Cest un retour aux sources des solutions les plus basiques ! Les entrepreneurs du BTP redécouvrent avec passion Excel, un des logiciels utilitaires phares de la suite Office de l’éditeur Microsoft. Pourtant, avec son apparente austérité, le tableur fait pâle figure face aux solutions lancées par les éditeurs spécialisés dans le bâtiment. Voilà des années que ceux-ci saluent chaque installation d’un logiciel de devis, de planning ou de gestion de trésorerie, comme une victoire sur Excel, catalogué de « concurrent historique ». En toute logique, beaucoup pensaient que « l’obsolète tableur » disparaissait, à l’instar de son prédécesseur Multiplan qu’il avait lui-même supplanté en 1987.
Or, depuis six mois environ, Excel revient sur le devant de la scène. Jean-Yves Messé, ingénieur thermicien et créateur du site thermexcel.com, le confirme : « Il y a deux ans, j’ai créé un petit site en mettant à la disposition des internautes mes propres feuilles de calculs. Mes programmes répondent à des besoins très spécifiques de calculs en hydraulique, thermique et fluides. D’autres relèvent d’applications basiques, de gestion des prix, devis ou planning. Mon site vivotait jusqu’au début de l’année. Depuis, j’enregistre un nombre croissant de connexions : il a plus que doublé, atteignant jusqu’à 5 000 visiteurs par jour ! » Aujourd’hui, la majorité des bureaux d’études utilisent les feuilles de calculs Jean-Yves Messé, qui revendique même la clientèle de majors comme Bouygues Construction.
Jérôme Guyard, gérant de l’entreprise du Mée-sur-Seine (Seine-et-Marne) Carrelage Plus, fournit un début d’explication. « Mes armoires débordent de logiciels achetés parce qu’estampillés bâtiment. En réalité, ces outils s’avèrent inadaptés à mes besoins. Ils sont trop complexes pour mon personnel qui n’a subi aucune formation particulière à l’informatique. Du coup, je les range au placard au profit d’applications que je crée sur Excel ».
Un outil professionnel polyvalent. En développant sans cesse leurs logiciels, les éditeurs seraient donc en train de servir leur principal concurrent ? « L’équation est simple : en voulant satisfaire un maximum d’utilisateurs, les éditeurs oublient les spécificités de chaque entreprise. De plus, chaque année les éditeurs ajoutent – et facturent – de nouvelles fonctionnalités qui n’intéressent pas toujours tous les clients, analyse Pierre Polard, gérant de Premium Consultants (voir ci-contre). Un entrepreneur n’hésite pas à construire sur Excel la petite application manquante. De fil en aiguille, sa feuille de calcul s’enrichit de nouvelles fonctionnalités et rend inutile les outils d’éditeurs. »
Historiquement, le tableur s’impose en outil professionnel polyvalent, apprécié pour sa simplicité autant par les petites que les grandes entreprises. Son prix représente aussi un atout considérable. Vendu au maximum 240 euros, il figure dans presque tous les ordinateurs et, de fait, devient très communiquant. Un utilisateur peut ouvrir un fichier quelle que soit la version Excel dont il dispose. Dès lors, un donneur d’ordres envoie facilement un fichier Excel à son fournisseur qui le complète et lui retourne par e-mail.
Les éditeurs de logiciels réagissent en valorisant l’usage d’Excel dans leurs propres applications. « Ce n’est qu’en développant les passerelles d’importation et d’exportation des données entre nos outils et le tableur que nous prouverons la plus-value de nos progiciels », confient-ils avant de lâcher qu’il existe bien un revers de la médaille : « L’application ne dépasse pas les 60 000 lignes, ce qui constitue une gêne pour construire une base de données. Elle pèche par des doubles saisies systématiques et surtout par son manque de sécurité. » Pour l’instant leur argumentaire tient encore. Il pourrait bientôt voler en éclat : Bill Gates, le président fondateur de Microsoft, doit annoncer cet été une nouvelle version d’Office, donc du tableur. « Comme toujours, le plus grand secret entoure cette évolution, mais Excel devrait améliorer ses fonctionnalités de travail collaboratif et offrir plus de sécurité aux utilisateurs », souffle Alexis Oger, chef de produit Office chez Microsoft France. Réponse sur les ordinateurs fin 2006.