Les chiffres au premier semestre (1S) parlent en faveur de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, représentée par un bataillon de 15 personnes* au Marché international des professionnels de l’immobilier (Mipim) de Cannes, du 7 au 8 septembre.
Dans cette collectivité de 92 communes, quatre fois plus étalée que celle du Grand Paris, la demande placée de bureaux a augmenté de 18 % par rapport à la moyenne quinquennale. Des grandes métropoles, seule la région nantaise a connu une progression de la demande placée depuis 2016 (+14 %).
De janvier à juin dernier, JLL a relevé 20 000 m² placés dans le neuf sur un total de 67 700 m², ainsi que 16 transactions de plus de 1000 m² (contre 15 au S1 2020). Selon la société de conseil, le taux de vacance est de 3,5 %, contre 5,2 % dans la métropole lyonnaise.
« Chez nous, la demande a reculé seulement de 7 % en 2020, alors que la contraction dans les grandes métropoles européennes a été de 45 % en moyenne. C’est la preuve de la résilience de notre territoire », souligne Stéphane Ghio, directeur du développement économique de l'Établissement Public d'Aménagement Euroméditerranée.
À lire aussi
Un marché de bureaux tendu
L’EPAEM, qui rayonne sur 480 ha, soit 5 % de la superficie totale de la métropole, compte aujourd’hui 550 000 m² de bureaux, avec un taux de vacance, à fin 2020, de 2,4 %. « Cette tension du marché est liée aux 36 mois d’attente entre le début des travaux et la livraison, au peu de nouveaux produits réalisés cette année, et au fait que nous sortons à peine du creux de la vague en termes de lancement de projets. Résultat, nous n’avons pas subi un trou à cause de la crise sanitaire », commente-t-il.
Un autre indicateur place Aix-Marseille sur le devant de la scène : la métropole a enregistré l’investissement le plus important des six premiers mois de l’année. « C’est une première au premier semestre, car Lyon est systématiquement devant. Ce signal est important pour les investisseurs anglo-saxons », savoure-t-il.
Le bras armé européen de l’américain Principal Real Estate Investors et Cepac Foncière, filiale de la Caisse d'Epargne Cepac, ont réuni 90 M€ pour s’offrir l’Astrolabe, écrin de bureaux d’environ 15 000 m² au sein de l’Euromed Center. Situé au cœur du quartier d’affaires marseillais, ce programme mixte de 70 000 m² a été conçu par l’Italien Massimiliano Fuksas et livré en 2015.
Enfin, Philippe Stéfanini, directeur général de l’agence de développement économique Provence Promotion, met en avant un indicateur numérique : « Sur LinkedIn, le nombre d’utilisateurs basés à Paris a baissé de 17 % sur les 18 derniers mois. A l’inverse, la plus forte croissance en France est de 10 % et elle est à Marseille. »
Les atouts immobiliers
Les atouts de l’immobilier tertiaire d’Aix-Marseille-Provence ne manquent pas. « Je ne connais pas d’autres métropoles avec une telle diversité d’offre immobilière et autant de réserves foncières », observe Laurent Vallas, directeur des régions chez JLL.
Selon lui, les utilisateurs ont le choix entre : Aix-en-Provence, pour les services, comme le montre la présence des sociétés du SBF 120, sans oublier son pôle numérique du quartier de la Constance, où start-up de la French Tech et grands groupes tels que Orange se côtoient ; Marseille, qui attire les banques et les assureurs ; et Fos-sur-mer, pour l’industrie et la logistique.
A ce trio complémentaire s’ajoutent les centres de quatre villes à taille humaine. Martigues (48 000 habitants), Aubagne (45 000), Salon-de-Provence (45 000) et Istres (43 000) profitent à la fois d’un marché résidentiel « détendu » et d’une « douceur de vivre », relève Philippe Stéfanini. Un quotidien différent de celui de Marseille, connue pour ses embouteillages, problèmes sécuritaires, etc. « Des programmes tertiaires inférieurs à 3 000m² vont se développer à proximité de leurs gares TER dans les prochaines années », assure-t-il.
Les opportunités foncières se situent principalement à Fos-sur-mer. « Il s’agit de terrains adaptés à la logistique, en forte croissance en raison du boom du e-commerce, et à l’industrie primaire et secondaire. De gros gabarits de plus de 150 ha pourraient susciter l’intérêt de grands industriels », anticipe Laurent Vallas. D'après une étude JLL-EY réalisée pour le Mipim, le territoire compte 2 500 ha de foncier aménageable et 1 900 ha de foncier cessible.
Afin de répondre aux nouveaux besoins, Euroméditerranée planche sur « des escales de travail dans des bâtiments neufs mixtes », confie Stéphane Ghio. Ces espaces de travail partagés de 200 à 300m² viseraient, entre autres, à réduire les déplacements des travailleurs. Des appels d’offres dédiés sont annoncés pour 2022, avec de premières livraisons en 2025. En attendant, une solution transitoire est envisagée : installer un espace de coworking à la place d’un commerce en pied d’immeuble qui mettrait la clé sous la porte, après plus d’un an de crise sanitaire, favorable aux sites marchands.
