Dans quel contexte s’inscrit la souscription de ce prêt garanti par l’Etat (PGE) ?
Jean-Charles Robin : Lorsque le confinement a été décrété, nous ignorions sa durée. Or, l’arrêt de l’ensemble de nos chantiers signifiait aussi celui de la facturation. Nous risquions donc d’être confronté à une baisse significative de notre trésorerie. C’est en anticipation de cet effetque nous avons demandé un prêt garanti par l’Etat (PGE).
Quelles sont les modalités de son octroi ?
La procédure est très encadrée car le PGE fait partie des mesures lancées par le ministère des Finances afin de soutenir la trésorerie des entreprises pendant la crise. Ce sont les neuf banques avec lesquelles nous avons l’habitude de travailler (Banque Palatine, BNP-Paribas, Bred Banque Populaire, Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Paris et d’Ile de France, Crédit du Nord, Crédit industriel et commercial, Crédit Lyonnais, Natixis et Société Générale) qui nous prêtent 105 millions d’euros remboursables sous un délai d’un an. Le contrat de prêt est négocié entre ces banques, puis la Banque publique d’investissement (BPI) en vérifie les modalités et en particulier le fait que ce PGE soit bien conforme aux exigences de l’état. Pour les entreprises qui réalisent plus d’1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires et comptent plus de 5000 salariés, la signature du ministre de l’économie est nécessaire, ce qui donne lieu à un arrêté publié au Journal officiel, comme cela a été notre cas.
A quoi correspond ce montant de 105 millions d’euros ?
En cas de crise, trois indicateurs sont importants à suivre dans les entreprises de BTP : la prise de commande, la production et la trésorerie. La trésorerie est la première impactée. En 2008, lors de la crise des subprimes, j’ai mis en place un financement par titrisation, qui consiste à céder une part des créances commerciales de notre portefeuille clients, ce qui permet de récupérer quelques mois de trésorerie. Cette titrisation qui fait aujourd’hui partie intégrante de notre trésorerie, avec nos fonds propres, a été suspendue du fait de l’arrêt de l’activité. Elle représente en moyenne 105 millions d’euros, soit le montant du PGE.
Quelles sont les contreparties demandées par l’Etat ?
Elles se résument en trois points : l’entreprise qui en bénéficie ne doit pas posséder d’entité juridique dans un paradis fiscal, ne doit pas utiliser cet argent pour verser des dividendes à ses actionnaires et respecter la Loi de Modernisation de l’économie (LME). Sur ce dernier aspect, il s’agit de veiller en particulier à respecter les délais de paiement des fournisseurs. L’objectif n’est pas de capitaliser sur le PGE, mais bien de faire en sorte que l’argent circule et participe à la relance économique.
Comment allez-vous utiliser cet argent ?
Ce prêt nous permet d’assurer la sécurité de notre trésorerie afin de verser les salaires et de payer nos fournisseurs comme nos sous-traitants, en toute sérénité. Dans quelques semaines, nous devrons également rembourser les charges sociales et distribuer à nos collaborateurs leur participation et leur intéressement. Le mois de juin nécessite donc une trésorerie importante. Au-delà de cette période, la titrisation repartira – nous anticipons une forte activité sur nos chantiers cet été – et nous pourrons utiliser ce prêt pour financer du développement.
Comment envisagez-vous la fin de l’année 2020 et la crise économique qui se profile ?
Les cycles de production du BTP sont toujours assez longs, c’est pourquoi je n’envisage pas de crise dès septembre. Cette année, l’impact devrait se limiter à ce qui a été perdu lors des deux mois de confinement. Environ 95 % de nos chantiers ont repris, et ce sont surtout les petits chantiers du second œuvre qui restent à l’arrêt. Si les appels d’offres continuent à marquer le pas, une très forte baisse d’activité pourrait en revanche nous impacter en fin d’année ou au début 2021.