fibres courtes et fines, et de réaliser pour le retrait des matériaux ou produits contenant de l’amiante (MPCA) friables, une imprégnation la plus complète possible pour réduire les émissions de fibres.
L’Afsset appelle également à abaisser la valeur réglementaire actuelle de 5 fibres par litre, qui définit le niveau résiduel autorisé à l’intérieur des bâtiments. Cette valeur sert au déclenchement des travaux de désamiantage. Cette valeur avait été calculée sur la base du bruit de fond de la pollution des années 70. Celui-ci avait déjà diminué d’un facteur 10 au début des années 90. L’actualisation de cette valeur limite s’impose.
Enfin, l’Afsset propose de créer un nouveau seuil réglementaire spécifique pour les fibres courtes d’amiante, applicable dans les environnements intérieurs (établissements recevant du public…). Ce seuil concernera les situations de dégradation importante de matériaux amiantés (dalles vinyle amiante dans des couloirs à forts passages…) qui ne génèrent pratiquement que des fibres courtes, en quantité parfois importante. Une mesure qui viendrait combler un vide puisque ces situations ne sont pas couvertes par la réglementation actuelle qui ne compte que les fibres longues.
Globalement, l’Avis donné montre qu’en raison des incertitudes sur la toxicité des fibres courtes et des limites d’interprétation des modèles pour de faibles doses d’exposition aux fibres longues d’amiante, il est nécessaire de gérer le risque dans une logique d’action sur l’exposition.
Reste que ce tour de vis donné tant pour l’exposition professionnelle que pour l’environnement général pourrait engendrer une multiplication des chantiers de désamiantage, laquelle pourrait être source de désordres.
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