A Marseille comme ailleurs en France, sont particulièrement exposés « les commerces traditionnels, dans le textile et l’équipement de la maison, ainsi que les magasins qui proposent des produits pas chers, de mauvaise qualité et fabriqués en masse à l’autre bout du monde », explique Marie-Laure de Sousa, directrice des marchés locatifs chez JLL. En opposition aux « commerces de proximité, de bouche qui plaisent aux consommateurs, lassés par la surproduction », poursuit-elle.
Les atouts du territoire
Hors immobilier, les atouts du territoire sont nombreux.
En matière d’innovation, la cité phocéenne n’a pas à rougir. En témoigne son pôle de 4500 chercheurs, du CNRS ou de l’Institut Paoli-Calmettes spécialisé dans la lutte contre le cancer, situé entre le stade Vélodrome et les Calanques. « Le frein lié à son accessibilité n’est plus un sujet, affirme Philippe Stéfanini. Le Boulevard urbain sud (BUS), désormais relié à l’autoroute A50, rend plus simple l’arrivée des équipes. » L’extension de la ligne 3 du tramway, sur 4,4 km, facilitera encore les déplacements. Mais patience, la fin des travaux est prévue en 2025.
En attendant, « des projets d’immobilier d’entreprises biotech sont à l’étude sur les Hôpitaux Sud, dans le IXe arrondissement de Marseille. A proximité, de grands immeubles de bureaux années 70 vont se libérer. Provence Promotion va aussi tester des investisseurs sur la reconversion possible en immobilier d’entreprises biotech, avec laboratoires et bureaux. D’ici dix ans, nous pourrions atteindre les 60 000m² développés, nécessaires pour accompagner le monde de la recherche », développe-t-il.
Autre point fort : son caractère cosmopolite. De quoi séduire les 200 salariés de Ceva Logistics, qui a initié fin 2019 le déménagement de son siège à Marseille, la ville de son actionnaire, l’armateur CMA CGM. « Ces quadras et quinquas - néerlandais, américains ou britanniques - ont retrouvé le multiculturalisme d’Amsterdam », raconte Philippe Stéfanini.
A cela s’ajoute la présence de câbles sous-marins, qui fera de Marseille l’an prochain la 5e ville la plus connectée du monde. « Un opérateur international a plus intérêt de s’installer à Marseille qu’ailleurs en France ou en Europe, remarque Laurent Vallas. Nous avions sous-estimé cette prestation de la métropole, qui peut attirer les activités de trading, de gestion de contenus… »
Côté investisseurs, le responsable de JLL souligne « la lisibilité d’une stratégie métropolitaine en matière économique, pour en faire une ville durable ». Cela se traduit par une première mondiale : EDF et Engie fournissent du chaud et du froid, à partir de la géothermie marine. Un million de m² de bâtiments résidentiels et tertiaires carburent à cette énergie décarbonée.
À lire aussi
Les start-up arrivent
Si nombre de voyants sont au vert pour accueillir de nouvelles entreprises, les décentralisations de sociétés basées en Ile-de-France qui choisissent la région marseillaise restent – pour l’instant – limitées aux jeunes entreprises. En 2020, la moitié des 60 salariés de la start-up de formation en ligne Live Mentor ont quitté Paris pour le centre d’Aix-en-Provence. La même année, l’arrivée de la plateforme de location de bateaux Click and Boat, qui « avait du mal à fidéliser ses commerciaux pour l’Europe », se souvient Philippe Stéfanini, déménageait son siège parisien à Marseille. A la clé, une quarantaine de postes.
« Avant, nous proposions le même type d’immobilier qu’une capitale européenne, où le coût du ticket d’entrée pour réaliser des projets innovants freine les entreprises. Le match entre les métropoles et ces grandes villes, Francfort, Londres, Milan, Amsterdam, qui souffrent en ce moment, se rééquilibre », analyse-t-il.
A l’heure de l’optimisation des surfaces de bureaux, liée aux accords de télétravail qui se mettent en place, Philippe Stéfanini constate que « certains, dans le conseil et les transports, rendent de l’espace. Auparavant ils louaient des surfaces autour de leur siège, mais avec le télétravail, ils n’ont plus ce besoin. » De là à parler d’une éventuelle augmentation de friches tertiaires…
Et s’il devait y avoir à Marseille des bureaux non-occupés, car obsolètes et mal desservis, « des travaux de réaménagement pour en changer l’usage » seront à envisager, même si ce phénomène concerne davantage « la deuxième couronne francilienne et les périphéries des villes moyennes », note Marie-Laure de Sousa.
L’ensoleillée métropole d’Aix-Marseille-Provence peut lever la tête et contempler un ciel dégagé. Qui présage de belles perspectives.
*Ils représentaient la Métropole, Provence Promotion, Euroméditerranée et le Port de Marseille Fos.