Durant ces dernières années, le marché des camions de chantiers s’est clairement scindé en deux avec d’un côté les camions dits « d’approche » relativement légers et de l’autre, les camions pour utilisation sévère.
Pour l’un les livraisons, les chantiers urbains, une motorisation modeste et un châssis allégé éventuellement équipé d’une grue auxiliaire. Pour l’autre, le tout-terrain, un châssis renforcé, de la puissance sous le capot et une boîte de vitesses paramétrée pour grimper les pentes les plus raides.
Jusqu’où ira la variété de l’offre ? Et surtout, n’entraîne-t-elle pas plus de complexité dans la gestion des parcs ?
À en croire la vitesse à laquelle sortent les nouveaux camions, il y a tout lieu de croire que la multiplication des modèles n’est pas finie. C’est l’option choisie par Renault Trucks, qui représente à lui seul 30 % des ventes auprès des entreprises de travaux publics et du bâtiment. Ce constructeur qui, comme le rappelle Jacques Hernandez, manager marketing produit, a été la première a proposer cette segmentation sur le marché français en ajoutant un « Premium Lander » à côté de son « Kerax », sort aujourd’hui une version 4 x 4 du « Midlum », un porteur de taille moyenne avant tout destiné aux métiers de la distribution mais cette fois modifié pour pouvoir avancer dans la boue d’un chantier. À l’autre bout du spectre, la gamme Kerax s’est enrichie de deux modèles encore plus robustes, le Kerax Xtrem et le Kerax 8 x 8 capables de répondre aux conditions les plus sévères, comme s’approcher au plus près des pelles de terrassement ou circuler sur les pistes d’une carrière.
Des approches très différentes d’un pays à l’autre…
Faut-il allez encore plus loin dans le tout-terrain ?
C’est ce que se demande Stéphane Gonnand, responsable produits de Volvo Trucks. « Nous avons des solutions comme les 10 x 4 en Russie. Mais est-ce que le marché français est prêt à remplacer ses tombereaux articulés pour des véhicules comme ceux-là ? ».
Dans le même esprit, d’autres constructeurs s’interrogent sur certains véhicules à cinq essieux dont le prix resterait beaucoup plus accessible que celui d’un tombereau. Certes, les conditions d’utilisation et la nature des chantiers pèsent lourdement dans le choix du bon modèle. Mais la dimension culturelle semble elle aussi jouer un rôle… C’est en tous cas ce que laissent à penser les chiffres communiqués par Renault Trucks.
En Europe, la répartition entre les différents segments diffère en effet considérablement d’un pays à l’autre. Ainsi, le Royaume-Uni et les pays nordiques privilégient à 80 % les véhicules d’approche chantier plus légers. Plus mesurées, la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne affichent une répartition équilibrée entre les deux catégories. Enfin, à l’autre extrême, il y a les pays de l’Est, avec des véhicules de construction lourds majoritaires à plus de 80 %.
Mais attention ! Les habitudes culturelles évoluent plus rapidement qu’on ne le croit. « Il y a encore quatre ans, la boîte de vitesses automatisée était très peu utilisée dans les applications de chantier. La plupart des conducteurs n’en voulaient pas pour des raisons d’habitude. Aujourd’hui elle s’est installée dans le paysage, au même titre que le rétrogradage sécurisé ou l’aide électronique au démarrage en côte », constate un constructeur.
À 1,50 euro le litre de gazole, les mentalités changent très vite... C’est par les économies qu’elles permettent de réaliser sur la consommation de carburant que les aides électroniques à la conduite ont finalement été acceptées.
Il en sera de même avec les camions d’approche légers s’il est prouvé qu’ils font – in fine – économiser plusieurs centaines de litres par an. De Renault Trucks à Man en passant par Mercedes, Scania et Volvo, tous les constructeurs ont conscience qu’une partie de la bataille se jouera sur leur capacité à proposer des véhicules sobres, et cela quels que soient leurs profils !