La récolte sera bonne. En franchissant les allées de sa citronneraie -dominant la vallée du Reginu, en Balagne, à une centaine de kilomètres de Bastia (Haute-Corse) -, Jean-Claude Venturini, chapeau vissé sur la tête, affiche un large sourire en inspectant ses arbres cultivés en terrasse, déjà bien garnis d'agrumes jaunis par le soleil estival. A 86 ans, il demeure toujours président du conseil de surveillance de La Louisiane, une entreprise qu'il a créée en 1977, et devenue une référence à Paris en plomberie, couverture, étanchéité et génie climatique. Ayant poussé les murs de sa petite boutique du XVIIIe arrondissement, le savoir-faire de Jean-Claude Venturini s'est orienté depuis quarante ans vers le patrimoine et les belles pierres, les demeures d'exception. Le château de Versailles, le Louvre ou le Sénat : ces chantiers ont marqué d'une pierre blanche sa réputation.
Sa trajectoire a puisé ses racines en Corse - où était né son père -, sur cette petite citronneraie bordée d'oliviers majestueux, acquise il y a un demi-siècle. Ce lieu de villégiature, refuge où la famille venait camper l'été autour du petit pailler, a accompagné l'essor de l'entreprise. « C'était un lieu pivot pour nous », souligne son fils, Cyril Venturini, 57 ans, qui a pris la suite de son père en 2005 à la tête de La Louisiane. Chaque année, le chef d'entreprise adresse à ses 1 200 clients, parmi lesquels figurent des administrations ou des maisons prestigieuses, des paquets de 3 kg de citrons. « Ils sont sensibles au geste et ils nous demandent s'ils sont bio, ce qui est le cas puisqu'ils ne sont pas traités, explique Cyril Venturini, avec la même faconde et le même galurin en paille que son père. On sort du discours technique pour aller vers plus de simplicité. »
« On sort du discours technique pour aller vers plus de simplicité. » Cyril Venturini, président du directoire de La Louisiane.
Deux camions dépêchés de Paris
Avec une récolte de près de 4 tonnes l'an dernier, il a fallu deux camions dépêchés de Paris pour acheminer les fruits acidulés au siège de La Louisiane. Une entreprise de travaux offrant des agrumes ? Le décalage est assumé par les Venturini, père et fils, et il reflète aujourd'hui les valeurs de leur société familiale qui revendique son engagement environnemental. « Certifiée ISO 9001 (management de la qualité) dès 1998, elle possède depuis quinze ans une certification “management environnemental” », détaille Cyril Venturini, qui a décuplé le chiffre d'affaires de l'entre-prise, aujourd'hui à 45 M€, et rayonne avec quatre succursales en région parisienne. Cette aspiration a conduit à abandonner certains produits cancérigènes, comme le white spirit, pour préserver la santé des ouvriers. « Les couvreurs de ma génération mouraient à 65 ans du saturnisme », se souvient Jean-Claude Venturini.
A La Louisiane, 10 % des salariés ont un lien familial. Un gage de « longévité dans l'entreprise », selon le père et le fils qui regardent aussi avec intérêt la santé des oliviers nouvellement greffés de la propriété. Avec un espoir affiché : offrir bientôt à leurs clients - comme ce fut cas dans le passé -, en plus des citrons, de l'huile d'olive, l'or liquide de la Corse.
Cet article fait partie du dossier "Jardin secret" de notre série de l'été "Miam".